Fort-de-France : Deux appels liés à La Porte du Tricentenaire, un arrêté d’interdiction

Vendredi 31 juillet 2020- Journal France Antilles
Pour donner la parole au peuple – Pour préserver notre espace démocratique.

Les derniers mois en Martinique ont été le lieu de manifestations et de prises de position que l’on ne peut ignorer. Elles sont comme autant de symboles de l’inertie et des frustrations silencieuses qui émaillent et déraillent notre société: nul ne peut ignorer les enjeux liés à la pollution à la chlordécone, à la gestion de l’eau ou encore les inquiétudes concernant le développement économique et l’exode des jeunes. 

Les évènements du 22 mai 2020 ont permis une mobilisation du politique et de la société sur les questions de nos symboles publics et sur la connaissance de notre histoire. Ce choc entre histoire et mémoire a provoqué un processus de remise en question de notre société. 

On aurait pu croire qu’avec les réseaux sociaux, le dialogue entre les différentes réflexions sur notre société aurait pu être facilité. Bien au contraire. Des divisions nous sautent aux yeux et ne cessent de s’exacerber. 

Face aux tensions récentes, des espaces et des moments d’échanges ont pourtant été créés, des espaces et des moments dont notre société a le plus grand besoin. Nous constatons aussi qu’au lieu d’engranger plus de dialogues, ils servent de justification à davantage de confrontation, à davantage d’actes dont la fulgurance risque de mener à une escalade dans la violence, dont notre pays n’a pas besoin. 

La décolonisation culturelle

Car en réalité, nous devons faire corps, nous devons nous rassembler au-delà de ce qui nous divise. Quelle société martiniquaise désirons-nous? Comment apaiser les tensions mémorielles? 

Nous sommes attentifs à ces revendications concernant les traces de la colonisation. Nous nous inscrivons dans une tradition de conquête de l’espace public qui a débuté depuis la fin du XIXème siècle quand les Martiniquais au pouvoir ont commencé à dé-nommer des rues et ériger des statues pour affirmer leur dignité d’êtres humains. 

Nous nous inscrivons dans le courant de pensée de la décolonisation culturelle, c’est-à-dire l’étude des attitudes de résistance, de contestation, de regroupement qui ont permis de ne pas subir cette colonisation. 

Il s’agit pour nous de déconstruire, de renouveler, de compléter la connaissance et le regard jusque-là dominant en partant d’un autre point de vue: celui des femmes, des hommes, des groupes, des arts … De toutes les composantes invisibilisées par le processus de domination politique, culturelle et économique. 

Alors pourquoi ne pas faire de ce moment de tension, de grand tremblement, un foisonnement d’idées et de propositions? Qu’il soit un moment qui nous permette, à tous, de réinvestir l’espace public aujourd’hui contesté. 

Car il s’agit pour nous de lancer un grand effort démocratique. Nous ne voulons plus que l’expression dans notre pays soit réduite à des actes partisans. Nous ne voulons pas que seule une faction ou une autre décide pour l’ensemble des Martiniquais de ce qui doit être fait de notre héritage commun. Ce que nous désirons c’est rassembler nos forces et décider ensemble de la direction vers laquelle nous voulons avancer.

Changer de combat et de discours

Nous voulons voir les évènements actuels comme l’opportunité d’ouvrir un dialogue sur la justice sociale, économique et environnementale de notre territoire. Sur la réparation face à la chlordécone. Sur la résolution du problème de la pollution de nos sols. Sur les questions qui nous concernent tou.te.s. et les outils à mettre en place pour faire avancer notre communauté et notre souveraineté. 

Nous souhaitons que nous arrêtions de nous rabaisser entre nous, chaque nouveau prophète se déclarant plus conscient que l’ancien. Nous voulons rétablir l’amour, l’unité et la transmission. Que cette société démontre qu’elle est une société de bienveillance et d’inter-compréhension. 

Ce vœu peut sembler ridicule, utopique. Et puis qui sommes-nous pour intervenir? Quelle est notre légitimité? Nous sommes des artistes, des enseignants, des intellectuels, des jeunes et des moins jeunes, des anciens et nouveaux militants, des gens qui ont envie que la Martinique bouge et prenne sa destinée en main. En ce sens, nous sommes tous légitimes. Et pour nous, le fond et la manière importent. 

