Aimé Césaire, le porteur de clarté

— Par Max Pierre-Fanfan —

Aimé Césaire (26 juin 1913-17 avril 2008) nous laisse en héritage une parcelle d’humanité. Ce porteur de clarté a transformé le destin des peuples noirs en conscience et érigé en conquête ce qui avait été subi, en l’occurrence, l’esclavage et la colonisation…Poète et homme politique, « sa bouche fut la bouche des malheurs qui n’ont point de bouche et sa voix, la liberté de celles qui s’affaissent au cachot du désespoir ». Sa parole n’a jamais été autant d’actualité. Elle s’adresse derechef à des milliers d’hommes et de femmes à qui, on a inculqué et on continue d’inculquer savamment la peur, le complexe d’infériorité, le tremblement, l’agenouillement, le désespoir, le « larbinisme »…

La négritude n’a jamais été à ses yeux « une prétentieuse conception de l’univers, ni une philosophie encore moins une métaphysique ». C’était, selon lui, « une manière de vivre l’histoire dans l’histoire; l’histoire d’une communauté dont l’expérience apparaît à vrai dire singulière, avec ses déportations de populations, ses transferts d’hommes d’un continent à l’autre, les souvenirs de croyances lointaines, ses débris de cultures assassinées ». Sa négritude fut aussi une forme de révolte contre le système mondial de la culture tel qu’il s’était constitué pendant les derniers siècles et qui se caractérise, encore, par un certain nombre de préjugés et de pré-supposés, et, qui aboutissent à une très stricte hiérarchie. Autrement dit, la négritude a été une révolte contre le réductionnisme européen.

Devenir des lucioles

Lors du festival des arts nègres à Dakar en 1966, Césaire reconnaissait que « si la négritude a eu un mérite, c’est que précisément dans les temps de l’abomination et de la nuit, les poètes de la négritude ont été quand même, malgré leurs défauts, des porteurs de clarté ».
Tiré du colloque organisé en Martinique du 24 au 28 juin 2013 par le Centre Césairien d’Études et de Recherches (CCER) pour le centenaire de la naissance du poète, l’ouvrage: « Aimé Césaire œuvres et héritage » met en exergue le double engagement de l’homme, littéraire et politique, qui nous rappelle sans cesse que notre engagement n’a de sens que s’il s’agit d’un ré-enracinement certes, mais aussi d’un épanouissement, d’un dépassement et de la conquête d’une nouvelle et plus large fraternité. En effet, dans la brèche ouverte entre le passé et le futur. Nous devons devenir des lucioles. Reformer une communauté de désirs, une communauté de lueurs émises, de pensées à transmettre. Nous devons dire oui dans la nuit traversée de lueurs et ne pas se contenter de décrire le non de la lumière qui nous aveugle.

 

Max Pierre-Fanfan
Journaliste/Réalisateur
Écrivain
Représentant du Centre Césairien d’Études et de Recherches dans l’Hexagone

 

Ouvrage
Aimé Césaire
Œuvres et héritage
Éditions Jean-Michel Place
586 pages, 25 euros