Catégorie : Arts de la scène

« Helikopter / Licht » par le Ballet Preljocaj

— par Selim Lander — Comme l’année dernière (1), Angelin Preljocaj et sa compagnie se sont produits devant le public aixois en cette fin du mois de juillet dans le cadre prestigieux de la cour de l’archevêché, lieu emblématique du festival d’opéra qui se déroule plus tôt dans le mois.

Ces deux soirées associaient une pièce ancienne pour six danseurs – Helikopter (2001) – et une nouvelle création pour douze danseurs – Licht (2025) sur une musique de Stockhausen pour la première et Laurent Garnier pour la seconde. Stockhausen (1928-2007) fut « sérialiste » en musique non seulement parce qu’il pratiquait la musique sérielle mais parce qu’il aimait composer des cycles « d’opéras ». La musique d’Helikopter a ainsi pour origine la troisième scène de Mittwoch (mercredi) qui se rattache au cycle Licht (1977-2003) des sept jours de la semaine. De même, à la fin de sa vie, travaillait-il sur un autre cycle, Klang, qui devait rassembler vingt-quatre pièces comme les vingt-quatre heures d’une journée (vingt-et-une ont été réalisées). Mais alors que la musique originale d’Helikopter était purement instrumentale, la version retenue par Preljocaj est celle de 1995 dans laquelle interviennent effectivement quatre hélicoptères en vol contenant chacun un instrumentiste, le mixage final restituant à la fois le son des instruments et celui produit par les hélicoptères.

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Appel à écritures théâtrales

Textes en Paroles lance un nouvel appel à écritures théâtrales pour des textes spécifiquement destinés à la jeunesse1, dans le cadre du projet

Jeunes scintillements de la résistance ».

Les textes, en français et/ou en créole, doivent s’adresser à un jeune public ; les auteurs et autrices doivent être majeurs et disposer d’un lien avéré, par leur origine, leur résidence ou leur écriture, avec la Caraïbe ou les Amériques, dans leur dimension historique, culturelle, politique ou poétique.

Pour cet appel à textes, deux axes d’inspiration sont proposés (sans caractère obligatoire) :

1. Le thème du 1er juin des écritures théâtrales jeunesse 2025 :

« Rallumons les étoiles » pour inviter la jeunesse à rêver, à penser et à raviver les braises de l’imaginaire et de l’engagement.

Le thème : « Femmes et résistances dans les sociétés esclavagistes et post-esclavagistes » – inspiré de la Fondation pour la mémoire de l’esclavage, pour faire surgir des figures méconnues, des récits oubliés, des actes de courage, de transmission et de subversion portés par des femmes.

Les textes ne répondant pas à ces deux axes sont également les bienvenus, la qualité littéraire et dramaturgique demeurant le critère fondamental d’évaluation de cet appel à écriture.

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Jazz Night au festival culturel de Fort-de-France

Samedi 26 juillet au Parc Culturel Aimé Césaire dès 18h

La Jazz Night clôture le festival culturel de Fort-de-France, entamé fin juin. Elle se tiendra samedi soir dans les jardins du parc culturel Aimé-Césaire.

La programmation regroupe plusieurs artistes : Régine Lapassion, Luan Pommier, Arnaud Dolmen, Catherine Russell, Sean Manson, Mario Canonge et Angélique Kidjo.

Angélique Kidjo, artiste béninoise installée entre les États-Unis et la France, participera à la soirée. Elle est rarement présente dans la région.

La chanteuse martiniquaise Régine Lapassion prendra également part à l’événement. Elle est connue pour son parcours dans le gospel, le jazz et la musique caribéenne. Son cinquième EP, Orijin, est axé sur la musique traditionnelle de Guyane et des Caraïbes, avec des influences jazz. Il a reçu en mai 2024 le Lindor de l’EP « meilleure inspiration traditionnelle 2022-2023 ».

Du côté guadeloupéen, le duo formé par la pianiste Luan Pommier et le batteur Arnaud Dolmen sera présent. Ce dernier est reconnu sur la scène du jazz caribéen et s’est récemment illustré à la direction d’un grand ensemble lors du festival Jazz sous les pommiers à Coutances.

