Akzak, l’impatience d’une jeunesse reliée

Samedi 17 Octobre – 20h Salle Aimé Césaire

Ce ballet choral ouvre une saison résolument tournée vers l’Afrique. Akzak réunit douze jeunes danseurs formés dans leurs pays respectifs – Tunisie, Burkina Faso, France, Maroc – par les pionniers de la danse contemporaine africaine. Après de nombreuses années de relations artistiques dans ces pays, Héla Fattoumi et Eric Lamoureux décident de créer un ballet avec cette jeunesse passionnée de danse. Le groove traduit parfaitement la vitalité de la jeunesse et son impatience à ouvrir un nouvel horizon de fraternité et d’universalité. Une grande fête joyeuse présentée pour la première fois en Île-de-France et qui depuis voyage.

Cette création s’intéresse aux énergies qui se lient, s’amplifient et convergent vers une puissance collective. Inspiré du terme turc aksak, qui signifie « boiteux» et désigne les principaux rythmes irréguliers rencontrés dans les Balkans, ce spectacle est pensé comme un retour à l’essentiel. C’est une danse des contrastes, entre ondulation et rupture. Un pont subtil entre plusieurs cultures où la musique impulse bel et bien le mouvement.

 

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AKZAK, la patience d’une jeunesse récompensée

Quel bon cru que Les Zébrures d’Automne 2020, le festival des Francophonies de Limoges ! Après la création de Congo Jazz Band, Héla Fattoumi et Eric Lamoureux, les chorégraphes qui dirigent VIADANSE, le CCN de Belfort Bourgogne-Franche-Comté ont pu créer enfin, en première mondiale, AKZAK. L’impatience d’une jeunesse reliée.

Le 15 mars dernier à Belfort, Héla Fattoumi et Eric Lamoureux, finalisent leur dernière création. Pressés par les mesures sanitaires et le confinement qui s’annonce, ils accélèrent les répétitions pour filmer AKZAK. Ils savent qu’ils vont devoir faire une croix sur la grande tournée internationale qui était prévue. Le spectacle est stoppé net. Certains danseurs ne peuvent pas rentrer chez eux, c’est le cas des marocains qui restent en Franche-Comté et qui ne sont pas retournés au Maroc depuis le mois de janvier. Autant dire que la création mondiale à Limoges a été une délivrance pour les deux chorégraphes, la joie était palpable sur le plateau.

AKZAK est le fruit d’un travail qui réunit douze danseurs venus du Burkina Fasso, d’Egypte, du Maroc, de Tunisie et de France. Un dialogue Nord/Sud tissé au fil des années, et des rencontres d’Héla Fattoumi et Eric Lamoureux avec d’autres structures en Afrique. AKZAK, est un terme qui désigne les rythmes irréguliers qui combinent le binaire et le ternaire dans la musique des Balkans. La musique du percussionniste Xavier Desandre Navarre est au cœur du spectacle, il donne les impulsions au groupe, parfois avec trois fois rien, juste le froissement d’un sac en plastique, dont le son est démultiplié par une boucle. La danse percussive, syncopée, faite de frottements, de pas frappés compose de belles images sur le sol constellé de petites billes en plastique. Des arabesques se dessinent sur le plateau.

Chacun des douze danseurs vient se présenter un début du spectacle. Ils s’appellent successivement, et chacun esquisse quelques pas, une sorte de signature corporelle de chaque personnalité. Puis le groupe prend corps, relié par des bâtons de témoin, de ceux que se passent les coureurs lors des relais en athlétisme. L’objet, composante essentielle des chorégraphies d’Héla Fattoumi et Eric Lamoureux avec le corps et la musique, est présent dans ce nouveau spectacle, comme ces projecteurs stroboscopiques rectangulaires et plats en LED, manipulés avec magie par les danseurs, créant des figures géographiques dans la nuit, sorte d’appels au secours, de ceux que peuvent lancer les migrants sur leurs bateaux avec leurs téléphones portables.

Ces images riches et furtives ne sont pas intrusives, chacun peut y voir les références qu’il souhaite, mais elles soulignent aussi la portée politique du spectacle, comme lorsqu’un danseur courbé sur le sol trace une frontière avec l’une des lampes, vite effacée par le reste du groupe. Le final sent la joie de vivre, le groupe forme une farandole, tous reliés avec les bâtons de témoin. Xavier Desandre Navarre rejoint les danseurs, cela s’étire un peu en longueur, mais on leur pardonne tant ils avaient envie de se retrouver enfin face au public.

Stéphane CAPRON – www.sceneweb.fr