«  An nou ay! » : considérations post-exotiques

— Par Christian Antourel & Ysa de Saint-Auret. —

Le parcours atypique et prestigieux de Laurent Valère est avant tout celui d’un artiste quasi inclassable qui développe tableau après tableau un univers mélangé d’humour et de gravité. Cette nouvelle exposition vient renforcer la place unique et définitive qu’il occupe dans la peinture contemporaine.

Déjà connu et reconnu pour ses précédentes sculptures monumentales, le mémorial du cap 110 au Diamant et les gigantesques Mamandlo installées sous la mer, à Saint Pierre entre autres, c’est avec jubilation qu’il revient à ses premières amours la peinture par laquelle il a abordé l’art. De sa peinture transparait sous des envolées lyriques, et sur un ton bon enfant , un univers apparemment festif. Mais l’homme et son sourire de dandy comblé qui insiste sur le visible de la convivialité, sur la bonne humeur régnante de la vie sociale aux Antilles a un message à transmettre. Laurent Valère est nostalgique d’une beauté parlante qu’il semble ne plus trouver dans un art conceptuel omniprésent et s’attache à créer des espaces de respiration pour la réhabiliter. L’esthétique qu’il recherche n’est ni flatteuse, ni gratuite, ou superficielle, à la fois saisissante, déstabilisante, mais pourvue de fioritures ou d’éléments anecdotiques. Elle fait sens, tout en étant la condition sine qua none pour capter l’attention du spectateur « On aperçoit dans l’œuvre des objets volants des plateaux, des verres, des bouteilles de rhum, le visage de la « tête Maré » de Rivière Pilote, et bien d’autres personnages de la cérémonie du punch »

L’artiste nous place dans le temps dans l’Histoire des Antilles.

Toute une ambiance entrainante dans la vie et dans la joie dans des couleurs fortes, en acrylique et en résine. »Parlons en de ces couleurs, fortes, éclatantes, seules et nues, pas ou peu mélangées sur la palette qui brillent dans la masse avec un éclat qui ne saurait être justifié par le simple fait que leur musique est formidable. Et posons-nous la question à essayer de suivre comment ces formats peints détaillés s’entremêlent , se bousculent, s’enchainent violemment. On ne saurait dire si c’est la technologie d’un séquenceur qui rend l’amoncellement, la fragmentation et les embranchements si aisés, ou l’art qui crie ses désirs de densité extrême. Et surtout à la manière des Fauves , ou de Fernand Léger( femme au vase vert) toutes figures cernées d’un trait sombre. Le spectateur peut ainsi découvrir l’œuvre en deux temps comme le laisse à penser l’artiste dont l’idée respire que l’œuvre ne doit pas frapper par son esthétique mais par l’émotion qu’elle suscite. C’est par ce lien ainsi créé que l’on a envie dans un second temps de creuser le concept « An nou ay ! » allons-y, voir …et jusqu’au non-dit. L’artiste nous place dans le temps, dans l’Histoire des Antilles, dans l’espace humain et nous plonge dans la géographie de ses réflexions sur le sens et l’essence de la vie. Art et philosophie y sont intimement liés. Une approche singulière qui mêle étrangement un épicurisme de bon aloi à des sujets plus graves. Ainsi va la portée culturelle de ces coutumes d’antan chargées d’Histoire. Un élan porteur que cet « An nou ay ! » lancé comme un cri de guerre, qui incite le spectateur comme le peuple auquel il s’adresse à se lever d’un seul mouvement. C’est bien cela, derrière l’aspect onirique et poétique de ses œuvres on trouve l’image de la peinture comme art martial… mais également d’une forme de mémoire parfaite. Aimons l’idée de cette réflexion liée à la recherche d’une beauté identitaire autant qu’efficace.

En pratique :
A la Galerie Le Vin l’Art et Vous
Rond-point de Canal Cocotte à Ducos
Du 7 au 29 septembre
Contact : 0696 40 72 11.

Christian Antourel & Ysa de Saint-Auret.