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« La Distance », de Tiago Rodrigues

— Par Michèle Bigot —

2077! Nous voici plongés en pleine anticipation. Que se passera-t-il à cette date, redoutée ou espérée? Ce n’est hélas! pas si difficile de l’imaginer. Aujourd’hui déjà on entend les clameurs de ceux qui désespèrent de tout avenir de l’humanité sur terre et préfèrent réitérer l’histoire des hommes sur Mars. En imaginant, non sans quelque naïveté, qu’une société initiée par E. Musk pourrait apporter richesse et félicité à la société des hommes, quand il est manifeste que ces nouveaux prêcheurs ont une foi absurde dans le progrès technologique. Et tous les autres de trembler à l’idée de ce nouvel Eldorado imaginé par les oligarches du numérique! Comme le dit si justement le père ( interprété par Adam Diop) il existe deux définitions de l’espoir. La première, celle qui a cours, hélas, dans les esprits de beaucoup d’entre nous, comme dans l’esprit de la fille (interprétée par Alison Dechamps) est une projection heureuse dans un avenir forgé par l’I.A. On l’appelle encore « le progrès ». La seconde définition, celle que défend le père, et avec lui bon nombre de terriens qui refusent de sombrer dans le désespoir, repose sur un juste combat pour la défense de la justice et de la nature.

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« Roda Favela » de Laurent Poncelet

Les Artistes et les spectateurs pris au piège du metteur en scène. Plus pauvre que la misère, c’est la pauvreté de la mise en scène

— Par Jandira Bauer —

Dans cette création inspirée de la vie dans une favela de la ville de Recife au Nord-Est du Brésil, où la réalité est puissante, le piège de la caricature ou de la « folklorisation » de la mise en scène reste un parti-pris fort dangereux. En général, le Théâtre immersif ou engagé convie le public à une implication émotionnelle. Nous, spectateurs, devenons alors complices ou otages de la mise en scène durant la représentation, peu importe la manière dont l’œuvre est construite.

Lire aussi « West Side Favela » par Michèle Bigot

Dans Roda Favela les artistes jouent des rôles inspirés de témoignages, construits de toutes pièces durant la représentation, les « gens » de la favela et la favela elle-même sont à nos pieds. Le metteur en scène sature l’espace scénique d’images en insistant lourdement sur la pauvreté, la misère, la violence. Cette surenchère visuelle devient un dispositif spectaculaire, non pour éveiller une conscience lucide, mais pour frapper les regards étrangers, les spectateurs extérieurs à cette réalité qui demeure un objet esthétique : une misère bien réchauffée sans véritable nouveauté ni authenticité, et surtout dénuée de clés de compréhension, comme si le spectateur, surtout s’il est étranger à cette réalité, avait besoin d’être assommé pour comprendre.

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Appel aux dons de l’Association Martinique Images (AMI)

Pour que vivent les contes créoles, pour que perdure la mémoire du peuple.

“Yé Krik ?” — “Yé Krak !”

C’est par ces mots que commence le conte créole. Ce simple échange entre le conteur et la cour (le public) fait jaillir des images, des souvenirs, des symboles, et surtout la parole vivante des peuples caribéens.
Le conte créole n’est pas seulement un récit pour faire rêver les enfants. Il est une mémoire. Un outil d’apprentissage. Un acte de résistance. Il est l’un des derniers trésors vivants d’un héritage venu d’Afrique, façonné dans l’épreuve de l’esclavage et nourri de l’imaginaire caribéen.


AMI : Dix ans au service de la parole vivante

Depuis près de 10 ans, l’Association Martinique Images (AMI) s’engage avec passion pour préserver, transmettre et faire rayonner l’art du conte créole en Martinique et au-delà.
Créée par le conteur Valer’Egouy, AMI rassemble chaque année des dizaines d’artistes : conteurs, musiciens, comédiens, plasticiens, dans des spectacles, veillées, résidences, ateliers et festivals.

Des événements gratuits ou accessibles à tous, organisés dans les quartiers, les écoles, les bibliothèques, les salles de spectacle et parfois même… sous la lune, au cœur de la nuit martiniquaise.

