Boris Johnson: Après le Brexit, le Commonwealth ?

— Par Emmanuel Argo —

Dans The Sunday Express du 18 mars 2018, Boris Johnson ventait le Commonwealth représentant et pariait sur son émergence économique. En s’émancipant d’une Europe qui peine à se remettre en question, à l’heure où les nouveaux centres de décisions économiques se déplacent vers l’Asie-Pacifique, BoJo sait où Londres se situe pour sans doute devenir l’une des places financières les plus libérales.

Dans cet écrit, Emmanuel Argo voit dans le Brexit, non une « posture anti européenne, mais plutôt un mouvement protectionniste, anti immigration ».

Selon un article du Ministre britannique des affaires étrangères, Boris Johnson, paru le 18 mars 2018 dans le The Sunday Express, le forum sur le Commonwealth qui se tiendra à Londres du 16 au 18 avril 2018 aura une ampleur sans précédent par rapport à celui qui s’est tenu en 2007 en Ouganda.  Cf. Commonwealth summit.

Ainsi les Britanniques font-ils le pari que le Brexit leur ouvre la voie sur un nouvel avenir largement prometteur, grâce à l’existence du Commonwealth, cette organisation inter-gouvernementale à la fois historique et économique qui rassemble les anciennes colonies de l’empire britannique. Cette fédération de 53 pays membres répartis sur les 5 continents représente une population de plus de 2,4 milliards d’individus dont la moyenne d’âge est de moins de trente ans. Elle constitue également un tiers de la population mondiale.

Ces populations sont liées notamment par leur histoire et la langue anglaise, mais aussi par les principes démocratiques et ses règles de droit qu’on retrouve à travers l’institution du Commonwealth.

Selon lui, le Brexit offre de bonnes opportunités économiques ; vrai ou faux ? Ses arguments pèsent en faveur du vrai.

Des partenariats intra -Commonwealth existent déjà, et en pariant sur l’émergence de l’Inde, Boris Johnson sait où et comment la place financière londonienne se situe. Quitter les contraintes européennes, c’est avoir les coudées franches pour s’émanciper d’une Europe qui peine à se remettre en question, à l’heure où les nouveaux centres de décision économique et bientôt politiques se déplacent vers l’Asie et l’Orient.

Aujourd’hui, même d’anciennes colonies françaises, comme l’Algérie ou Madagascar sont sur la liste d’attente pour intégrer le Commonwealth. C’est donc la preuve que cette institution datant du milieu du xx ième siècle est porteuse d’avenir.

Depuis 1972, toujours selon le ministre, avec une moyenne annuelle de 4, 4 %, le Commonwealth connaît une croissance économique deux fois plus rapide que celle des pays de l’Union Européenne et aujourd’hui il représente un PIB de 10,5 milliards de dollars et pèse 4 % de l’économie mondiale.

De ce fait, je considère que le départ de la Grande Bretagne de l’UE est certes regrettable, mais le jeu démocratique du royaume en a ainsi décidé ; Alea jacta est !

Respectons donc la décision souveraine du peuple britannique, d’autant qu’il ne s’agit pas tant d’une posture anti européenne, mais plutôt d’un mouvement protectionniste, anti immigration, qui s’explique par la crainte d’une population dont un bon nombre vit dans la précarité et n’envisage donc pas de partager des aides publiques qui se raréfient.

Même si la Grande Bretagne a fait d’autres choix, je pense que la Communauté européenne a été sanctionnée par ce vote pour son déficit flagrant de vraie solidarité sociale.  Est-ce que ce Brexit lui servira de leçon ?

Á l’heure où le Commonwealth prend un nouveau virage et une nouvelle dimension, à l’heure où des pays se pressent pour rejoindre cette organisation plus ouverte et tournée vers l’avenir, à l’heure où Londres, forte de ses réseaux, de sa langue et de sa puissance bancaire fait le pari de compter dans un nouvel ordre mondial, si la notion de solidarité humaine n’est pas incluse dans ce nouvel élan, on assistera à un rapide essoufflement.

La dimension démocratique et solidaire de tout projet en garantit la longévité.

Par ailleurs, quant à la France, en ayant le projet d’établir des partenariats économiques avec l’Inde, ce « mastodonte » du Commonwealth, n’est-elle pas habilement en train de s’en rapprocher ? Il est un fait que le président Macron qui était en visite officielle récemment à New Delhi a été chaleureusement accueilli.

De même que le Brexit ouvre la voie à une nouvelle ère entre les britanniques et les autres membres du Commonwealth, rien n’empêche que la France, porte drapeau de la francophonie, n’entreprenne des partenariats tripartites incluant la Grande-Bretagne et ses anciennes colonies ; celles-ci sont parfois géographiquement voisines et c’est le cas, par exemple, des îles de la Caraïbe, des îles situées dans l’Océan Indien, de Saint-Pierre et Miquelon proche du Canada et, à l’intérieur d’un même continent, le cas du Nigéria et du Bénin.

Ces territoires possèdent des ressources continentales, marines et sous-marines indispensables au développement économique des partenaires.

