— Par Jean-Marie Nol —
L’histoire des peuples amérindiens est souvent abordée sous l’angle des grandes migrations, des cosmogonies ou des résistances culturelles face aux colonisations. Mais il est une dimension de cette histoire encore trop peu connue et pourtant révélatrice de la relation intime entre ces peuples et leur environnement : celle de l’accouchement dans l’eau. Des forêts amazoniennes aux rives du Pacifique, en passant par les hauts plateaux andins ou les archipels caraïbes, de nombreux témoignages oraux, récits d’explorateurs et études anthropologiques confirment que la naissance dans l’eau faisait partie des pratiques traditionnelles chez certaines communautés amérindiennes.
Plus qu’un simple fait culturel, l’accouchement dans l’eau est, pour ces peuples, l’expression d’un lien ancestral avec la nature. Chez les peuples autochtones d’Amazonie, par exemple, plusieurs ethnologues ayant travaillé avec les Shipibo-Conibo (Pérou), les Yawanawa (Brésil), ou encore les Achuar (Équateur) rapportent que certaines femmes préféraient mettre au monde leur enfant dans des criques calmes, à l’abri des regards, immergées jusqu’à la taille ou accroupies dans l’eau tiède de la forêt. Dans le livre Birth in Four Cultures de Brigitte Jordan (1978), pionnière de l’anthropologie obstétricale, bien que l’Amérique du Sud n’y soit pas largement représentée, les témoignages qu’elle recueille ailleurs dans le monde laissent entendre que des pratiques similaires, observées ailleurs, résonnent fortement avec des récits amérindiens restés oraux.