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21e Festival Chemins des Arts : Cap sur la Martinique

Du vendredi 25 au dimanche 27 juillet 2025
La Bergerie de Soffin – un lieu de création et de rencontre artistique en pleine campagne bourguignonne.

Une histoire de renaissance artistique

Le Festival Chemins des Arts, qui célèbre cette année ses 20 ans d’existence, prend ses quartiers comme toujours à la Bergerie de Soffin, un lieu culturel pas comme les autres.

À l’origine, c’était un bâtiment agricole en ruine, au cœur d’un village minuscule. Puis, grâce à l’élan visionnaire du chorégraphe Alfred Alerte, épaulé par une équipe de bénévoles passionnés, la bergerie est devenue un espace culturel vivant, reconnu aujourd’hui comme un Atelier de fabrique artistique par la DRAC Bourgogne-Franche-Comté.

Chaque été depuis 2005, artistes, habitants et visiteurs s’y retrouvent pour un festival dédié aux arts vivants, entre danse contemporaine, musique et créations pluridisciplinaires.

2025 : Cap sur la Martinique

Pour cette édition anniversaire, le festival met à l’honneur la Martinique, terre d’inspiration et d’expression chorégraphique.

Un thème fort, qui célèbre les racines culturelles d’Alfred Alerte, mais aussi l’ouverture au monde que revendique la Bergerie depuis toujours.

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La Légende de Zadou – L’affaire René-Louis-Gaétan Beauregard

Lundi 21 juillet 19h30, au T.A.C. ‘ Théâtre Aimé-Césaire) FdF
Une tragédie sociale, une histoire d’amour contrariée, un cri de douleur et d’espoir…

Un œuvre de José Alpha, auteur, dramaturge et metteur en scène, qui explore l’histoire d’un homme brisé par l’amour et la trahison, et qui devient, malgré lui, un symbole de résistance.

Inspirée de faits réels qui ont marqué la mémoire de la Martinique entre 1942 et 1949, La Légende de Zadou retrace l’épopée tragique de René Beauregard, un homme dévoré par la jalousie, qui, après avoir tué sa femme, se réfugie dans les mornes pour une cavale de sept ans. À travers cette pièce, nous plongeons dans les failles de l’âme humaine, confrontée à l’injustice, la douleur et la survie. Un héros tragique, oubliée par l’Histoire, mais vivant dans la mémoire des résistants.

José Alpha mêle mythe, mémoire et poésie pour créer un théâtre de vérité, à la fois populaire et militant. C’est une histoire d’amour, de colère, de résistance et de quête de dignité.

Interprétation :

  • Ahmed Diakité dans le rôle de Zadou, un homme dévoré par la douleur et la passion.

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La Créole Jazz Festival – 6ème Édition

Du 21 juillet au 17 août 2025 à La Créole Beach Hôtel & Spa, Le Gosier, Guadeloupe

Venez vibrer au rythme du Créole Jazz lors de la sixième édition du La Créole Jazz Festival, un événement musical incontournable qui se tiendra du 21 juillet au 17 août 2025 à La Créole Beach Hôtel & Spa, situé au cœur du paradisiaque Gosier, en Guadeloupe. Cette année encore, le festival invite les amoureux de jazz à explorer une programmation riche, diversifiée et pleine de saveurs créoles.

Un voyage musical de qualité

La programmation met à l’honneur les grandes figures du Créole Jazz et du jazz dans toute sa diversité. Parmi les artistes attendus, vous retrouverez des noms incontournables tels que Dominik Coco, Ralph Thamar, Bélo, Etienne Mbappé, Tanmpo, Dimitri Paul, Stéphane Castry, Maher Beauroy, Loriane Zacharie, et bien d’autres.

Un des moments forts de cette édition sera sans doute le retour du groupe Sakésho, composé de Andy Narell, Mario Canonge, Michel Alibo, et Jean-Philippe Fanfant, qui se reforme spécialement pour l’événement.

