Catégorie : Etudes Créoles

A propos de la « lexicographie borlette » du MIT Haiti Initiative

La « lexicographie borlette » du MIT Haiti Initiative n’a jamais pu s’implanter en Haïti dans l’enseignement en créole des sciences et des techniques

— Par Robert Berrouët-Oriol,  linguiste-terminologue —

À la mémoire de Pradel Pompilus,
pionnier de la lexicographie créole
et auteur, en 1958, du premier « Lexique créole-français » 
(Université de Paris).

En hommage posthume à André Vilaire Chery, éclaireur avisé et rigoureux de la lexicographie haïtienne contemporaine, auteur du « Dictionnaire de l’évolution du vocabulaire français en Haïti » (tomes 1 et 2, Éditions Édutex, 2000 et 2002).

« (…) il n’est pas de production de connaissance robuste et fiable hors du collectif de scientifiques qui s’intéressent aux mêmes objets, faits et questions. La connaissance scientifique doit être mise à l’épreuve et vérifiée par des collègues ou pairs compétents, à savoir ceux qui sont préoccupés par les mêmes questions ou sont pour le moins familiers de la démarche scientifique concernant la matière spécifique (…). » (« Les sciences et leurs problèmes : la fraude scientifique, un moyen de diversion ? », par Serge Gutwirth et Jenneke Christiaens, Revue interdisciplinaire d’études juridiques 2015/1 (Volume 74.)

→   Lire Plus

De la nécessité de questionner l’idéologie racialiste et le révisionnisme historique en Haïti

— Par Robert Berrouët-Oriol, linguiste-terminologue —

Paru dans Le National du 21 juin 2023, le long article de Garaudy Laguerre, « Ce que cache le révisionnisme de « l’historien » Michel Soukar », institue un procès en « profanation » de la mémoire des Pères de la nation auquel, selon lui, se serait livré le romancier et historien Michel Soukar durant son entrevue à l’émission Panel magique de radio Magik 9 – 100.9 FM le 23 mai 2023 –nous invitons le lecteur à écouter cette entrevue dans son intégralité. L’article de Garaudy Laguerre, au motif que Michel Soukar « a souillé l’histoire de notre pays et la réputation de nos ancêtres », doit être lu avec attention pour en déceler la portée et les enjeux tant idéologiques que politiques. Cela est d’autant plus nécessaire que Garaudy Laguerre –ancien candidat à la présidence en 2010 et fondateur du microscopique et éphémère parti politique « Nou se WOZO »–, s’emploie violemment à débusquer « le discours anti-noir, pour ne pas dire mulâtriste » qu’il attribue à Michel Soukar. La résurgence de la fameuse « question de couleur » dans la presse écrite de notre pays, amplifiée ces derniers jours sur les réseaux sociaux à coups de « voye monte », interpelle le questionnement actualisé du révisionnisme historique et des différentes manifestations de l’idéologie racialiste dans l’histoire d’Haïti.

→   Lire Plus

Livres en folie, édition de juin 2023, et la pseudo « Cabale autour de Prosper Avril »

— Par Robert Berrouët-Oriol, linguiste-terminologue —

La station radio Mélodie FM a diffusé à Port-au-Prince, le 29 mai 2023, un éditorial du journaliste Marcus Garcia intitulé « La cabale autour de Prosper Avril » d’une durée de 5 : 46 mn (cliquer sur l’icône pour l’écouter).

Afin de se faire une idée objective du débat qui agite les milieux littéraires en Haïti depuis quelques semaines au sujet de la participation de Prosper Avril, à titre d’invité d’honneur, à l’édition 2023 de Livres en folie, la version audio de cet éditorial maladroitement et faussement affublé du terme « cabale » doit être écoutée avec attention. Elle doit également être mise en perspective par la lecture réfléchie d’un article fort intéressant mais non signé paru dans Le Nouvelliste du 29 mai 2023, « L’œuvre de Prosper Avril et Livres en folie ». Cet article a pour sous-titre « Livres en folie a désigné Prosper Avril comme Invité d’honneur de son édition 2023 ».

Sommes-nous en présence d’une « cabale » avérée contre l’ancien « stratège » du Palais national durant la dictature des Duvalier père et fils, l’ex-général Prosper Avril, et contre Livres en folie ? 

→   Lire Plus

De quelle langue parle la «  lodyans » littéraire haïtienne  ?

