« Comme on fait son lit, on se couche. »

— Par Dominique Celma —

Ce proverbe existe probablement dans notre langue créole bien que le temps m’ait manqué pour le retrouver.
Ceci veut dire : « Ce que nous vivons est le fruit de nos actes, nous sommes entièrement responsables de nos actes et de leurs effets « .

Rapporté à la situation actuelle en Martinique : Nous sommes tous responsables par nos ‘ non-actes ‘, notre passivité, de l’embourbement, la déliquescence, la violence que nous vivons.

Si l’on considère l’actualité de ces derniers mois et plus près encore de ces deux dernières semaines :

· Une médiation qui n’en était pas une et qui de toute évidence n’a abouti qu’à un échec.
· Un directeur du CHU qui jette l’éponge.
· Un ordre de grève dont la liste des revendications parait impensable à toute personne sensée, grève renouvelée à un rythme hebdomadaire.
· Des actes de pillages qui ne tiennent ni de la revendication, ni de l’expression d’une idéologie mais certainement d’un fond terroriste et liberticide.

Ces évènements ne font que conforter ce lit dans lequel nous nous sommes glissés, non pas depuis deux ans, mais plus de deux générations.

En effet, depuis plus deux générations ce lit a pour base un conflit permanent avec la République Française, l’Etat et les gouvernements qui se sont succédés, tout en nous nourrissant en son sein.

Régulièrement des leaders se détachent et créent une situation explosive.

Derrière ceci, une classe politique parait de plus en plus irresponsable se contentant d’annonces aussi neutres que possible, ne cherchant même pas à faire appel à la raison. Certains et pas des moindres, comme ce politicien Guadeloupéen l’a fait la semaine dernière, jettent de l’huile sur le feu en pointant la responsabilité de l’état dans nos débordements.

Mais les politiques sont loin de porter seul la responsabilité.

Avant qu’un certain nombre de politiciens n’en fassent leur fond de commerce, ces attaques soutenues contre la République Française ont commencé par nos intellectuels. Elles ont gagné toutes les couches de la société. Au bout de plusieurs décennies, rares sont ceux qui peuvent faire la différence entre la réalité et le verbiage. Ce verbiage, ces théories boiteuses sont maintenant dans notre cerveau, pour nos raisonnements : ‘ La Vérité’, ‘ La Vérité Historique’.

Les médias s’en font l’écho, le temps a fait son travail en effaçant de nos mémoires une grande partie de ce qui a bâti notre société martiniquaise pour ne retenir que ce qui pourrait convenir aux ambitions ou aux frustrations de certains.

L’ordre Républicain, basé sur les lois votés par une assemblée d’élus est systématiquement remis en question et rejeté. Son administration, ses représentants sont conspués. Rares sont les journalistes qui dans leurs interviews, ne cherchent à pas prendre à défaut, y compris en cette période explosive, les représentants de l’État. Ils font leur travail prétendent-ils. Pourtant, ils ne poussent pas leur analyse de façon aussi profonde quand ils s’adressent aux ’ révoltés’.

Il nous faut l’admettre : nous avons dans notre tête, dans notre fonctionnement, coupé bien des liens avec la République Française, la Nation, l’État Français. Presque deux générations ne se reconnaissent pas dans une histoire commune avec la France.

Il faudrait que le ou les gouvernements français s’en rendent compte.

La population de la France hexagonale semble l’avoir intégré…

Il faudrait que le ou les gouvernements français acceptent le fait qu’il n’y a plus de minorité silencieuse qui lui soit acquise.

« Qui ne dit mot consent ! « Le silence de ceux qui ne partagent pas ce rejet affiché de la France depuis des décennies exprime probablement une certaine une adhésion

Il est évident que la population martiniquaise ne veut dialoguer qu’avec ses élus martiniquais.

Depuis plus de quarante ans ceux-ci ont demandé plus de pouvoir, toujours plus de pouvoir. Ils l’ont obtenu avec une assemblée qui donne cependant l’impression de se borner à gérer un budget. Est-ce-que ça leur satisfait ? Il semble que si, mais pas le peuple.

Sur toutes les questions économiques, sociales et sociétales, ils paraissent rarement au devant de la scène, tardent à expliquer des projets ou des objectifs collectifs sur le court, moyen ou long terme. Ils semblent rester à la traîne et leurs interventions se limiter à du financement.

Ils ont évité de se positionner fermement sur la situation que nous vivons depuis mars 2020. Certes des critiques mais pas de plan d’action concret mis en œuvre si ce n’est la gestion du budget de façon adéquat. Rien de plus normal, rien d’original par rapport aux régions de l’hexagone.

Quand on consacre dans les actualités locales un volet à notre Président d’assemblée en visite chez ‘les yoleurs’, au lendemain des émeutes du mois de juillet, quand nous vivons des mois de tensions et qu’il est plus important pour celui-ci de participer à un congrès des ‘RUP’ au lieu d’être aux côtés de la population et des différents corps de l’Etat, il est bon de s’interroger : A quoi aspirent effectivement nos élus ?

En 2009 nous avons vu régulièrement Président du Conseil Régional ,sans autre soutien que son parti, et Préfet travailler ensemble pour sortir de la crise. Leur coopération a contenu une situation explosive.

Nos élus veulent plus de pouvoir : cette situation devrait être l’expression de la prise d’un pouvoir d’autant plus que le peuple martiniquais le demande.

Aux dernières nouvelles, le Président de CTM mobilise enfin les élus pour prendre part à la sortie de crise.

Cette demande du peuple martiniquais commence à être entendue par l’État Français, à savoir son gouvernement, qui ces dernières heures le reconnait dans l’urgence.

Il serait souhaitable que le gouvernement passe la main et se mette à la disposition de l’assemblée locale afin de suivre les choix que celle-ci se trouvera dans l’obligation de faire, même s’il y a des doutes sur ce que pourrait être ces choix et quelque soit les résultats.

Comme le directeur du CHUM qui arrivait au terme de sa mission, il est peut-être temps que le préfet, trop impliqué dans cette affaire, soit relevé de ses fonctions. Il s’en suivra inévitablement une décrispation, voire un mouvement de liesse…

Dans cette situation exceptionnelle, il est temps que soit donnée à la population martiniquaise et ses élus l’occasion de faire face à ses idées et aux résultats de leurs actions.

Dominique CELMA