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« Le Sommet » & « L’évènement »

— Par Michèle Bigot —
Le Sommet, Christophe Marthaler, Avignon In, La FabricA
L’évènement, SCH, Christophe Marthaler,  Avignon Off, La Manufacture

Le Sommet

Dada chez les Helvètes

C’est devenu la signature de Christophe Marthaler, de mêler les langues européennes et de jouer du décalage systématique entre réalité sociopolitique et univers de la fiction dramatique. Héritier de Dada, Il oeuvre sans relâche à la remise en cause des conventions, fussent-elles théâtrales. Le mouvement esthétique dadaïste est né à Zurich, et ses enfants sont aujourd’hui légion en terre helvète. Rien n’est moins convenable et moins convenu que ce sommet bidon que nous propose Marthaler, dans lequel les supposés grands de ce monde se réunissent sur les hauteurs ( La Suisse s’est fait une spécialité des rencontres au sommet à vocation diplomatique ou économique, Genève, Davos etc.). Allusion en passant au Berghof, à Berchtesgaden! Les sommets, supposés favoriser l’élévation de l’esprit n’ont souvent enfanté que des fadaises, du cynisme ou de la monstruosité.

D’où l’entreprise de démolition programmée par Mathaler et sa troupe. Une poignée de Pieds Nickelés se retrouvent dans un chalet de haute montagne.

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« Wasted » & « Nexus de l’adoration »

— Par Dominique Daeschler —

Derrière ce titre (gaspillé, raté, défoncé), quatre vies qui vont le justifier à travers dialogues, monologues, chants. L’auteure, rompue au « spoken word » et à l’usage du vers shakespearien slamé, a trouvé une authenticité dans la parole donnée à ses personnages qui fait d’emblée du public un témoin de leur détresse. Martin Jobert metteur en scène a choisi des acteurs qui ont l ‘âge de leurs personnages Ted, Charlotte, Dan ( 25 ans environ) ce qui renforce ce côté de «  plein pied », d’invitation à partager avec des potes.

Ces potes, rassemblés pour l’anniversaire de la mort de Tony qui les a secoués dans les rêves de leurs 15 ans rattrapés par le trio fête-drogue- alcool. Qu’ont-ils fait depuis ? Qu’auraient-ils fait avec lui ? Dans la vacuité du quotidien , passés à côté de leurs rêves, le temps ne leur fait pas de cadeau. Chacun réagit différemment . Ted s’il admet faire un boulot qu’il déteste voit dans sa vie tranquille, le salaire régulier et les petits bonheurs du quotidien des choses qui l’aident à vivre : fumer parce qu’il fait froid, entendre la clé de sa compagne tourner dans la serrure.

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Le Rire et le Couteau de Pedro Pinho : une odyssée postcoloniale, sensuelle et politique

— Par Sarha Fauré —

Avec Le Rire et le Couteau, Pedro Pinho signe une œuvre aussi ambitieuse que déroutante, un film-fleuve de 3h30 qui prend racine en Guinée-Bissau, ancienne colonie portugaise devenue un théâtre d’interrogations brûlantes sur l’héritage colonial, le pouvoir, le désir et l’identité. Dès les premières images, un Occidental en transit, l’ingénieur portugais Sergio Coragem, s’engage sur une route poussiéreuse au cœur d’un paysage aride. Chargé par une ONG d’évaluer les conséquences écologiques d’un projet routier, il s’enfonce rapidement dans un monde qui échappe à ses cadres, ses repères et sa prétention à comprendre.

Sergio, figure du néocolon progressiste, croit au départ pouvoir conjuguer conscience postcoloniale et bonne volonté occidentale. Mais ce fragile équilibre est mis à l’épreuve dès son arrivée. Les ratés logistiques (panne de voiture, inconfort climatique, déplacements absurdes) deviennent le reflet d’un désalignement plus profond, un corps étranger déplacé dans un système de forces qui le dépasse.

Dans ce pays où les rapports Nord-Sud ne cessent de se réactiver sous des formes aussi économiques que charnelles, le film évite soigneusement la caricature ou la dénonciation frontale.