— Par Robert Berrouët-Oriol, linguiste-terminologue —

La « lodyans » littéraire haïtienne parle-t-elle la langue de l’« audiencier », de l’« audienceur », du « lodyansè » ou du « mèt « lodyansè »  ? (Notes pour une recherche lexicographique)

En hommage au « lodyanseur » Georges Anglade, à Pradel Pompilus, le pionnier de la lexicographie créole et à Albert Valdman, le défricheur-forgeur de la lexicographie créole contemporaine.

Paru en Haïti dans Le National du 16 mai 2023, l’article de Schultz Laurent Junior, « La Fondation Maurice Sixto honore la mémoire de l’illustre « audiencier » Maurice Sixto », suscite l’intérêt en raison de ses qualités rédactionnelles : clarté d’un propos bien ciblé, texte concis qui va à l’essentiel, style direct et vocabulaire approprié. Le lecteur est ainsi informé que « La Fondation Maurice Sixto, en collaboration avec l’Institut français en Haïti et l’ambassade du Canada (…), présente « J’ai vengé la race », l’une des œuvres magistrales de Maurice Sixto [dans] une mise en scène de Johnny Zéphirin, « J’ai vengé la race » [et qui] sera jouée par Cyndy Pierre-Louis.

→   Lire Plus

« Bwa kale », quelle interprétation dans la conjoncture actuelle ?

Par Fortenel Thélusma —

Cet article se propose d’expliquer l’usage actuel de l’expression « Bwa kale » dans le cadre de l’opération portant le même nom, initiée par des membres de la population haïtienne complètement abandonnée par les tenants du pouvoir afin de se défendre contre les bandits armés qui les massacrent sans pitié. À l’aide d’arguments scientifiques appropriés, il tentera d’appréhender la réalité en tenant compte de la situation de communication, du contexte dans lequel le syntagme nominal « Bwa kale » est utilisé. Il prendra le contre-pied des traductions et définitions relevées dans certains articles francophones de l’étranger.

Les mouvements sociaux, politiques, économiques, culturels, etc. donnent souvent naissance à de nouveaux mots ou donnent lieu à l’usage nouveau de mots existant déjà dans la langue. Il en est ainsi, dans ce dernier cas, de l’expression « bwa kale » revenue en force ces temps -ci à la fois comme slogan, mouvement de révolte, moyen de défense. En effet, elle est en usage depuis plusieurs mois déjà dans certaines stations de radio de Port-au-Prince, soit comme slogan, soit dans des commentaires visant à mobiliser la population haïtienne (voir par exemple, radio Regard FM/ plateforme Vouzan en ligne).

→   Lire Plus

La lexicographie créole à l’écoute des enseignements de la dictionnairique

— Par Robert Berrouët-Oriol, linguiste-terminologue —

Dictionnairique : « (…) étude des conditions d’élaboration des dictionnaires pris comme objets sociétaux et commerciaux régis par des contraintes éditoriales spécifiques. La dictionnairique est un domaine constitutif de la métalexicographie. » (Franck Neveu : « Dictionnaire des sciences du langage », Paris, Armand Colin, 2011)

Lexicographie : « Le terme lexicographie a couramment deux acceptions.
La confection des dictionnaires : choix des unités lexicales à traiter, méthode de leur description, techniques de présentation, en vue de la publication.
L’étude des dictionnaires, comme discipline scientifique : définition des types d’ouvrages, analyse des méthodes, description du texte. En ce sens, elle est différenciée de la lexicologie, qui étudie le lexique comme partie du système de la langue, indépendamment de sa représentation dans les dictionnaires, ou qui s’attache à l’analyse de mots particuliers en langue et dans les textes. » (Alise Lehmann et Françoise Martin-Berthet : « Lexicographie, métalexicographie, dictionnairique / Sémantique, morphologie et lexicographie », (revue Lexicologie, Éditions Armand Colin, 2018)

→   Lire Plus

Pour une créolistique rassembleuse et innovante

Par Robert Berrouët-Oriol, linguiste-terminologue

22 articles du linguiste-terminologue Robert Berrouët-Oriol publiés d’abord en Haïti dans le journal Le National et par la suite reproduits, à l’échelle internationale, sur le prestigieux site de L’Observatoire européen du plurilinguisme (OEP). L’Observatoire européen du plurilinguisme édite chaque mois sur son site Web « La Lettre d’information de l’OEP » destinée à ses 20 000 abonnés. La Lettre d’information de l’OEP, qui a diffusé de 2005 à 2022 plus de 15 000 articles reproduits dans plusieurs langues, est désormais traduite bénévolement en allemand, anglais, arabe, bulgare, croate, espagnol, grec, italien, polonais, portugais, roumain et russe.