Initier une réflexion citoyenne

Ce pays ne peut plus se décider sur des coups-de-tête et des impulsions, changer de combat et de discours chaque semaine silon van, courir dans tous les sens comme des poulets sans tête. 

Et c’est précisément pour cela que nous voulons nous battre. Pour plus de Martinique. Pour que la Martinique soit aux Martiniquais, et pas à quelques Martiniquais contre d’autres Martiniquais. 

En ce sens, nous proposons une intervention artistique éphémère et non invasive sur la Porte du Parc Aimé Césaire. Pour continuer la pratique du cannibalisme esthétique et urbain imaginé et pensé par Suzanne Roussi et Aimé Césaire et mis en oeuvre sur la Porte du Parc par Khôkhô René- Corail. 

Car il ne s’agit pas par un processus de décolonisation de détruire, mais plutôt de déconstruire. Car il ne s’agit pas, par arrogance et manque de respect, de juger nos ancêtres qui ont érigé cette porte, mais plutôt de se la réapproprier au regard de ce que nous sommes devenus. 

Que le temps sacré de cette création proposée par nos artistes qui ont voulu, à la suite de Khôkhô, matérialiser une vision décoloniale, soit celui de la réflexion et du dialogue. 

Zaka Toto, Directeur de la revue Zist
Elsa Juston, Professeure d’Histoire-Géographie Myriam Moïse, Maître de conférences
Audrey Célestine, Enseignante-chercheure
Mario Gilbert, Artiste
Valérie-Ann Edmond-Mariette, Doctorante en Histoire
Stéphanie Belrose, Professeure d’Histoire-Géographie
Laury Belrose, Professeure d’Histoire-Géographie
Dominique Aurélia, Maître de conférences
Elisabeth Landi, Professeure d’Histoire 

Nous souhaitons initier une réflexion citoyenne. Rejoignez-nous en signant ce manifeste sur http://chng.it/zqsbf8XWZm 

 

Sur People BòKay, voir en texte et images le point de vue et l’appel des Activistes : L’appel d’une jeune manifestante activiste contre la Porte du Tricentenaire, l’intervention de Béatrix, la fille de Khôkhô René-Corail, la réponse du maire Didier Laguerre. Dans la dernière partie, il est question d’apporter, pour nettoyer la fresque, « des karchers »… par chance, cet instrument barbare a disparu dans la première partie du reportage ( le karcher, cet objet de triste mémoire avec lequel, disait la presse en 2005, Nicolas Sarkozy prétendait « nettoyer une cité » à La Courneuve… )

 

Samedi 1° août, dans France Antilles : Le préfet a pris un arrêté…

…afin d’interdire toute manifestation ce dimanche 2 août, de 5 heures à 23 heures aux abords du parc culturel Aimé Césaire.

 L’arrêté d’interdiction de manifestation pour risque de troubles à l’ordre  public a été pris ce samedi 1er août 2020 par le préfet.

Toute manifestation ce dimanche 2 août de 5 heures à 23 heures aux abords du parc Aimé Césaire dans la zone délimitée par les rues José Martin, avenue Paul Nardal, rue Xavier Orville, rue Pierre et Marie Curie est interdite.

Tout contrevenant à cette interdiction est passible des sanctions pénales de 6 mois d’emprisonnement, de 7 500 euros d’amende et d’une contravention de quatrième classe.

Le maire de Fort-de-France, le directeur départemental de la sécurité publique et le commandant de la gendarmerie de Martinique sont chargés chacun en ce qui le concerne de l’application de l’arrêté.

Le préfet considère :

— qu’aucune déclaration de manifestation n’a été déposée en ce sens à Fort-de-France pour le dimanche 2 août 2020. 

— Que plusieurs appels à rassemblement pour le dimanche 2 août 2020 ont été relayés sur les réseaux sociaux et par voie de presse depuis le dimanche 26 juillet 2020.

— Qu’il y a eu des graves troubles à l’ordre public provoqués par des précédentes manifestations du 15 mai, du 16 et 17 juillet et du 27 juillet 2020, au centre ville de Fort-de-France.

Que des heurts et des dégradations sont susceptibles d’intervenir le dimanche 2 août 2020 à l’occasion de ces rassemblements et que dans ces circonstances, seule l’interdiction des rassemblements est de nature à prévenir efficacement les troubles à l’ordre public susceptibles d’intervenir.

Article mis en ligne le 31 juillet, mis à jour le 1° août