Des statistiques ethniques lors du recensement : un nouveau pas vers l’égalité des chances.

— Par Arduini-Elatfani, Présidente du Club XXIe Siècle & Haiba Ouaissi, membre du Bureau du Club XXIe Siècle —

stat_ethnik« La France se nomme diversité », disait Fernand Braudel. Utopie en passe de réalisation ou défi encore à relever ? Il semble que la promotion de la diversité impose une action forte et volontaire pour parvenir à une véritable égalité des chances et que la France n’a guère véritablement progressé sur le terrain depuis la création de la Halde (devenue « Défenseur des droits ») ou celle de la Charte de la diversité. Pourtant, le rapport adopté par le Sénat, mercredi 12 novembre 2014, offre une lueur d’espoir et relance le débat en proposant que les recensements incluent une question sur le pays de naissance des ascendants et la nationalité antérieure.

Est-ce que des statistiques ethniques peuvent contribuer à une égalité des chances ? En réalité, l’exclusion des minorités dites « visibles » est, avant tout, le résultat d’une fracture sociale plus large et d’une panne de l’ascenseur social qui favorise la reproduction endogène des élites. Si l’on veut donner force aux principes fondateurs de la République, « Liberté, Égalité, Fraternité », il faut opérer une véritable révolution des esprits, un changement des mentalités et des comportements et ne plus laisser au bord du chemin des talents isolés, à cause de leurs origines sociales ou ethnoculturelles.
Risque de dérives

Pourcentages ou statistiques de référence portent en eux un risque de dérive en créant un statut des minorités et en fondant des éléments de comparaison qui deviendront vite des éléments de positionnement. Ce n’est pas en mettant l’adjectif « positive » au mot « discrimination » que l’on résoudra le problème de l’inégalité des chances et au-delà celui de l’unité nationale. Quand la statistique ou le pourcentage deviennent un but à atteindre, ils portent en eux le risque d’accentuer le communautarisme et la « concurrence » intercommunautaire. Plus on distingue, plus on risque de diviser et de différencier. Cela serait regrettable.

Mais les statistiques de la diversité portent aussi en elles des avantages si elles restent des statistiques, c’est-à-dire des instruments de référence pour vérifier l’opportunité d’une politique et son efficacité. Autrement dit, la statistique doit être non pas un objectif à atteindre, mais le constat d’un résultat. Elle ne peut être une obligation, elle doit rester une évaluation. On ne peut se dispenser de statistiques pour mesurer le résultat obtenu ou l’évolution tendancielle d’une politique.

En cela, la proposition formulée par le rapport du Sénat doit être soutenue. L’on doit néanmoins s’interroger sur l’extension de telles statistiques au-delà du recensement. Le recours aux statistiques ethniques permettra-t-il de combattre les stéréotypes et les discriminations lors de l’embauche ou dans le déroulement des carrières ? L’exemple américain et canadien, même s’ils ne peuvent être une référence ou un exemple de réussite, montre que la diversité est une richesse qu’il faut susciter, faciliter et préserver mais dans un concept d’égalité face aux droits, aux charges et aux devoirs civiques et non dans un souci d’ouvrir des facilités pour obtenir des dérogations…
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