L’Observatoire européen du plurilinguisme est une structure de mutualisation et de coopération entre acteurs du plurilinguisme, il est né des 1ères Assises européennes du plurilinguisme qui ont eu lieu à Paris les 24 et 25 novembre 2005. Réunissant décideurs, chercheurs et représentants de la société civile autour d’une Charte européenne du plurilinguisme, pour répondre aux questions linguistiques fondamentales de l’Europe dans leurs dimensions politiques, culturelles, économiques et sociales, L’Observatoire européen du plurilinguisme a pour objectif de promouvoir l’emploi des langues vivantes et de préserver la diversité linguistique et culturelle, valeur d’échange et de créativité.

→   Lire Plus

Rationalités et imaginaires créoles sous la loupe de la revue Kréolistika

— Par Robert Berrouët-Oriol, linguiste-terminologue —

La créolistique, « Partie de la linguistique qui étudie les créoles » (Le Larousse), s’est enrichie en 2021 d’une nouvelle revue universitaire, Kréolistika. Paru en mars 2022 aux Éditions Scitep, en France, le deuxième numéro de cette revue a été coordonné par le linguiste haïtien Renauld Govain. Il a pour thème « Rationalités et imaginaires créoles / Pratique, expression et usage », et le présent article en fait une présentation générale précédée d’une brève cartographie des revues antérieures ou actuelles de la créolistique. Dans le champ des études scientifiques ciblant les créoles de souche lexicale française (Haïti, la Martinique, la Guadeloupe, La Guyane, Sainte-Lucie, La Dominique, Les Seychelles, La Réunion, l’Île Maurice), la créolistique bénéficie depuis nombre d’années de multiples éclairages analytiques consignés dans plusieurs revues pionnières, notamment la prestigieuse revue Études créoles. Créée en 1978 par le Comité international des études créoles dont Haïti fait partie et par l’Association pour la promotion et le développement des études portant sur les créoles, Études créoles, également accessible depuis quelques années sur le Web, est une revue interdisciplinaire éditée par le Laboratoire parole et langage, une unité mixte de recherche rattachée au CNRS et à l’Université d’Aix-Marseille.

→   Lire Plus

La Constitution de 1987 est au fondement du « bilinguisme de l’équité des droits linguistiques » en Haïti

— Par Robert Berrouët-Oriol, linguiste-terminologue

Depuis la co-officialisation du créole et du français dans la Constitution haïtienne de 1987, la « créolistique » n’a toujours pas élaboré d’études de référence sur les fondements constitutionnels et juridiques de notions aussi centrales en jurilinguistique et en aménagement linguistique que les droits linguistiques, le droit à la langue, le droit à la langue maternelle, la parité linguistique et le bilinguisme de l’équité des droits linguistiques. De son côté, le « constitutionnalisme haïtien » non plus ne s’est pas encore attaché à étudier ces notions de premier plan en dépit du fait que la Constitution de 1987 consigne les droits fondamentaux du citoyen autrefois violemment réprimés durant la dictature des Duvalier (voir le Titre III – Chapitre II / Des droits fondamentaux : la liberté individuelle, la liberté d’expression, la liberté de réunion et d’association, etc.). Le Larousse définit a minima la créolistique : « Partie de la linguistique qui étudie les créoles ».

→   Lire Plus

L’aménagement et la didactique du créole dans les « Documents scientifiques créoles » du MIT Haiti Initiative

— Par Robert Berrouët-Oriol, linguiste-terminologue —

« (…) il n’est pas de production de connaissance robuste et fiable hors du collectif de scientifiques qui s’intéressent aux mêmes objets, faits et questions. La connaissance scientifique doit être mise à l’épreuve et vérifiée par des collègues ou pairs compétents, à savoir ceux qui sont préoccupés par les mêmes questions ou sont pour le moins familiers de la démarche scientifique concernant la matière spécifique (…). » (« Les sciences et leurs problèmes : la fraude scientifique, un moyen de diversion ? », par Serge Gutwirth et Jenneke Christiaens, Revue interdisciplinaire d’études juridiques 2015/1 (Volume 74).

