« Contes & Théâtre au Jardin », par la Cie Car’Avan

Samedi 11 Mars 2023 à 19h, 60 impasse des Lauriers – Bois Carré – Le Lamentin

Une femme nous parle de Gilliatt, un marin-pêcheur pauvre de l’ile de Guernesay. Farouche et solitaire, rude d’aspect et candide comme un enfant, il surprend un jour la plus belle fille de l’île, Déruchette, écrire son nom sur la neige… Tout son quotidien en est chamboulé.

La Cie Car’Avan présente « CONTES ET THÉÂTRE AU JARDIN »

Au programme:

1- Conte avec Claudia CAMPISANO (Italie/France) – Jennifer ANDERSON (France) – Françoise CRETE (Québec) – Johan THEODORSSON (Suède) / Festival « Graines de Paroles » (AMI)

2- THÉÂTRE (enragé) – «L’abîme ou Les travailleurs de la mer » avec la Cie Provisoire
D’après Victor Hugo
Conception: Julien Guill – Jeu: Claude Maurice

«L’œil de l’homme est ainsi fait qu’on y aperçoit sa vertu.

Si rien ne brille sous la paupière, c’est que rien ne pense dans le cerveau, c’est que rien n’aime dans le cœur. Celui qui aime veut, et celui qui veut éclaire et éclate. La résolution met le feu au regard Presque tout le secret des grands cœurs est dans ce mot: Perseverando.»

L’histoire

Gilliatt est un pêcheur pauvre de Guernesey, aux allures farouches, rude d’aspect et candide comme un enfant. Un jour, par caprice, la jeune, belle et riche Déruchette écrit Gilliatt sur la neige. Alors l’espoir d’être aimé devient l’idée fixe du pêcheur. Pour la conquérir, Gilliatt va aventurer sa vie, affronter la faim, la soif, la colère de l’Océan et les pieuvres qui le peuplent. Quand le temps des épreuves est passé, Gilliat comprend que Déruchette en aime un autre. Il renonce alors à son amour avec une simplicité qui rend son sacrifice plus sublime…

Note d’intention par Julien Guill

En 1966, François Truffaut adapte au cinéma «Fahrenheit 451» de Bradbury. Ce film d’anticipation raconte une société où les hommes considèrent les livres comme une entrave au bonheur et les brûlent. Mais une résistance s’organise. Des femmes et des hommes apprennent des livres par coeur. Ils vivent aux abords des villes, et marchent au bord des rivières, au milieu des arbres tout en poursuivant leur travail de mémoire.

J’ai voulu que la troupe s’empare de cet acte de «résistance». Nous sommes six. Chaque interprète apprend et transmet un roman de Victor Hugo. Ces romans sont à la fois des récits de vie et de puissants plaidoyers contre les injustices.

Pour cette «Brève» nous avons travaillé sur l’exaltation d’une parole intime. Une femme nous parle de l’homme qu’elle aime. Les mots se bousculent. Il y a une urgence de dire. Le public est installé face à un immense espace. Et la comédienne l’investit, le remplit de son histoire. Elle fait face aux abîmes que sont l’amour, la solitude et la Nature.

Du point de vue l’interprète

«L’abîme»: Victor Hugo souhaitait ce titre pour son roman qui fut publié finalement sous le nom des «Travailleurs de la mer». J’ai préféré respecter le désir initial de l’auteur car il correspond mieux au contenu du roman.Il ne s’agit en aucun cas d’une étude ethnosociologique des métiers de pêcheurs ou de mareyeurs… J’ai choisi de raconter cette histoire, celle d’un homme, héros hugolien en diable, ni beau ni riche, qui me touche et me concerne. Parti de rien ou presque, seul, il a pour lui ses principes, selon lesquels il va mener sa vie, accordant le mieux possible ses actions à cette loi intérieure qui lui sert de guide. Gilliatt, ver de terre amoureux d’une étoile, ne renoncera jamais devant l’épreuve, et pour conquérir Déruchette affrontera tous les obstacles que la nature pourra lui opposer. Hugo s’attache à nous le décrire, au milieu des éléments, courageux, persévérant, avec dans les yeux cette « flamme » dont il nous dit que« si rien ne brille sous la paupière, c’est que rien ne pense dans le cerveau, c’est que rien n’aime dans le coeur ». J’adhère totalement à cette assertion. C’est aussi un prétexte à jouer sur une large palette d’émotions, plaisir de comédienne à ne pas négliger. Bien sûr le roman contient une foule d’autres personnages qui influent sur le cours de l’histoire. Mais c’est le chemin de Gilliatt que j’ai choisi de suivre.

Cet homme se dresse tel un phare, une balise, un repère pour éviter de se perdre et de disparaître, image précieuse de la fidélité à soi-même si nécessaire pour mener le mieux possible notre vie si fugace.

La compagnie provisoire

La compagnie c’est quatorze ans de «théâtre enragé», c’est à dire d’un théâtre sans filet. Il y a les interprètes, le public et le texte. C’est tout. On joue, on parle, on se donne. On croit même faire du théâtre.

Et finalement on s’aperçoit que «Le Théâtre» n’existe pas. Il y a des gens. Il y a une grande aventure humaine. Les artistes «parlent», le public «écoute». Et, au fond, c’est la même chose. On échange. Il faut rendre compte du monde, des injustices, des violences, de la solitude. Il faut en parler. Il faut conjurer tout ça. Pour le faire, on s’empare des histoires des autres. On les transmet. On en conserve seulement ce qui nous semble en être l’essentiel. Le reste on le coupe. On fait des choix. Car le temps nous manque.

On investit des espaces, des théâtres, des territoires. On les occupe. Et on rencontre les publics. Le théâtre est une affaire de relation. L’acte théâtral ne connait pas de limites. Au contraire. On brise les carcans et décloisonne les pratiques.

Au delà des formes que l’on choisit — en salle de spectacle, en lieu non dédié, en extérieur ou en rue; au delà des objectifs qu’on se donne — pour des adultes, des ados ou du jeune public; au delà de la matière dont on s’empare — pièce, roman, récit ou témoignage; notre «théâtre enragé» tente de rendre compte de tous celles et ceux qui, envers et contre tout, cherchent à échapper au cadre dans lequel on voudrait les enfermer, pour «devenir».