Comment le port du masque va bouleverser notre rapport à l’autre

Une fois notre visage dissimulé, de quelle manière nos interactions sociales vont-elles évoluer ?

— Par Claire Conruyt et Aliénor Vinçotte —

«On s’est embrassés pour la première fois à travers un masque.» Il y a un mois à peine, Danila rencontrait pour la première fois sa moitié en bas de chez elle, assise sur un banc niché dans la petite cour d’un immeuble parisien. Après avoir échangé une multitude de messages sur un site de rencontre, les deux tourtereaux ont décidé de se donner rendez-vous. Monsieur a enfilé son «plus beau costume comme s’il se rendait au bureau». Madame, une veste cintrée et une chemise à fleurs. Les deux ont dissimulé leur visage derrière un morceau de tissu. «C’était bizarre, mais je discernais dans sa voix, un sourire», se souvient-elle.

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Il fut un temps où les amoureux, timides, guettaient le moindre indice. Un tressaillement de la bouche, une fossette, n’importe ! Pourvu qu’ils puissent lire sur le visage tant désiré, un aveu silencieux. Ces détails, à présent cachés par un masque, ne sont plus visibles. «Comment pourrions-nous sourire à nos proches, à ceux qu’on aime, aux commerçants, aux passants ? Indéniablement les relations entre les hommes en souffriront», se désole Augustin, étudiant à Lyon. Marie-Liesse, étudiante en orthophonie à Montpellier, juge que cela «coupe la communication». «Beaucoup d’orthophonistes se demandent comment elles vont travailler avec. De plus, le port du masque provoque une atmosphère de méfiance qui empêche tout lien social.»

La partie basse du visage, une fois dissimulée, ne nous permettra pas de savoir si notre interlocuteur suit réellement notre propos

Olivier Relier, auteur de l’essai «Le nouveau manuel de morphopsychologie»

De quelle manière notre rapport à l’autre va-t-il évoluer ? «Les 26 muscles de l’expression du visage ont tous leur importance pour décrypter le caractère et les réactions de nos congénères», remarque Olivier Relier, médecin généraliste. «S’en passer de près de la moitié nous rend pour ainsi dire borgne.» L’auteur de l’essai Le nouveau manuel de morphopsychologie poursuit : «La partie basse du visage, une fois dissimulée, ne nous permettra pas de savoir si notre interlocuteur suit réellement notre propos». En effet, précise-t-il, «la bouche est le deuxième récepteur qui seul permet à l’affection de se manifester, et de dire comment et de quelle manière la personne intègre ce qu’il a échangé par le regard». Ainsi, rappelle le médecin généraliste, il existe plus de dix muscles autour de la bouche, et chacun influe «sur la qualité de notre interaction avec autrui».

Nous sommes loin d’imaginer ce qu’un mouvement de lèvres peut signifier. Si votre interlocuteur écarte la lèvre supérieure et/ ou inférieure, c’est qu’il éprouve «une sensation de plaisir». «Votre message a été très bien reçu et accepté», décrypte Olivier Relier. Si au contraire, il doute de vous, «le muscle de la houppe se met en action. Vous verrez apparaître l’incurvation de la lèvre inférieure et un motif de pointillé sur le menton». S’il est pessimiste ou insatisfait, les coins de la bouche tombent, et s’il s’oppose à votre message, ce sera au tour du muscle myrtiforme d’agir et de «faire bomber la lèvre supérieure».

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