Les deux articles que nous avons récemment publiés en Haïti dans Le National, « La lexicographie créole à l’épreuve des égarements systémiques et de l’amateurisme d’une « lexicographie borlette » (28 mars 2023) et «Lexicographie créole : retour-synthèse sur la méthodologie d’élaboration des lexiques et des dictionnaires» (4 avril 2023), ont retenu l’attention de nombreux enseignants et linguistes.

→   Lire Plus

« Droits linguistiques » et « droit à la langue » en Haïti, la longue route d’une conquête citoyenne au cœur de l’État de droit

— Par Robert Berrouët-Oriol, linguiste-terminologue —

Le présent article s’inspire amplement de la lecture du livre « Droits linguistiques » et « droit à la langue » : identification d’un objet d’étude et construction d’une approche », un exceptionnel ouvrage de référence paru sous la direction de Ghislain Potriquet, Dominique Huck et Claude Truchot et qui rassemble les Actes du colloque international de Strasbourg organisé les 25 et 26 septembre 2014. Publié avec le concours de l’Université de Strasbourg, l’ouvrage de 248 pages est paru en 2016 aux Éditions Lambert-Lucas. Un collègue enseignant basé au Cap Haïtien et qui s’intéresse à la question des droits linguistiques en Haïti, a été invité à commenter les temps forts de cette publication que nous lui avions auparavant acheminée. Après l’avoir consultée, il a formulé une objection majeure qui mérite d’être écoutée et mise en perspective. Quel est l’intérêt, dit-il, de discuter de droits linguistiques aujourd’hui en Haïti alors que le pays tout entier –mis en coupe réglée par le cartel politico-mafieux du PHTK néo-duvaliériste depuis onze ans et soumis à la fureur des gangs armés qui contrôlent de larges portions du territoire national–, voit s’éteindre à petit feu le droit à la vie et à la sécurité pourtant garanti par la Constitution haïtienne de 1987 ?

→   Lire Plus

Analyse de «  La Désapparition » de  Gerry L’Etang

— Par Fernand Tiburce Fortuné —

« A un moment où la société est ébranlée par des événements décisifs, il paraît inévitable que la création littéraire s’en empare pour interroger les diverses facettes de la transformation en train de se produire »

(Maria Graciete Besse).

La désapparition, ce roman (tantara) de Gerry L’Etang n’est pas anodin. Il est complexe, surprenant, déroutant, apparemment inintelligible, parfois terrible. Je me suis posé deux questions après l‘avoir lu :

Faut-il le mettre entre les deux oreilles de certains ?

Faut-il le mettre entre les mains de tous ?

Cet ouvrage de 123 pages, comprend 14 chapitres et, à la page 107, un remarquable poème qui tant sur le rythme que sur le fond -à ne pas en douter- résume la pensée de l’auteur.

Comment mieux décrire avec autant de violence, survolée par un humour grinçant, ce chaos et cette désagrégation qui nous menacent? Comment mieux décrire, dans une actualité perturbante, nos divisions, nos déchirures, nos illusions «malpapaye», nos combats perdus et peut-être nos regrets?

Comment mieux étaler, dans des scènes incroyablement cruelles, nos turpitudes, nos incohérences, notre simulacre d’unité et de vivre ensemble.

→   Lire Plus

Lexicographie créole : retour-synthèse sur la méthodologie d’élaboration des lexiques et des dictionnaires

— Par Robert Berrouët-Oriol, linguiste-terminologue —

« La lexicographie est la branche de la linguistique appliquée qui a pour objet d’observer, de recueillir, de choisir et de décrire les unités lexicales d’une langue et les interactions qui s’exercent entre elles. L’objet de son étude est donc le lexique, c’est-à-dire l’ensemble des mots, des locutions en ce qui a trait à leurs formes, à leurs significations et à la façon dont ils se combinent entre eux. » (Marie-Éva De Villers, « Profession lexicographe », Presses de l’Université de Montréal, 2006)

Plusieurs enseignants oeuvrant en Haïti nous ont fait part de leur intérêt pour l’ample et rigoureux éclairage analytique fourni par notre récent article paru le 28 mars 2023 dans Le National, « La lexicographie créole à l’épreuve des égarements systémiques et de l’amateurisme d’une « lexicographie borlette ». De leur côté, des étudiants de la Faculté des Sciences de l’éducation de l’Université publique du Sud-Est nous ont demandé de fournir une synthèse exemplifiant, pour les non-linguistes, de quelle manière ou selon quel protocole méthodologique l’on procède à l’élaboration des lexiques et des dictionnaires créoles.