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À Almada, le Marius de Joël Pommerat

Donner corps à ses rêves

— Par Janine Bailly —

« En 2014, je suis sollicité par le directeur de la Scène nationale de Cavaillon, Jean-Michel Gremillet, pour aller rencontrer Jean Ruimi, une personne incarcérée à la Maison Centrale d’Arles, qui veut monter une pièce qu’il a écrite et qui a exprimé le désir de la mettre en scène. » Par ces mots, Joël Pommerat rappelle les circonstances qui l’ont conduit à mettre en scène Marius, une version contemporaine de la pièce écrite en 1929 par Marcel Pagnol, et portée de nombreuses fois à l’écran. Le courant passe aussitôt entre Joël et Jean ; après un long échange, le metteur en scène accepte d’intervenir en milieu carcéral, où il crée des ateliers, qu’il anime quelques jours par mois. Il aide Jean à écrire et faire jouer sa première pièce, forme les détenus qui pour certains découvrent le théâtre en prison. Et parce que nous sommes en Provence, que ces hommes sont de Marseille ou de la région, vient l’idée de se référer à Pagnol, figure incontournable et symbolique du Sud de la France.

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Pedro Pinho interroge les mécanismes de domination dans « Le Rire et le Couteau »

— Par Hélène Lemoine —

Révélation du dernier Festival de Cannes où il était présenté en section Un Certain Regard, Le Rire et le Couteau confirme le talent singulier du cinéaste portugais Pedro Pinho. Avec ce film-fleuve de plus de trois heures et demie, le réalisateur livre une œuvre ambitieuse qui interroge avec une rare finesse les rapports de domination contemporains.

Un voyage initiatique au cœur des paradoxes contemporains

Le film s’ouvre sur les traces d’Antonioni et de son Profession : reporter. Un homme seul traverse le désert au volant de sa voiture, incarnation parfaite de l’Occidental en quête d’identité. Mais là où Antonioni laissait son fantôme s’évaporer, Pedro Pinho ancre son récit dans une réalité postcoloniale saisissante.

Sergio, ingénieur environnemental portugais interprété par Sérgio Coragem, débarque en Guinée-Bissau pour évaluer l’impact écologique d’une route traversant une zone marécageuse habitée par des paysans. Mission apparemment technique, le voyage devient rapidement une plongée vertigineuse dans les mécanismes du néocolonialisme et de la domination.

L’art du trouble identitaire

Naviguant entre élites corrompues et population démunie, Sergio incarne malgré lui la figure du « néocolon » conscient de sa position problématique.

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« Le Canard sauvage », « Made in France » & « Faire commune »

—Par Dominique Daeschler —

« Le Canard sauvage », texte d’Ibsen, Adaptation et m.e.s. T Ostermeier

Thomas Ostermeier est à son aise dans l’univers confiné d’Ibsen, celui du 3théâtre de Chambre, où tout se rétrécit pour piéger les protagonistes dans leurs non-dits. Petit à petit des secrets bien gardés sont révélés par Gregers le fils de famille pour qui la vérité est une éthique qui ne peut apporter que le meilleur : la famille des Ekdal en sera détruite. La bourgeoisie est analysée comme une décadence, soumise au pouvoir de l’argent qui doit tout résoudre, sans affect, sans culpabilité.

De façon assez didactique, Thomas Ostermeier crée un décor tournant, salon des riches d’un côté où Werle célèbre par une fête le retour de Gregers, de l’autre le studio de photo- cuisine- salon d’un ancien camarade de classe dont le père a été un proche collaborateur de Werle avant d’ être ruiné par une affaire qui l’a conduit en prison. Les pauvres sont à la merci des riches : commandes, pension…Bientôt l’action se resserre sur le seul lieu de vie des pauvres car Gregers vient habiter chez les Ekdal, afin de distiller son amour de la vérité.

