Au Théâtre Créole, deux blanches pour un noir

— Par Etienne Lallement —
tribunal_femmes_bafouees-4« Tribunal des femmes bafouées » de Tony Delsham – représentation du vendredi 11 mars 2016 au Théâtre de la ville de Fort-de-France; La Martinique. Compagnie Téatlari – Théâtre des cultures créoles.

Ici l’on crie, on hurle même, on enrage, on s’agite, on se fige, on se tait. L’émotion perle. Le rire éclate.
Ici, les femmes accusent. Maladroites. L’homme se défend. Piteux. Les arguments des unes et de l’autre se délitent. Le ciment de la haine ne résiste pas au ravinement de l’amour indélébile. Les rôles s’inversent. L’accusé devient accusateur. La faiblesse de tous se répand sur les planches. Aucune n’est tout à fait blanche. Lui n’est pas tout à fait noir. Ils sont humains. Voilà tout.
La victoire de l’amour est aigre-douce. Il n’est ni vainqueur, ni vaincu. La catharsis n’épargne personne, acteurs comme spectateurs. C’est cela l’antique vocation du théâtre. Chacun y voit plus clair, mais d’autre questions surgissent. L’homme est un éternel chasseur de nuages
En me remettant les billets, l’hôtesse du Théâtre de la ville de Fort-de-France me précisait que ce spectacle était « spectacle d’une troupe d’amateurs » et, de ce fait, n’apparaissait pas dans le programme « officiel » du théâtre.
Mais que reste-t-il « aux grands »?
Béatrice Sieurac, Eric Bonnegrace et Cristèle Calixte n’ont rien à envier. Pas de référence à de « grands cours parisiens ». Les références sont de l’école, de l’académie de la vie. L’école de la passion. Melpomène et Thalie génèrent et inspirent la foi plus que la référence. A n’en pas douter, il s’agit, ici, de foi. Celle qui conduit à la passion, déborde de la scène et inonde le parterre.
Que seraient trois talents sans texte, sans trame, sans histoire. Tony Delsham a pointé son œil sur le monde, sur son monde. Celui des Caraïbes, celui de La Martinique. Molière pousse ici un peu sa plume dans celle de Tony par le regard aimant, mais sans concession, qu’il porte sur ses contemporains créoles.
Sans complaisance, mais brillant d’humour. Rempli d’amour. « Castigat ridendo mores ».
La mise en scène, dans un décor dépouillé ou règne une psyché sans glace, est sans faille. José Alpha valorise, tour à tour, ses acteurs. Ils peuvent épanouir leur jeu jusqu’à l’extrême dans un respect mutuel équilibré.
Le théâtre créole doit déborder de son île.
Etienne Lallement

« Tribunal des femmes bafouées » de Tony Delsham – représentation du vendredi 11 mars 2016 au Théâtre de la ville de Fort-de-France; La Martinique. Compagnie Téatlari – Théâtre des cultures créoles.