→   Lire Plus

« Nan yon bat je » : traduction réussie de l’ « Espace d’un cillement » de J.S.Alexis en créole

— Par Renel Exentus, doctorant en études urbaines à l’INRS —

Le 25 mars 2023, deuxième journée du festival afro-urbain à la Maison d’Haïti à Montréal, a été marqué en soirée par la prestation des artistes de grands calibres, dont Wesli et Sherlee Skay. Leur production a mis en évidence un répertoire de rythmes et de mélodies éclectiques où des tonalités vodou sont agencées à celles du jazz, soul, hip-hop et afrobeat. Cette symphonie musicale a été introduite par un autre événement majeur. Il s’agit de la première vente signature de la traduction en créole du célèbre roman de Jacques Stephen Alexis : « L’espace d’un cillement ». Sous le titre de « Nan yon bat je », l’ouvrage est traduit par la linguiste et didacticienne Edenne Roc. Il ne s’agit pas d’un coup d’essai puisque cinq ans auparavant, elle a rendu Compère Général Soleil disponible en créole haïtien. Après avoir donné un second souffle au premier roman de J.S. Alexis, « Nan yon bat je » confirme une fois de plus son professionnalisme dans le domaine de la traduction.

Paru sur un fond d’azur, la couverture de l’ouvrage est illustrée par une peinture de Gladys Saint-Victor qui met en symbiose l’énergie féminine avec les forces de la nature.

→   Lire Plus

La lexicographie créole à l’épreuve des égarements systémiques et de l’amateurisme d’une « lexicographie borlette »

— Par Robert Berrouët-Oriol, linguiste-terminologue —

« La borlette aurait débuté dans les années 1950 dans le sud du pays, dans les régions des Cayes, via les émigrés haïtiens travaillant à Cuba – au départ, elle se serait appelée la « Loteria Cubana » puis « Bolita » qui signifie « petite boule » en espagnol et, dans les années 1960, elle est devenue la borlette (…) Quant à la borlette, sa pratique relève en fait de toute une géomancie qui accompagne l’interprétation des rêves et révèle une certaine technicité du jeu : il faut en « bien » rêver, bien interpréter son rêve pour arriver au bon boul. L’analyse permet ici de revenir sur l’affirmation selon laquelle, dans les jeux de hasard, « non seulement on ne cherche pas à éliminer l’injustice du hasard, mais c’est l’arbitraire même de celui-ci qui constitue le ressort unique du jeu » (Marie Redon, Université Paris 13-Nord : « Gaguère (combat de coqs) et borlette (loterie) / Quels enseignements sur Haïti ? », Géopolitique des jeux d’argent, Cahiers d’Outre-Mer, LXXII, 2020).

→   Lire Plus

Une promotion de la Faculté des sciences de l’éducation de l’Université publique du Sud-Est à Jacmel porte le nom de Robert Berrouët-Oriol 

— Par Marc Sony Ricot —

La promotion 2018-2022 de la Faculté des sciences de l’éducation de l’Université publique du Sud-Est à Jacmel porte le nom de Robert Berrouët-Oriol, linguiste-terminologue et écrivain. Cette exceptionnelle distinction est attribuée à l’universitaire pour son « dévouement et son engagement au service de la langue créole, de la linguistique et de l’éducation en général ». 
Les étudiants de la Faculté des sciences de l’éducation (FSE/UPSEJ) ont fait choix de Robert Berrouët-Oriol comme personnage public pour dénommer leur Promotion de fin d’études universitaires : « promotion Robert Berrouët Oriol (2018-2022) ». La cérémonie de remise des diplômes a eu lieu le dimanche 26 mars 2023 en l’église du Sacré-Cœur de Meyer, à Jacmel. « Nous avons fait choix de monsieur Berrouët-Oriol pour son dévouement et son engagement au service de la langue créole, de la linguistique et de l’éducation en général », écrit l’étudiant Assédius Doret, l’un des membres de la promotion.
Pour sa part, Robert Berrouët-Oriol, dans la lettre adressée aux étudiants de la Faculté des sciences de l’éducation de l’Université publique du Sud-Est de Jacmel, se dit ému par cette distinction. 