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Le ballet Yang Liping au Festival de Fort-de-France

— Par Selim Lander —

Les soirées festivalières ne se ressemblent pas ; après les résurrections d’Opéra poussière c’est le sacrifice d’une jeune vierge dans le Sacre du printemps. Après le théâtre, place à la danse. Si Yang Liping (née en 1958) est de longue date une star en Chine, elle ne s’est fait connaître que depuis quelques années en Occident ; c’est vraiment une chance pour les spectateurs du Festival de Fort-de-France de pouvoir assister à l’une de ses créations et de faire connaissance par la même occasion avec la danse contemporaine chinoise. Les artistes chinois sont plus que d’autres, peut-être, des maniaques de la perfection. On en a eu la confirmation dès l’entrée dans la grande salle de l’Atrium : douze danseuses assises en tailleur nous attendaient dans une immobilité absolue qu’elles tiendront pendant une demi-heure jusqu’au début du spectacle, pas davantage dérangées par le brouhaha des spectateurs cherchant leur place que par le moine bouddhiste qui installe sur le plateau le cercle formé autour d’elles à l’aide d’idéogrammes géants reproduits dans une mousse ocre, agencement minutieux qui sera détruit joyeusement par les danseuses à la fin.

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« Opéra Poussière » au Festival de Fort-de-France

—Par Selim Lander —

Création du 54e Festival de Fort-de-France, cette pièce haïtienne pour l’écriture (Jean d’Amérique (1)) et la mise en scène (Jean-Erns Marie-Louise) mais avec une distribution africaine et en partie martiniquaise est une vraie réussite formelle. Certes, l’argument est mince : Sanite Bélair, une héroïne de la guerre d’indépendance haïtienne demande à un hougan (« prêtre » vaudou) de la ressusciter car elle a des choses à dire à ses compatriotes d’aujourd’hui, et pour commencer qu’ils ont tort d’oublier la part des femmes dans la guerre contre les Français, à commencer par sa part à elle qui fut sergente dans l’armée de Toussaint Louverture. On ne sait pas si elle ressuscitera vraiment, même s’il semble que ce soit le cas à la fin de la pièce mais elle fera parler d’elle, et d’une manière ou d’une autre parviendra à se manifester auprès des Haïtiens d’aujourd’hui, la télévision s’étant saisie de ce fait divers peu ordinaire. Il n’y a pas vraiment d’intrigue, plutôt une suite de tableaux qui font progresser l’action vers la réapparition réelle ou rêvée de l’héroïne.

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« Je n’ai pas lu Foucault » & « Tout le monde il est Jean Yanne »

— Par Dominique Daeschler —

« Je n’ai pas lu Foucault », texte Céline Caussimon ,mes Sophie Gubri

Comme bon nombre de spectacles cette année, le texte est construit à partir d’ateliers d’écriture. Leur particularité est d’avoir été faits en prison sur un thème peu banal l’observation de toiles et de peintres connus ( Picasso, Basquiat, Van Gogh…) .Céline Caussimon, animatrice de ces ateliers, se prépare, relit les biographies, prête à livrer pour chaque peintre, son parcours, ses influences, ses techniques, ses thèmes. Une petite angoisse cependant, elle n’a pas lu le livre de Foucault. Peu importe, c’est elle qui doit s’adapter aux regards qui lui sont renvoyés. Bien sûr il y a ceux qui viennent là pour passer le temps, parce qu’il n’y a pas foot. C’est leur parole vive sur les couleurs qu’il préfèrent ( le noir de Basquiat), le ressenti sur l’organisation d’un tableau ( la chambre de Van Gogh), l’ intuition des origines ( Basquiat). Le cheminement des détenus introduit sans cesse l’idée d’une liberté de pensée qu’ils savent asséner, apportant à leur animatrice une autre appréhension de l’Art.

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Du côté du TOMA

— Par Dominique Daeschler —

Comme à son habitude, le TOMA théâtre d’Outremer à Avignon, convoque lectures , projections ,échanges ,spectacles au sein de la Chapelle Incarnée.

Porgy and Bess, musique et livret de Gershwin 

Adapté par les voix d’Outremer et Fabrice di Falco, chanteur lyrique martiniquais et cheville ouvrière des Contre-Courants, ce moment D’opéra valorise « à nu » les talents ultramarins dans le domaine lyrique. La musique de Gershwin n’ a pas pris une ride et Fabrice di Falco accompagne , dans un rôle de récitant les artistes. Les quatre chanteurs défendent leur partition avec brio. On retiendra particulièrement l’interprétation de Livia Louis Dogué dont la tessiture large la situe déjà parmi les grandes . Sans doute ,la présence sur scène, les déplacements sont à travailler mais ceci est déjà sur rails.

