À Maurice Orel

— Par Patrick Mathelié-Guinlet —

Maurice, mon ami, mon frère de lettres et de l’être, ta gentillesse, ta douceur, ta finesse, ta délicatesse, ta discrétion, ton érudition, ta modestie, ta disponibilité, ton amour pour les animaux comme pour les humains, toujours prêt à aider ceux qui en ont besoin et à rendre service juste pour le plaisir et la beauté du geste, comme tout cela va me manquer désormais !

2020, décidément quelle année horrible !

Je commence à ressentir l’incurable solitude de celui qui reste alors que sur 5 complices, 3 sont déjà partis trop tôt comme une main amputée de 3 doigts : Georges de Vassoigne, Alain Caprice, Maurice Orel, vous mes mousquetaires de la poésie, mes mentors de la langue créole, ma génération décimée…

Au-delà de la tristesse m’assaille cette curieuse et soudaine sensation d’être devenu vieux, un de ces sursitaires que la Parque a dorénavant dans le collimateur de ses ciseaux létaux, au bord de cet atroce entonnoir des visions d’Arthur Rimbaud comme une étoile aspirée peu à peu par l’irrésistible gravité d’un trou noir…

Nous avons partagé nos délires, nos visions et nos rêves et les vôtres ont nourri mon écriture et l’ont souvent inspirée. Vos mots ont “mot-mifié” vos âmes imputrescibles, ils sont votre survie éternelle à l’instar de tous ces souvenirs de vous que je garde précieusement au plus profond de mon cœur car les poètes ne peuvent jamais tout à fait mourir, ils sont des anges venus apporter leurs messages de vérité, d’amour et de paix avant d’à nouveau sans bruit prendre leur envol…

Ce soir pour vous sur cette feuille blanche mes larmes sont d’encre noire car “mon luth constellé porte le soleil noir de la mélancolie”*…

* Gérard de Nerval (El desdichado)

Patrick MATHELIÉ-GUINLET