— Par Jean-Baptiste Fressoz, chercheur au CNRS et au Centre Alexandre-Koyré, de l’EHESS —
La contamination des Antilles françaises pour sept cents ans par le chlordécone n’est pas une « crise » sanitaire de plus après le sang contaminé, la vache folle ou même l’amiante. C’est la conséquence presque logique de l’économie de plantation.
La banane est le produit agro-industriel parfait : les plantations sont composées de clones à l’infini. Les bananes que l’on mange sont toutes génétiquement identiques, et c’est d’ailleurs pour cela qu’elles ont toujours le même goût. S’il existe près d’un millier d’espèces de bananes, une espèce particulière, la cavendish, parce qu’elle se conserve bien au transport, a été choisie dans les années 1950 par les grandes firmes comme United Fruit.
Elle représente actuellement 97 % des exportations de bananes. L’homogénéité génétique des plantations fournit un terrain d’expérimentation extraordinaire pour l’évolution… et un festin formidable pour les maladies des plantes et leurs vecteurs, les pathogènes.
L’historien américain John Soluri (Banana Cultures, University of Texas Press, 2005) décrit très bien la course sans fin, et perdue d’avance, entre les traitements chimiques et les pathogènes qu’ils sont censés éliminer (charançon du bananier, nématodes et autres champignons).