Par Selim Lander
Adapté du Songe d’une nuit d’été, sans doute la pièce la plus souvent jouée de Shakespeare, ce Songe-là, qui nous vient de Guyane dans une mise en scène de Jacques Martial, a la particularité de confier la partie du peuple de la nuit à des élèves comédiens d’une école de Saint-Laurent-du-Maroni qui s’expriment en saramaka surtitré en français. Les nobles Athéniens et Bottom (Pyrame) sont joués par des élèves ou anciens élèves de l’École Nationale Supérieure des Arts et Techniques du Théâtre (ENSATT, Lyon). On voit tout de suite l’intérêt qu’aurait pu présenter un tel choix dramaturgique : poser d’emblée l’irréductible étrangeté du peuple de la nuit par rapport aux Athéniens. Malheureusement le message est brouillé dans la mesure où les mêmes Guyanais mobilisés pour jouer les elfes interprètent, avec le renfort de leur camarade de l’ENSATT, le petit peuple d’Athènes qui donnera la tragédie de Pyrame le jour du mariage des deux couples aristocratiques (Hermia et Lysandre, Helena et Demetrius)⋅Certes, ils s’expriment alors en français mais le spectacle ne perd pas moins de sa magie⋅
Un grand tronc posé sur le plateau nu est le seul élément fixe du décor⋅ Quelques accessoires portant la marque de l’artisanat guyanais (le lit de Titania, la reine des elfes, en pandanus tressé, des tabourets, un mur de branchage pour la tragédie) et les fleurs qui recèlent les charmes d’Obéron complètent le dispositif.







Les vrais films d’horreur ne sont pas ceux qui mettent en scène des monstres imaginaires mais bien plutôt ceux qui montrent la réalité dans son implacable cruauté. Il y a certes une gradation dans le mal. On peut même se demander si le mal « radical » (Kant) existe. Un individu qui aurait choisi l’immoralité en toute liberté, qui se réjouirait d’infliger des souffrances abominables, incarnerait sans doute le mal absolu. Il est douteux cependant que l’on puisse trouver un tel individu. Si le héros négatif sadien correspond à ce schéma, il n’est en effet qu’un être de fiction, sorti de l’imagination quelque peu dérangée du « divin (?) marquis ». Tout porte à croire que les « sadiques » qui se rencontrent dans la réalité sont avant tout des malades : telle est sans nul doute la mère dans le film Chemin de croix de Dietrich Brüggemann. Quant à ceux qui ont penché du côté du mal du fait des circonstances, comme dans The Tribe de Myroslav Slaboshpytskiy, ils n’avaient en général pas d’autre choix : comment survivre en effet dans la jungle sans devenir une bête sauvage ?








Par Selim Lander – Lemi Ponifasio est l’un de ces metteurs en scène internationaux en vogue invités dans le monde entier. L’engouement des programmateurs des festivals les plus prestigieux pour certains hommes de théâtre sortis de nulle part et qui deviennent des vedettes que l’on s’arrache, est semblable à celui qui favorise certains plasticiens contemporains, chouchous de toutes les biennales, sans que leur supériorité apparaisse toujours évidente par rapport à leurs concurrents sur le marché de l’art. En l’occurrence, Lemi Ponifasio nous vient de Samoa, dans le Pacifique, accompagné d’une troupe de Maoris. Son travail, qui se situe « à la lisière du poétique et du mystique » selon le tract distribué aux spectateurs, est censé créer « les conditions d’un abandon, d’un état d’éveil ». Dans un entretien reproduit dans le dossier de presse, Ponifasio déclare que « le théâtre est l’endroit où écouter [notre] âme ». Participer à son spectacle, ce serait, selon lui, « une prière, un cri, une cérémonie pour célébrer une nouvelle vie… C’est être le silence, avec la vérité ». « La vérité » : rien de moins !

Le Sorelle Macaluso
— Par Selim Lander —