→   Lire Plus

Jean Casimir ou les dérives d’une vision racialiste de la problématique linguistique haïtienne

— Par Robert Berrouët-Oriol, linguiste-terminologue —

La problématique linguistique haïtienne, il faut encore le souligner, est débattue depuis de nombreuses années sous toutes les coutures par des linguistes, par des enseignants et par des intellectuels haïtiens d’horizons divers souvent porteurs d’une indispensable réflexion citoyenne en écho aux travaux de la créolistique. Ainsi, le romancier, poète et essayiste Lyonel Trouillot s’est exprimé à voix haute dans un texte courageux, lucide et percutant paru dans Le Nouvelliste du 7 juillet 2005, « Ki politik lengwistik pou Ayiti ? », auquel le linguiste Renauld Govain a répondu dans un article de grande amplitude et fort éclairant, « Pour une politique linguistique en Haïti aujourd’hui » (Le Nouvelliste, 29 juillet 2005). Ces deux articles méritent d’être relus avec attention tant la réflexion, qui aborde des questions de fond, ratisse large.

Dans son article, Lyonel Trouillot précise ce qui suit : « La tentation facile de considérer le français comme une langue étrangère comme une autre, l’anglais par exemple, me semble un refus délibéré de tenir compte d’une donnée fondamentale : la nécessité de préserver la spécificité culturelle de notre état nation dont l’une des composantes est le patrimoine linguistique.

→   Lire Plus

Prix de la traduction en langue.s créole.s

Bourse d’aide à la traduction du « Cahier d’un retour au pays natal » décernée à…
Le jury du Prix « Balisaille » de la traduction en créole s’est réuni le 12 mars afin de délibérer sur les 22 textes reçus de Martinique, d’Haïti, de la Guadeloupe et de la Réunion. L’exercice proposé consistait à traduire en créole les trois premiers paragraphes du Cahier d’un retour au pays natal (1939) d’Aimé Césaire.
Présidé par Raphaël Confiant (Martinique), le jury était composé de Renaud Gauvain (Haïti), Georges-Henri Léotin (Martinique), Céline Huet (La Réunion), Max Rippon (Guadeloupe), Igo Drané (Emigration), Carole Sidien (La Réunion) et Nelson-Rafaell Madel (Martinique). Il s’est penché sur les différentes propositions de traduction d’un texte difficile car marqué tout à la fois pas une puissante oralité et une littérarité exigeante, chose qui constitue un véritable défi pour une langue en voie d’accession à la souveraineté scripturale comme le créole. A noter que les textes avaient été anonymés par les responsables de l’association BALISAILLE et qu’aucun membre du jury n’appartient à cette dernière.
Le jury a été agréablement surpris par la haute tenue d’un grand nombre de ces 22 traductions, ce qui est à n’en pas douter le fruit du travail accompli par les défenseurs du créole depuis quatre décennies dans les territoires où cette langue est parlée.

→   Lire Plus

Le partenariat créole-français, l’unique voie constitutionnelle et rassembleuse en Haïti

— Par Robert Berrouët-Oriol, linguiste-terminologue —

« Cohabitation des langues et politique linguistique / La notion de « langue partenaire » est le titre de l’ouvrage publié au cours du mois de novembre 2015 par la Délégation à la langue française de Suisse. Cette publication de 198 pages regroupe les actes du séminaire « Le concept de ‘’langue partenaire’’ et ses conséquences pour une politique intégrée du français » organisé à Champéry (Suisse) les 6 et 7 novembre 2014 par le réseau OPALE. Depuis plusieurs années, le réseau OPALE regroupe les organismes francophones de politique et d’aménagement linguistiques suivants : (1) le Service de la langue française et le Conseil de la langue française et de politique linguistique de la Fédération Wallonie-Bruxelles ; (2) la Délégation générale à la langue française et aux langues de France ; (3) le Conseil supérieur de la langue française, l’Office québécois de la langue française et le Secrétariat à la politique linguistique du Québec ; et (4) la Délégation à la langue française de Suisse romande. Les auteurs des contributions réunies dans ce volume proviennent de diverses régions de la Francophonie (Belgique, Côte d’Ivoire, France, Gabon, Québec, Suisse).