Á partir de ce constat, je propose qu’entre la France et la Grande Bretagne se créée une nouvelle entente cordiale, basée sur un partenariat de développement économique et sociétal. Parmi les objectifs ou les éléments constitutifs de cette entente cordiale, on pourrait y voir la recherche, un programme de formation, la préservation des ressources naturelles et leur protection , l’exploitation raisonnée des ressources halieutiques et la sécurité des océans dans les régions d’Afrique, de la Caraïbe, de l’Océan Indien et du Pacifique incluant également les iles ultra- marines. Pour ces dernières, priorité serait donnée aux zones où le développement des énergies durables doit être renforcé et où les risques de catastrophes naturelles sont les plus élevés, et ce , sans oublier les conséquences du réchauffement climatique comme la montée du niveau des océans, les zones littorales inhabitables, la prolifération d’algues sargasses, etc…

Ce que partagent également la France et la Grande-Bretagne, en raison de leur passé, c’est l’accueil d’un grand nombre de ressortissants en provenance de leurs anciennes colonies pour la plupart devenus migrants économiques. Loin d’être un point faible, c’est une force. Ces populations qui travaillent dans tous les secteurs

de l’économie envoient de l’argent à leur famille restée au pays – ce que j’ai nommé Remitt@nces2. Les taxes prélevées par les sociétés spécialisées dans les transferts d’argent sur ces Remitt@nces constituent une manne financière importante à partir de laquelle des épargnes peuvent être constituées, soit pour le développement local, soit pour faciliter le retour et l’installation des migrants.

De plus, en fonction des pays, régions ou territoires concernés, certains travaux pourraient partiellement être financés tant par des aides internationales au développement que par une taxe Remitt@nces prélevée sur le chiffre d’affaires des sociétés d’envoi et de transferts d’argent.

Des Remitt@nces Bonds pourraient également être utilisés à l’instar des Diaspora Bonds connus au Cap-Vert, au Ghana, au Kenya, aux Philippines, à L’île Maurice et en Inde.

Une telle concorde, qui n’éloignerait pas non plus la Grande Bretagne des cercles historiques et rapprochés de l’UE, pourrait initier de nouveaux grands chantiers et travaux d’infrastructures sur plus de la moitié des pays de la planète. Pour ce faire, leur financement pourrait pour partie provenir d’une taxe prélevée sur le chiffre d’affaires des sociétés d’exploitations portuaires exportant tous minerais, matières premières non transformées et produits semi-finis hors du continent africain.

Cette perspective de partenariat équitable peut trouver un écho favorable tant auprès de pays membres du Commonwealth, que des pays francophones d’Afrique.

Cette concorde aurait également pour but de ralentir les flux migratoires économiques en créant des environnements stables et favorables : paix civile et sociale, reprise et développement économique, création d’emplois. Un salaire minimum harmonisé et une protection médicale individuelle généralisée ou « Commonwealth care » devraient être mis en place à ces fins.

Dans un contexte de nationalismes qui ébranlent les fondements de l’Union Européenne, la simple intelligence commande de les anticiper en proposant d’ouvrir de nouvelles perspectives qui puissent unir et non diviser. Le Commonwealth ne serait donc pas une opportunité pour la seule Grande-Bretagne mais également pour la France et le reste Communauté Européenne.

Emmanuel Argo, est Membre de Chatham House : Institut Royal des Affaires Internationale/Londres et de la Société d’Histoire de l’Université d’Oxford. Royaume Uni.  Conseiller de l’AFCHAM China : African Chamber of Commerce -Shanghai. Il est l’auteur de la dénomination Africa Mundus, désignant l’ensemble de 5 régions africaines plus la sixième extracontinentale représentant 350 millions d’Afro-descendants et diaspora, venant s’ajouter à une population de 1,300 milliard d’individus répartis sur le continent Africain.

Co-auteur de trois ouvrages avec “The Institute for Business Innovation ”de l’Université de Prétoria en Afrique du Sud: *Conflict and governance: NEPAD, South Africa and Africa: ISBN O-620-34809-7 en 2005. *NEPAD and the African Renaissance, ISBN: 0-620-32510-0 en 2005. * Regional Integration Economic Partnership Agreements for Eastern and Southern Africa. ISBN : 978-0-620-38462-9 en 2007. Cet ouvrage traite les possibilités de partenariats économiques entre l’Union Européenne ses régions éloignées d’outre-mer français, les pays du Commonwealth de l’Afrique Australe, francophones, ainsi que ceux de l’OECS (Organisation des Etats de la Caraïbe Orientale) et du MERCOSUR (Marché commun d’Amérique Latine) offrant également des opportunités dans la sphère méso-américaine. . A préfacé l’ouvrage de Roger Yomba intitulé : Qui menace la paix et la stabilité en Afrique ? ISBN : 978-2336-00607-9,  est l’uteur de : Nelson Mandela et la naissance de la nouvelle Afrique du Sud

 

 


Emmanuel Argo a travaillé en Martinique où, en outre, il est à l’origine de l’installation de l’Union régionale du syndicat de l’encadrement CFE-CGC. Juriste dans un cabinet d’avocats à Paris, il a également enseigné à la faculté des universités le droit Européen. En Afrique australe, Il a été contributeur au sein de plusieurs institutions et conseiller de plusieurs gouvernements. Avec l’Institute for Business Innovation de l’Université de Prétoria en Afrique du Sud, il est co-auteur du livre intitulé : Regional Integration – Economic Partnership for Eastern and Southern Africa. ISBN 978-620-38462-9. Par ailleurs, comme représentant de la société civile au titre de l’Angleterre, il a porté de nombreuses recommandations auprès d’instances internationales comme des Sommets du G8 civil. Il est membre de la Société d’histoire de l’université d’Oxford et à Londres, membre de Chatham House/The Royal Institute for International Affairs. En France, dans la Région du Centre-Val-de-Loire, il est élu conseiller municipal de Thésée et membre de la Commission de Développement Économique de la Communauté de communes du Val- de Cher-Controis.