Anne Sylvestre est morte

La chanteuse aux œuvres féministes est décédée lundi à l’âge de 86 ans, «des suites d’un AVC». La part enfantine de son œuvre a également beaucoup fait pour sa renommée.

«Y a-t-il une vie après la scène ? Je m’aperçois, après cinquante ans de chanson, qu’à part ma famille et mes amis proches, il n’y a qu’une seule chose qui m’intéresse, écrire et chanter. C’est mon bonheur, c’est ma vie», racontait-elle à Bertrand Dicale dans les pages du Figaro pour ses cinquante ans de carrière, en 2007.

La chanteuse Anne Sylvestre, aux œuvres féministes souvent restées dans l’ombre du succès de ses contes musicaux pour enfants, est décédée lundi à l’âge de 86 ans, «des suites d’un AVC», a indiqué mardi à l’AFP Sébastien d’Assigny, son attaché de presse historique.

Connue principalement pour ses Fabulettes pour enfants, qui lui valent d’avoir laissé son nom à des écoles, son répertoire est également riche de chansons plus engagées, comme Non, tu n’as pas de nom (1973), sur l’avortement, deux ans avant la loi Veil.

Non, non tu n’as pas de nom

Que savent-ils de mon ventre
Pensent-ils qu’on en dispose
Quand je suis tant d’autres choses

Non non tu n’as pas de nom…

Déjà tu me mobilises
Je sens que je m’amenuise
Et d’instinct je te résiste
Depuis si longtemps j’existe
Depuis si longtemps je t’aime
Mais je te veux sans problème
Aujourd’hui je te refuse
Qui sont-ils ceux qui m’accusent

Non non tu n’as pas de nom…

A supposer que tu vives
Tu n’es rien sans ta captive
Mais as-tu plus d’importance
Plus de poids qu’une semence
Oh ce n’est pas une fête
C’est plutôt une défaite
Mais c’est la mienne et j’estime
Qu’il y a bien deux victimes

Non non tu n’as pas de nom…

Ils en ont bien de la chance
Ceux qui croient que ça se pense
Ça se hurle ça se souffre
C’est la mort et c’est le gouffre
C’est la solitude blanche
C’est la chute l’avalanche
C’est le désert qui s’égrène
Larme à larme peine à peine

Non non tu n’as pas de nom…

Quiconque se mettra entre
Mon existence et mon ventre
N’aura que mépris ou haine
Me mettra au rang des chiennes
C’est une bataille lasse
Qui me laissera des traces
Mais de traces je suis faite
Et de coups et de défaites

Non non tu n’as pas de nom
Non tu n’as pas d’existence
Tu n’es que ce qu’on en pense
Non non tu n’as pas de nom

Pendant toute sa carrière, elle s’intéressa aux faits de société, et notamment à la condition des femmes, revendiquant le terme de chanteuse «féministe», qui fut parfois lourd à porter: «Je suppose que ça m’a freinée dans ma carrière parce que j’étais l’emmerdeuse de service, mais ma foi, si c’était le prix à payer…»

 

 

Elle avait une tournée prévue pour jouer son spectacle Nouveaux manèges, notamment quatre dates à la Cigale en janvier 2021.

Elle a aussi défendu la cause du mariage homosexuel dans Gay, marions-nous! en 2007.

Jamais tout en haut de l’affiche mais toujours bien présente dans le paysage musical français depuis la fin des années 1950, Anne Sylvestre, incarnait une chanson à texte, intelligente, faisant fi des modes, dans le sillage d’un Guy Béart ou d’un Georges Brassens.

Comme eux, Anne-Marie Beugras, née à Lyon le 20 juin 1934, a débuté dans un cabaret de la rive gauche à Paris. Sous le pseudonyme d’Anne Sylvestre, elle devint l’une des premières femmes à écrire et composer ses chansons, aux côtés de Nicole Louvier ou d’Hélène Martin.

De 7 à 77 ans

Lors de ses spectacles, qui rassemblait toutes les générations, Anne Sylvestre recueillait toujours un même succès. Sans faire de bruit, elle a poursuivi un riche et sympathique parcours artistique.

La part enfantine de son œuvre a beaucoup fait pour la renommée d’Anne Sylvestre, même si jamais elle ne les avait jamais chantées sur scène en 2007 : «Je n’en ai pas envie. Je n’en ai jamais eu envie. Je serais très timide devant les enfants. Ma carrière de chanteuse, ce n’est pas ça.»

Quant à ses chansons pour adultes, elle a partagé avec Georges Brassens une curieuse intemporalité : dès les premières chansons, à la Colombe, en 1957, dès le premier album, en 1961, l’écriture a atteint sa maturité, son style et sa technique sont comparables à ce qu’ils sont aujourd’hui. Elle confirmait en 2007 toujours : « Je pourrais écrire Mon mari est parti ou Lazare et Cécile aujourd’huiAu début, ça devait être instinctif et ensuite j’ai compris comment ça fonctionnait. J’espère ne pas trop redire. » Seul changement sensible pour elle : « C’est de plus en plus difficile. » Elle reconnaît que des idées lui tournent parfois dans la tête quelques années avant de devenir chansons.

 

Source : LeFigaro.fr avec AFP