Entre les lignes, chorégraphie Florence Boyer

Florence Boyer, chorégraphe et danseuse, prend à bras le corps un travail de recherche sur les ouvrières du textile de Roubaix à Cilaos (Réunion) qui, à travers leurs broderies, ont célébré une attention aux femmes, dépassant un quotidien aux gestes répétitifs pou en donner la dignité et la beauté.

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Comment gâcher sa vie (avec style)

« WASTED », texte de Kae Tempest, m.e.s. de Martin Jobert, | Avignon off, le 11.Avignon

— Par Michèle Bigot —

Trois personnages en quête d’avenir, en recherche de sens, habités par la nostalgie de leur passé récent, mais hélas bien (ou mal) passé! Trois amis trentenaires en perdition se réunissent pour célébrer les dix ans de la mort de leur ami Tony. Le premier est un musicien en quête de reconnaissance, le second est prisonnier d’un « bullshit job » dans une entreprise minable et la troisième dispense des cours à des élèves défavorisés, encore plus blasés qu’elle. Les trois font un concours de ratage programmé et de nullité existentielle. Dis comme ça, on pourrait croire que le spectacle est aussi affligeant que le destin des personnages.

Or c’est le contraire qui advient. Les trois acteurs rivalisent d’auto-dénigrement, mais avec tant d’humour, tant de lucidité et tant de tendresse réciproque que ça devient attachant. Les dialogues sont ciselés, percutants et drôles. Le jeu des comédiens est parfaitement juste: chacun habite son personnage au point de le rendre follement présent. On rit, mais on rit jaune.

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M., entre sainteté et folie

« M. Un amour suprême », conception, texte, m.e.s. Gustavo Giacoso, musique: Fausto Ferraiuolo | Festival d’Avignon, Theâtre des Halles

— Par Michèle Bigot —

Le tandem Gustavo Giacoso-Fausto Giacoso était déjà venu nous enchanter l’an dernier, dans la même chapelle du Théâtre des Halles. Cette fois-ci encore, ce spectacle, quoique humble dans sa dimension scénique, nous transporte instantanément par son lyrisme et la magie de son évocation.

Fidèle à son intérêt pour l’art brut, Gustavo Giacoso nous raconte en sept tableaux l’histoire d’une femme, nommée M.(de son vrai nom Melina Riccio) qui quitte son sud natal pour s’installer à Milan, petite couturière appelée à devenir une célèbre styliste. La voici adulée du public et des media, mariée, installée et mère de famille, quand soudain, écoeurée par la célébrité et la fortune, elle décide de tout quitter, son métier, sa famille (elle a trois enfants) pour partir le long des routes comme une errante, pour prêcher l’amour et dénoncer la société de consommation. Adepte de Saint François, elle devient tour à tour une sainte, une folle, une artiste. Ses installations, réalisées à l’aide d’objets hétéroclites trouvés parmi les déchets dérangent bousculent ou séduisent.

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Résistances russes au plateau

« Last of the Soviets », conception et m.e.s. Petr Bohac

— Par Michèle Bigot —

La Russie est très présente sur la scène théâtrale française. Non la Russie impérialiste et la barbarie d’un Poutine, mais la Russie des résistants, la Russie des démocrates et du peuple qui souffre. C’est ainsi qu’après La Guerre n’a pas un visage de femme, texte de Svetalana Alexievitch, mis en scène par Julie Deliquet, lors du Festival des Comédiens de Montpellier et après le spectacle Alexeï et Yulia, proposé au théâtre des Halles lors de la présente édition du Festival D’Avignon, on a pu assister à une nouvelle interprétation des textes de S. Alexievitch, dans un spectacle intitulé The Last of the soviets.

Cette proposition théâtrale réalise un montage de différents extraits, concernant aussi bien la catastrophe de Tchernobyl que la « grande guerre patriotique » ou l’effondrement de l’URSS.

Au plateau Inga Zotova-Mikshina et Roman Zotov-Miksin, deux acteurs russes en exil nous dévoilent avec humour la cruauté de la vie quotidienne en Russie soviétique. Dans un récit mené tantôt en russe tantôt en anglais, avec quelques parenthèses en français, ils nous content l’horreur, les massacres, la peur et la misère, sans jamais se départir de l’humour noir qui les sauve.

