Des prêtres infaillibles au nom de Dieu

— Par Philippe Portier, Historien et politologue.* —

eglise_pedophile2Le scandale de la pédophilie n’a pas laissé l’Eglise inerte. A partir des années 90, après que le rapport Doyle aux Etats-Unis (1985), lui-même prolongé par des procès retentissants comme celui du père Pipala en1993, a révélé l’ampleur des abus sexuels en son sein, sa hiérarchie s’est lancée dans une opération de clarification des comportements. L’épiscopat américain est intervenu tout d’abord, en instituant, dès 1993, une commission d’étude dont les travaux déboucheront en 2002 sur la mise en place de dispositifs de sanction des prêtres pédophiles.

En France, la réflexion des évêques, lancée dès 1998, sous l’effet en particulier de la mise en examen du père Bissey, prêtre du diocèse de Bayeux, a donné lieu bientôt à des textes d’orientation ferme comme celui adopté en 2002 «Lutter contre la pédophilie : repères pour les éducateurs». Malgré certaines oppositions au sein de la curie, le Saint-Siège, sous l’influence de Joseph Ratzinger, a accompagné le mouvement, en estimant, selon la formule du futur Benoît XVI, que l’idée de «pardon» (accordé au prêtre fautif) ne saurait prévaloir sur celle de «justice» (rendue à l’enfant violenté).

On remarquera cependant que cette prise de conscience des abus a été tardive, et ne s’est pas opérée sans résistance locale. Comme l’ont révélé récemment les enquêtes menées sur les affaires de Lyon, Toulouse ou Bayonne, nombre d’évêques, jusqu’à il y a peu, réglait les problèmes en se satisfaisant de déplacer les prêtres convaincus d’abus, en leur demandant simplement de s’amender et en leur assignant un directeur de conscience, souvent lointain. Nulle dénonciation à la justice, nulle suspension de fonction : l’affaire devait se régler secrètement, au mieux dans la clôture d’une conversation avec les parents des enfants abusés, qu’on sommait, en excipant de l’argument de la Caritas, de bien vouloir accorder leur pardon à l’ecclésiastique coupable. Rien ne dit que les choses ne continuent pas ainsi.

Comment expliquer cette conspiration du silence ?

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** Co-auteur avec Céline Béraud de : Métamorphoses catholiques, éditions de la Maison des sciences de l’homme, Paris, 2015.