→   Lire Plus

La longue route des terminologies scientifiques et techniques en créole haïtien

— Par Robert Berrouët-Oriol, linguiste-terminologue —

L’un des premiers professeurs de sociolinguistique à l’Université du Québec à Montréal (UQAM), friand amateur de poésie et mathématicien de formation avant d’être linguiste, disait souvent, en salle de cours, que dans la langue usuelle comme dans la fiction poétique et romanesque, les mots ont une saveur, une tonalité, une résonance, une histoire, un sens premier ou différencié selon le contexte d’énonciation, selon le registre de langue et selon l’époque. Les dictionnaires de la langue usuelle et les terminologies spécialisées témoignent à des degrés divers de la pertinence des remarques du sociolinguiste de l’UQAM, et l’histoire de la migration des mots en témoigne lorsqu’ils se déplacent d’une époque à l’autre, d’un domaine à l’autre, d’un registre de langue à un autre. Les linguistes et sémioticiens qui suivent depuis plusieurs années les travaux de la psychanalyste et linguiste Julia Kristeva sont familiers de cette problématique repérable notamment dans son roman « Les Samouraïs » (Éditions Fayard, 1990) où la « parole est liée à un plaisir essentiel », à la « saveur des mots » (Kristeva, 1990 : 35), « à la musique des lettres » (ibidem : 38).

→   Lire Plus

Lexicographie créole, traduction et terminologies spécialisées : l’amateurisme n’est pas une option…

— Par Robert Berrouët-Oriol, linguiste-terminologue —

L’examen attentif des outils lexicographiques et terminologiques élaborés de 1958 à 2022 et ayant pour cible le créole haïtien, est riche d’enseignements. Comme il est démontré dans l’article « Les défis contemporains de la lexicographie créole et française en Haïti » (par Robert Berrouët-Oriol, Le National, 2 août 2022), sur les 75 dictionnaires et lexiques répertoriés dans notre « Essai de typologie de la lexicographie créole de 1958 à 2022 » (Le National, 21 juillet 2022), seuls 9 d’entre eux ont été élaborés en conformité avec la méthodologie de la lexicographie professionnelle.

Les plus lourdes lacunes identifiables dans la production lexicographique et terminologique haïtienne sont l’amateurisme, le rachitisme méthodologique et l’ignorance des principes de base de la méthodologie de la lexicographie professionnelle. Un concentré de chacune de ces lourdes lacunes est le très médiocre « Glossary of STEM terms from the MIT – Haiti Initiative » (voir notre évaluation analytique consignée dans l’article « Le naufrage de la lexicographie créole au MIT Haiti Initiative » (Le National, 15 février 2022).

→   Lire Plus

Lexicographie créole : revisiter le « Haitian Creole-English Bilingual Dictionnary » d’Albert Valdman

—  Par Robert Berrouët-Oriol, linguiste-terminologue —

Les écoliers, les étudiants et les enseignants haïtiens disposent-ils en 2023 d’outils lexicographiques (dictionnaires et lexiques créoles ou créoles-français) utiles à l’apprentissage scolaire en langue maternelle créole ? Dans l’affirmative, par qui ces outils lexicographiques sont-ils produits et quelles sont leurs caractéristiques ? C’est pour contribuer à trouver des réponses à ces questions de fond que ces dernières années nous avons publié en Haïti et en outre-mer plusieurs articles sur la lexicographie haïtienne. Ces articles inventorient les deux versants de la lexicographie haïtienne, la lexicographie créole ou française unidirectionnelle (comprenant des ouvrages lexicographiques unilingues créoles ou unilingues français) et la lexicographie créole bidirectionnelle (comprenant des ouvrages lexicographiques bilingues créole-français, français-créole, créole-anglais, anglais-créole). Pour caractériser adéquatement la production lexicographique élaborée en Haïti et ailleurs, il a été nécessaire de définir la lexicographie haïtienne : en créolistique, la lexicographie haïtienne est le domaine scientifique de conceptualisation et de production de dictionnaires et de lexiques arrimés au socle méthodologique de la lexicographie professionnelle. Précédée d’une ample recherche documentaire, notre exploration de la production lexicographique haïtienne se donne à voir dès la parution de l’article « Dictionnaires et lexiques créoles : faut-il les élaborer de manière dilettante ou selon des critères scientifiques ?

