Tourisme : Pérégrination sur l’île sœur.

La cascade aux écrevisses

La cascade aux écrevisses

Par Michel Herland.

Les responsables du tourisme martiniquais sont eux-mêmes de merveilleux touristes qui se déplacent fréquemment en dehors de notre île pour observer ce qui se réalise ailleurs et pour vendre la destination Martinique aux gens d’ailleurs. Mais ces responsables ont-ils vraiment des yeux pour voir ? Si la réponse est positive – ce qu’on leur souhaite quand même – comment font-ils pour ne pas voir que leur produit n’est – en l’état – tout simplement pas vendable à des touristes habitués, comme ils le sont eux-mêmes, à des destinations autrement attrayantes.

Le moins qu’on puisse faire en faveur des touristes qui nous rendent visite, c’est leur donner l’impression qu’on s’est donné du mal pour les accueillir. Prenons par exemple le tourisme de croisière, puisqu’il est (à nouveau) question de le relancer  en Martinique. D’emblée l’accostage au quai des Tourelles, sorte de no-man’s-land à l’allure vaguement industrielle, ne peut que doucher les enthousiasmes les mieux trempés. Et s’il existe un autre terminal à la Pointe Simon, nettement mieux placé pour qui voudrait découvrir Fort-de-France, celui-ci, bizarrement, ne reçoit qu’une minorité de paquebots.

Une fois à terre, la question qui se pose immédiatement est : que faire ? La visite de la « ville-capitale » manquant quelque peu d’agréments (en dépit de ces efforts récents que constituent le « Malecon » et la « Tour de Dubaï »), il serait judicieux de pouvoir proposer aux croisiéristes des visites adaptées à leurs besoins comme à leurs aptitudes. Le croisiériste veut voir de belles choses ou de beaux sites, sans prendre de risque ni se fatiguer (vu son âge souvent avancé) et sans se salir (il ne voyage pas ordinairement en tenue de safari). Quels endroits, en Martinique, répondent à un tel cahier des charges ? En dehors de l’Habitation Clément et du Jardin Balata, on n’en voit guère. Encore s’agit-il d’initiatives privées. À quoi sert donc tout l’argent public destiné au tourisme martiniquais (en dehors de payer des frais de mission aux responsables du tourisme, évidemment) ? Comme d’habitude on met la charrue avant les bœufs : on prétend attirer de nouveaux touristes alors qu’on n’est même pas capable d’accueillir dignement ceux qui viennent déjà.

Le chemin d'accès

Le chemin d’accès

Pour savoir quoi faire, il n’est pas nécessaire de parcourir la planète. On trouve tous les modèles qu’il faut dans notre voisinage immédiat. Dans un article précédent nous évoquions Porto-Rico. Encore plus parlant, parce que bien plus proche de notre propre cas, l’exemple de la Guadeloupe. Un week-end sur l’île sœur suffit pour observer ce qui y a été réalisé. Le cœur le plus sauvage de l’île est Parc National depuis 1989. Les équipements existants – dont certains récents – sont impressionnants. A titre d’exemple on peut citer le lieu dit de « la Cascade aux Écrevisses », prototype d’un site en pleine nature conçu pour être facilement accessible à tous : on y parvient depuis la route  par un chemin dallé qui évite de revenir de l’excursion avec des souliers boueux, et, arrivé sur place, un observatoire permet d’admirer la cascade en toute sécurité… ce qui n’empêche évidemment pas les visiteurs qui le souhaitent de s’approcher et de se baigner.

À partir de la même route transversale, on accède tout aussi facilement à un sentier d’interprétation de la forêt humide, après avoir franchi une élégante passerelle en bois. Tout ceci situé à proximité immédiate de la « Maison de la Forêt », dans laquelle des employés du Parc sont censés accueillir les visiteurs et les guider. Laisser-aller franchouillard ? Bien que la dite Maison s’affiche ouverte le dimanche jusqu’à 13 heures, elle était à 11 heures bel et bien fermée, sans le moindre guide à l’horizon. Si tout n’est donc pas parfait en Guadeloupe, il faut retenir que l’île possède des équipements publics dont l’absence chez nous se fait cruellement sentir… si nous avons vraiment l’intention de faire revenir les croisiéristes en nombre.

Le plateforme d'observation

Le plateforme d’observation

Mais il n’y a pas que la clientèle des paquebots. La Martinique a une carte à jouer auprès des touristes plus sportifs, adeptes des randonnées en montagne. Nul n’ignore l’état désastreux des sentiers existants, le personnel chargé de leur entretien ayant visiblement mieux à faire que de s’échiner dans la forêt (mais à quelle occupation se livre-t-il alors, voilà qui intéresserait les contribuables que nous sommes !). Il n’en va pas de même en Guadeloupe : les « traces » sont entretenues et, en outre, un constat précis de leur état (et si nécessaire de celui des routes d’accès), fréquemment mis à jour et publié sur internet, permet aux randonneurs de choisir leur itinéraire en toute connaissance de cause : à côté du niveau de difficulté général du sentier sont indiqués les incidents éventuels comme  les éboulements qui rendent tel ou tel passage infranchissable ou périlleux.

Certes la Martinique n’a pas, contrairement à la Guadeloupe, son Parc National. S’il est exact que ce dernier apporte des moyens supplémentaires, on est en droit de demander aux élus martiniquais pourquoi ils ne se sont pas mobilisés pour obtenir la création d’un tel Parc chez nous. Cependant, l’état calamiteux de nos infrastructures touristiques relève-t-il vraiment d’une insuffisance des moyens financiers ? Il est permis d’en douter quand on voit le gaspillage de ceux dont on dispose déjà : les campagnes de promotion orientées vers des cibles totalement improbables, les bureaux de représentation qui tournent à vide, etc.

Le tourisme n’est pas une panacée. La Martinique trop encombrée, trop « mitée » n’a d’ailleurs pas que des atouts en la matière. Cependant le tourisme reste l’une des très rares chances que possède notre île pour développer une activité exportatrice. Il est irresponsable de la part de nos… responsables de ne pas la saisir.

Michel Herland.

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