Benjamin Millepied à la tête du ballet de l’Opéra de Paris

L’Opéra de Paris avait laissé partir en Russie le Français Marius Petipa. Il ramène aujourd’hui Benjamin Millepied, 36 ans, d’Amérique pour diriger sa troupe qui compte parmi les plus belles du monde.

C’est une révolution! Aucun chorégraphe n’avait dirigé le ballet de l’Opéra de Paris depuis Serge Lifar. Et Benjamin Millepied n’est pas le type de danseur rompu aux grands ballets classiques, l’un des fer de lance pourtant, de la compagnie. Et pourtant Benjamin Millepied est indispensable! Dans ce monde qui se montre chaque jour un peu plus sourd à la parole si particulière de la danse, il a décidé d’y consacrer sa vie. Voici quatre ans il disait déjà: «Je deviendrai directeur de compagnie pour remettre la danse au centre des arts, susciter des désirs créatifs et toucher les gens d’aujourd’hui». Ses 36 ans n’y changent rien, il a toujours été précoce. Son mariage célébré cet été avec Natalie Portman, la plus brillante des actrices américaines rencontrée sur le tournage de Black Swan n’ébranle pas davantage sa détermination. Pas plus que la naissance de leur fils Aleph, un an plus tôt. Benjamin Millepied danse comme il respire. Certains appelleraient cela une vocation, mais le terme induit trop de sacrifices. Plus justement, la danse est son élément. Il l’a contractée dans le ventre de sa mère professeur de danse contemporaine et de danse africaine.Ensuite, il a appris à marcher en dansant, les pieds nus sur la terre ocre du Sénégal où il arrive, à trois mois, pour s’en aller à quatre ans.

Paradoxalement, dans un art fait de contraintes dont il s’est accomodé avec délices, adorant trouver le détail juste, son naturel a fait sa gloire. Alors qu’il étudie au CNSMD de Lyon, il obtient une bourse au prix de Lausanne, en 1994, pour rejoindre l’école de Ballet Américain à New York. Jerome Robbins, le chorégraphe de West Side Story, l’entraîne aussitôt dans son cénacle du New York City Ballet (NWCB). Il cherche des danseurs assez expressifs pour suggérer une atmosphère en quelques gestes, et assez musicaux pour raconter, à la Tchekov, les nuances infimes d’une passion sur un Nocturne de Chopin. Sans avoir guère interprété les grands classiques, Millepied devient principal, en 2002. Il prête davantage attention aux enchaînements de pas, aux idées, aux images qui le traversent. Forcément, il est aussi né chorégraphe.

Mille idées

Son charme fait le reste, son rire et son regard bleu marine aussi. Il emballe son monde, fonde un groupe de danseurs qu’il promène de part et d’autre de l’Atlantique: «J’adore avoir une troupe , diriger, travailler ensemble», dit-il. Il séduit des mécènes, écrit ballet sur ballet: il en a déjà une trentaine à son actif, dont deux pour l’Opéra de Paris, Amoveo, en 2006 sur une scénographie de Paul Cox et Triade, en 2008.

Les danseurs sont unanimes sur le bonheur de travailler avec lui: «Pour chorégraphier, j’ai besoin de danseurs que je sens, qui m’étonnent et m’attirent» . Benjamin a mille idées: il confronte Baryshnikov sexagénaire à une vidéo de lui-même à 16 ans, remplace le Spectre de la Rose avec son bonnet à fleurs par un quarteron de bandits masqués surgissant par une fenêtre, chorégraphie Bach pour Lil Buck, étoile du jockin (hip hop sur la pointes des baskets) et des boys de Madonna, met en scène des petits films chorégraphies de la vie quotidienne sur la musique de Phil Glass… Il saisit tout ce qui l’intéresse, essaie, se moque de rater, tente diverses pistes. Certains lui reprochent d’en faire trop. S’il ne sait pas où cela le mènera, il sait exactement ce quil veut faire de chaque projet qu’il entreprend.

 

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