→   Lire Plus

Les « langagiers » en quête d’outils d’aide à la rédaction en créole haïtien

— Par Robert Berrouët-Oriol, linguiste-terminologue —

La consultation récente d’un dossier consacré aux « outils d’aide à la rédaction » en français a tout naturellement débouché sur la question suivante : en Haïti, les langagiers qui rédigent en créole disposent-ils du même type d’instruments rédactionnels ? Pour explorer adéquatement les différents aspects de cette question, il y a lieu de préciser d’entrée de jeu la signification de certains termes-clés. Le terme « langagier » est ainsi défini par Termium Plus, la banque de données terminologiques et linguistiques du gouvernement du Canada : « /Professionnel de la langue/ Nom masculin.  Personne qui exerce une profession dans le domaine linguistique, notamment en traduction, en interprétation, en terminologie, en rédaction ou en révision, ou qui est impliquée dans un programme de formation linguistique ». La fiche terminologique de Termium Plus consigne plusieurs équivalents anglais pour le terme « langagier » : « language professional », « professional language user », « language worker » et « language practitioner », ce qui renvoie aux sèmes définitoires concordants indiquant qu’il s’agit de « professionnels » et d’« usagers » de la langue oeuvrant entre autres en rédaction ou en révision de textes de nature diverse.

→   Lire Plus

« Acteurice », « Auteurice » : les langagiers et les usagers sont-t-ils « prêt·e·s à utiliser l’écriture inclusive ? »

— Par Robert Berrouët-Oriol, linguiste-terminologue —

Dans le remarquable article de Chloé Savoie-Bernard publié à Montréal le 7 janvier 2023 par le journal Le Devoir, « Dépasser l’exceptionnalité », l’emploi du mot « acteurice », qui ne semble pas d’usage courant, mérite que l’on s’y arrête. En voici le contexte : « Dans Jasmine, on entraperçoit également Mireille Métellus qui, malgré sa longue et fructueuse carrière, n’aura jamais eu de grand premier rôle à la télévision. On se souvient de Xavier Dolan, en 2018, qui avait affirmé que ses films ne présentaient pas de personnes racisées, car il ne connaissait pas d’acteurices de talent pour les incarner. »

Au terme d’une première recherche documentaire, qu’il faudra élargir plus tard, une seule attestation du terme « acteurice » a été relevée. « Acteurice » figure dans l’article de Margaux Lacroux publié dans le journal Libération du 27 septembre 2017, « Prêt·e·s à utiliser l’écriture inclusive ? ». Le terme « acteurice » n’est pas encore attesté dans les dictionnaires usuels de la langue (le Robert, le Larousse, le Dictionnaire des francophones, USITO, etc.).

→   Lire Plus

La lexicographie créole, incontournable auxiliaire de l’aménagement linguistique en Haïti

— Par Robert Berrouët-Oriol, linguiste-terminologue —

La lexicographie créole –entendue au sens d’une activité scientifique de conceptualisation et de production de dictionnaires et de lexiques arrimés au socle méthodologique de la lexicographie professionnelle–, est encore jeune, elle remonte aux travaux pionniers du linguiste Pradel Pompilus auteur du « Lexique créole-français » (Université de Paris, 1958) et du « Lexique du patois créole d’Haïti (SNE, 1961). Il est attesté que cette jeune lexicographie fait face à de nombreux défis, notamment sur le plan de la professionnalisation des compétences à acquérir au sein de l’Université haïtienne et sur celui de l’amateurisme couplé au populisme linguistique qu’il s’agit de dépasser par le recours systématique à la méthodologie de la lexicographie professionnelle dans tous les chantiers lexicographiques haïtiens. L’observation attentive des acquis et des échecs de la lexicographie haïtienne doit éclairer à la fois l’enseignement de la lexicographie en Haïti et servir de point d’appui dans la définition même de tout projet lexicographique au pays (voir nos articles « Plaidoyer pour une lexicographie créole de haute qualité scientifique », Le National, 14 décembre 2021 ; « Dictionnaires créoles, français-créole, anglais-créole : les grands défis de la lexicographie haïtienne contemporaine » (Le National, 20 décembre 2022), et « Toute la lexicographie haïtienne doit être arrimée au socle méthodologique de la lexicographie professionnelle » (Le National, 29 décembre 2022).

→   Lire Plus