Candide, qu’allons-nous devenir ?

— Par Michèle Bigot —
D’après Voltaire, M.E.S. Alexis Armengol
Festival d’Avignon off 2017, La manufacture, 6>26/07

Le conte philosophique se prête à merveille à l’adaptation théâtrale. Sa brièveté (encore que celle de Candide soit toute relative !), son art du récit, avec ses rebondissements, ses types humains, sa causticité et sa force satirique font merveille, surtout quand il s’agit d’une adaptation ingénieuse et audacieuse. On peut faire confiance à Alexis Armengol pour les trouvailles, les astuces de mise en scène, le sens du rythme et de la musique. Tous les ingrédients du langage dramatique sont convoqués pour faire la fête. Dans le texte de Candide, il sait couper les longueurs, mettre en valeur les épisodes cruciaux, dramatiques ou burlesques. On n’a pas peur de lire le texte quand il faut, de résumer, de sauter allègrement des chapitres. Rien n’est plus voltairien que cette irrévérence heureuse.
Avec trois fois rien : la scénographie se résume à une table des sièges, une poubelle qui fera office d’océan quand il faut y plonger. Ainsi transposé pour la scène, le texte est plein d’allégresse et de nervosité. Et surtout, il est servi par des comédiens hors pair, qui savent tout faire : danse musique, acrobaties en tout genre, et avec ça, une élocution admirablement claire et une expressivité convaincante. Par la force du récit, de la mimique, par le renouvellement des astuces scénographiques Nous voilà emportés du champ de bataille des Abares et des Bulgares à l’Eldorado, chez les Jésuites du Paraguay en passant par le séisme de Lisbonne. On ne boude pas son plaisir, c’est du théâtre à l’état pur dans la grande tradition qui allie le burlesque au politique. Encore une occasion de revenir avec Voltaire sur le fanatisme religieux et toutes les formes d’intolérance.
Michèle Bigot
Madinin’Art