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Festival d’Almada : De Thomas Ostermeier et Édouard Louis, Histoire de la violence

— Par Janine Bailly —

Comment représenter sur scène la violence, dans l’intime et l’universel

En juin 2018, Thomas Ostermeier crée à la Schaubühne de Berlin la pièce Histoire de la violence ; il met en scène le texte qu’il a co-signé avec l’écrivain Édouard Louis à partir du roman autofictionnel de ce dernier. Depuis, le spectacle s’est donné à maintes reprises, en différents lieux, et c’est au festival d’Almada qu’il fait donc escale en ce mois de juillet 2025. 

Adapter cette oeuvre complexe relevait de la gageure, tant elle est polyphonique, qui donne sur un seul et même événement des perspectives différentes. Le récit, éclaté, se construit peu à peu, et sans ordre chronologique, suivant en cela la pensée erratique du protagoniste principal, Édouard qui, victime d’une violente agression sexuelle, est encore sous l’effet du traumatisme vécu. Mais le point de vue est aussitôt double, puisque l’on entend Clara narrer à son mari l’histoire que son frère Édouard lui a confiée. Si dans le roman ce dernier écoute, en embuscade derrière la porte, la façon parfois fallacieuse dont elle rapporte les faits – Édouard mentalement la corrige – il est à noter qu’ici, prenant une place de choix, Clara peut entrer en interaction avec les autres personnages.

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West Side Favela

Roda favela, m.e.s. Laurent Poncelet, Cie Ophélia théâtre et O Grupo Pé No Chao, Festival d’Avignon, Le 11 Avignon 24.07.2025

— Par Michèle Bigot —

Sur scène, 12 artistes venus des favelas de Recife. Dans une explosion de danses, de musique et de lumière, ces jeunes artistes (moyenne d’âge 20 ans) nous offrent le plus délicieux et le plus revigorant des spectacles. Laissez de côté le doute, la peur, et la désespérance liés à la situation politique. Ils viennent de Recife, ils vivent dans une favela, ils peinent à trouver de l’eau, on leur coupe l’électricité, ils se battent pour vivre et ils nous donnent une leçon d’énergie, d’espoir. Ils ont pour eux une jeunesse et une force inextinguible, une énergie qu’aucune force de police ne peut réprimer. Leur histoire est celle de luttes, de drames, de tueries mais aussi de solidarité, de liens familiaux puissants. Ils incarnent le renouveau, ils sont portés par la force de leur art, leur musique, leur danse, leur poésie. A toujours devoir faire face aux discriminations, au racisme, à l’homophobie et aux attaques des milices d’extrême droite, ils ont acquis une puissance indomptable.

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« Le Sacre du Printemps » de Yang Liping

À Tropiques-Atrium les 12 et 13 juillet |  Fort-de-France

Le Festival de Fort-de-Francede Fort-de-France présente une réinterprétation moderne et originale du célèbre ballet Le Sacre du Printemps de Igor Stravinsky, par la chorégraphe chinoise Yang Liping. Cette version contemporaine mêle danse, traditions chinoises et philosophie bouddhiste tibétaine, offrant une lecture unique et profonde de l’œuvre.

Une Réinterprétation Contemporaine

Dans sa version de Le Sacre du Printemps, Yang Liping transpose le ballet de Stravinsky au cœur de son univers artistique, où la danse contemporaine se rencontre avec des symboles culturels et spirituels forts. La chorégraphie prend appui sur les thèmes universels de la vie, de la mort et du renouveau, tout en s’inspirant des croyances orientales, notamment la vision circulaire de l’existence qui fait écho à l’idée de réincarnation et de renouveau.

Au-delà de la danse, l’œuvre met en avant des symboles puissants comme le paon et le lion, représentant respectivement la lumière et la force, des figures emblématiques de la culture chinoise et bouddhiste. Ces images, tout en étant profondément ancrées dans l’histoire culturelle de Yang Liping, sont aussi des métaphores de la dualité humaine : l’éclat et la puissance, le désir et la sagesse.

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