Des geoles de Pinochet à la Présidence

— D’après AFP—
michele_bacheletLa socialiste Michelle Bachelet a largement remporté dimanche l’élection présidentielle au Chili devant la conservatrice Evelyn Matthei et devra désormais relever le défi de mettre en oeuvre les profondes réformes qu’elle a promises.
Après un premier mandat en 2006-2010, Michelle Bachelet a été élue avec plus de 60% des voix dimanche, selon les premiers résultats partiels, portant sur 56% des bureaux de vote.
[…] Grande favorite, Michelle Bachelet, 62 ans, médecin de formation et première femme élue à la tête d’un pays sud-américain en 2006, a confirmé les pronostics qui lui promettaient une victoire très confortable.
Au cours de la campagne, l’ex-présidente a promis de mettre en marche dans les 100 jours après son élection un ambitieux programme de réformes.
Ce programme est notamment fondé sur une révision de la Constitution de 1980 héritée de la dictature, une réforme fiscale envisageant une augmentation de l’impôt des sociétés de l’ordre de huit milliards de dollars (3% du PIB) destinée notamment à une refondation du système éducatif pour instaurer une éducation publique de qualité, l’amélioration du système de santé et des services publics.
Née le 29 septembre 1951 à Santiago, Michelle Bachelet a passé son enfance à sillonner le Chili au gré des mutations de son père pilote de l’armée de l’air. En 1970, elle entame des études de médecine et entre aux Jeunesses socialistes.Le 11 septembre 1973, date du coup d’Etat d’Augusto Pinochet, son père promu général d’aviation et proche du président socialiste Salvador Allende, est arrêté, accusé de trahison. Il mourra six mois plus tard en détention, torturé par ses pairs. La mort d’Alberto Bachelet marquera à jamais la vie de sa fille Michelle, qui voudra toujours se montrer à la hauteur de ce père aimé et admiré.
Elle poursuit ses études de médecine tout en aidant secrètement des personnes persécutées par le régime militaire. Mais en janvier 1975, elle est arrêtée avec sa mère par les services secrets, qui les conduisent au centre de Villa Grimaldi, où les deux femmes sont torturées. Libérées fin janvier, mère et fille s’exilent en Australie puis en Allemagne de l’Est, où Michelle Bachelet continue ses études. Dès 1979, elle est de retour au Chili où elle obtient son diplôme de chirurgien mais se verra refuser un poste dans le système public pour raisons politiques. Grâce à une bourse, elle se spécialise en pédiatrie et santé publique et travaille pour une ONG qui soutient les enfants de victimes de la dictature.
Après la transition démocratique de 1990, Mme Bachelet s’engage comme médecin du service public, tout en étudiant la stratégie militaire et les questions de défense. Elle veut, dit-elle alors, comprendre la vision militaire et les raisons du coup d’Etat et de la mort de son père. En 2000, elle est nommée ministre de la Santé, puis deux ans plus tard ministre de la Défense par Ricardo Lagos.Là, elle travaillera au dialogue entre civils et militaires, dans un pays aspirant à une réconciliation nationale après les années de plomb de la dictature. C’est le début d’une popularité qui ne s’est jamais démentie depuis.
Rompant avec le style figé de la classe politique traditionnelle, cette femme divorcée, mère de trois enfants et grand-mère, s’est notamment fortement engagée en faveur de l’amélioration des droits des femmes dans un pays ultra-conservateur, où l’avortement, même thérapeutique, est interdit et où le divorce n’a été légalisé qu’en 2004.Souriante, chaleureuse, celle que les Chiliens appellent simplement Michelle n’hésite pas à serrer les gens dans ses bras ou à danser et chanter en public si l’occasion se présente. Elle n’a jamais évoqué les tortures subies alors qu’elle avait 24 ans. A l’occasion du 40e anniversaire du coup d’Etat en l’honneur des victimes sur les lieux mêmes du centre de torture devenu un parc, Michelle Bachelet a expliqué simplement sa présence «en qualité de survivante de la Villa Grimaldi».