Bore-out. Mourir d’ennui, l’enfer quotidien des sous-employés

— Par Marion  Esquerré —
sou_employesÊtre payé à ne rien faire ? Le rêve ? En réalité, c’est bien davantage un cauchemar qu’une sinécure qui, imposé aux salariés sur une longue période, peut conduire au bore-out, à l’épuisement.

Une suractivité sur une longue période peut conduire au « burn-out » ou syndrome d’épuisement professionnel, dont la reconnaissance dans la société a fortement progressé en une quinzaine d’années. En revanche, le « bore-out » ou syndrome d’épuisement professionnel par l’ennui, sorte d’image en miroir du « burn-out », reste un sujet tabou. Pourtant, il peut mener aux mêmes situations: fatigue profonde, dépression, déclenchement de maladies en tous genres, jusqu’à la tentative de suicide.
Céline, psychologue de formation, spécialisée en gériatrie, a frôlé cet état. Pour son premier emploi, elle tenait un bureau d’information pour personnes âgées. Son bureau était au premier étage d’une petite mairie sans ascenseur. « Je ne recevais pratiquement personne de la semaine, sans compter que, le lundi, mon bureau était même inaccessible pour cause de fermeture de la mairie … Toute action que je proposais était refusée. » À l’époque, il n’y a ni Internet haut débit, ni réseau de téléphonie mobile. « Je suis devenue très forte à “ Civilisation 2 ” (un jeu vidéo – NDLR). Je suis allée aux champignons, aux châtaignes. J’ai fait beaucoup la sieste. J’avais même un coussin dans un tiroir. Se lever le matin pour aller se coucher au bureau, c’est violent. » Profondément marquée par cette expérience, Céline n’a plus cherché de travail dans son métier d’origine.

PERTE DE SENS

Le « bore-out » menace les salariés dans deux situations, explique Dominique Lhuilier, professeure en psychologie du travail au CNAM et auteure d’un ouvrage sur la placardisation (1). Soit ils n’ont rien à faire, soit leur tâche consiste seulement à occuper le temps, sans utilité sociale.
« Les salariés confrontés au vide de leur activité se sentent déqualifiés, décrit Dominique Lhuilier. Ils ne peuvent pas exercer leurs compétences, ni les entretenir, encore moins les développer. Ils ont le sentiment de rétrograder, de rétrécir. Le travail n’a plus de sens. » Mais, ces situations sont tues comme une maladie honteuse, alors que le chômage prive des centaines de milliers de salariés d’emploi.
Selon Jean-Claude Delgènes, directeur du cabinet Technologia, plusieurs situations peuvent conduire au bore-out. « Il y a l’ennui généré par l’activité en elle-même, par exemple les vigiles en poste de surveillance, décrit-il. Autre circonstance: la surqualification. La difficulté de trouver un emploi pousse des personnes, très qualifiées, à s’engager dans des emplois qui ne les nourriront pas intellectuellement, ni ne suffiront à les occuper toute la journée. » Et puis, tout simplement, le bore-out peut intervenir dans un contexte où le travail manque – en particulier dans la fonction publique – parce que la succession de réorganisations a conduit à vider certains postes de leur fonction….

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