Le serpent et la hache, chronique d’ETA avant l’adieu aux armes

file_ramuntxoENTRE LES LIGNES – Ils sont flics, avocats, journalistes, bandits, magistrats… Acteurs ou observateurs de l’actualité judiciaire, ils ont pris la plume. Stéphane Joahny, reporter au service société du JDD, leur donne la parole. Ce mois-ci : File, Ramuntxo, de Pierre Lodi, aux éditions Gatuzain.

« Nous luttons pour la liberté de ce pays et nous ne cesserons jamais de le faire… » Arnaldo Otegi, 57 ans, était attendu en héros ce samedi 5 mars dans un stade vélodrome de San Sébastian trop petit pour les 10 à 20.000 personnes venues lui rendre hommage. Après six ans et demi passés en détention et auréolé d’une image de pacificateur pour avoir été l’un des premiers à souhaiter l’arrêt de la violence, l’ancien dirigeant de Batasuna incarne plus que jamais le renouveau politique indépendantiste basque.

Condamné en 2003 à vingt ans de réclusion pour son appartenance à ETA, Lorentxa Guimon, 46 ans, originaire d’Anglet, vient elle aussi de recouvrer la liberté. Elle la doit à la mobilisation militante qui accompagne tout prisonnier basque détenu aussi bien en France qu’en Espagne – plusieurs centaines de personnes avaient fait le déplacement jusqu’à Rennes fin février pour appuyer sa demande de remise en liberté – mais surtout à son état de mauvaise santé (elle est atteint de la maladie de Crohn) jugée incompatible avec la détention…

Qui sont-ils ces Basques aux passeports espagnols ou français qui, de sept provinces accrochées de part et d’autre des Pyrénées, rêvent de construire un pays malgré le prix à payer : plus de 800 morts d’un côté, des années de prison par centaines de l’autre? Dans son roman File, Ramuntxo, Pierre Lodi (un pseudonyme synonyme de clin d’œil à l’écrivain Pierre Loti) ne prétend pas remonter le fil de plus de 50 ans de lutte. Non, il nous offre, en s’appuyant sur l’actualité mouvementée de l’époque, une plongée réaliste au long des années 2000 dans l’intimité des « abertzale » – terme dont la moins mauvaise traduction serait « patriotes » – etarras convaincus ou simples sympathisants, dans les pas d’un flic français infiltré dans la mouvance du « Petit Bayonne » et ceux d’une jeune recrue d’ETA de Bilbao juste avant l’adieu aux armes. Remake de la fusillade de Dammarie-les-Lys (Seine-et-Marne) de mars 2010 qui avait vu un brigadier de 52 ans tué par un commando d’ETA, le policier connaîtra une fin tragique. La jeune etarra au piercing n’échappera pas, comme des centaines d’autres, à la prison…

Connaître « la bête de l’intérieur »

« Un jour, ETA a frappé à ma porte ». C’est ainsi que Mikel Albisu, alias « Antza », l’un des chefs de l’appareil politique, avait décrit son entrée de l’organisation basque lors de son procès à Paris en 2010. Mais ETA frappe rarement au hasard…

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