Sur la question de l’indépendance : d’une polémique prévisible à un débat nécessaire…


— Par Philippe Pierre-Charles pour le G.R.S. —
« Je fus indépendantiste ». Le journaliste interrogeant Garcin Malsa a tout de suite compris qu’il tenait là sa « petite phrase » aux allures de scoop. Il demanda et obtint sa répétition. Et voilà les réseaux sociaux qui s’enflamment et voici le PKLS qui, fort sourcilleux sur les symboles et le vocabulaire, lance un communiqué sur  » la clarté en politique », sur  » la sincérité  » dans les rapports entre organisations « , sur la cohérence dans le combat émancipateur.
Nous, qui sommes généralement plus attentifs au mouvement réel des larges masses et à la façon dont les révolutionnaires s’y insèrent (…ou pas ! ) qu’aux empoignades légitimes sur telle ou telle petite phrase de tel ou tel responsable politique, nous nous disons, en reprenant un vieux dicton français, qu’à quelque chose malheur peut être bon. La légère inflexion du dicton ( » peut être bon  » au lieu de « est bon ») traduit bien sûr un certain doute chez nous. En réalité si la polémique tourne en boucle sur les mots, nous n’aurons pas grand chose de nouveau sous le soleil martiniquais. Mais la petite phrase peut aussi être l’occasion d’un débat sincère sur  » le lieu de la bévue  » qui l’a vu naître pour parler comme le fameux philosophe marxiste, feu Althusser.
Ce lieu, c’est bien entendu les particularités de la question nationale chez nous et les inflexions portées à ces particularités : les temps actuels de mondialisation capitaliste.
Nous ne souhaitons pas offenser mais si l’essentiel résidait dans les mots, on n’aurait aucun besoin de confesser le MIM qui porte l’indépendance au cœur de son sigle et dont le premier secrétaire répète à l’envie –  à l’inverse de Garcin-  » je suis indépendantiste et je le resterai « , ce qui ne l’a pas empêché de convoler en justes noces politiques avec le politicien chef d’entreprise très pro-français que l’on sait au nom de ….la  » gestion « . ( JC Duverger qui de son propre aveu n’a jamais compris ce qu’on appelle  » gestion loyale des affaires du capitalisme  » a sous les yeux un modèle de gestion loyale des affaires du colonialisme qui devrait inquiéter bien plus que la curieuse dérive de Malsa.
Que faire face à la difficulté de faire avancer DANS LES MASSES la lutte de libération nationale martiniquaise ? Tel est le vrai débat. Garcin Malsa et la majorité de Nou pep la avaient déjà donné une non réponse à cette question en refusant de mettre l’anticolonialisme ( pour ne même pas parler de l’anticapitalisme) dans la plateforme et dans la propagande du mouvement citoyen.
Cette façon, au nom de la  » pédagogie « , de la nécessité de  » ne pas heurter  » avec un  » vieux  » vocabulaire constitue une habileté qui ne résout pas la vraie question : quels biais ?… quelles médiations ?…quels relais ?…quels leviers ?…quels ponts ?…placer entre le combat quotidien des masses et leur émancipation. Ces médiations ne sont pas des ruses qu’il faudrait trouver pour abuser les masses et les conduire malgré elles à un but qu’elles ne cherchent ou ne chercheraient pas. Non ! Ce sont des éléments de transition, des revendications transitoires, des propositions concrètes susceptibles de les mettre réellement en mouvement pour la solution concrète des problèmes concrets qui nous assaillent. Ces trouvailles, ces armes miraculeuses, cette pierre philosophale ne sortiront pas du cerveau surdoué d’un parti sur-révolutionnaire. Non ces pépites du combat émancipateur se trouveront dans le combat quotidien, dans la recherche collective, avec la dose de tâtonnements qu’implique toute lutte qui agrège non pas quelques dizaines de militant.e.s hyper-politise.é.s ( et  encore ! ) mais bien des dizaines de milliers de travailleurs/ses du rang, de chômeurs/ses, de petit-e-s paysans/ nes etc. C’est dans cette lutte que l’on apercevra dans un relatif clair obscur ces pépites. Même celles et ceux qui ont l’avantage (revendiqué et conscient) de baigner dans tout le patrimoine politique, idéologique et théorique du mouvement ouvrier de ce pays et du monde ont besoin de chercher avec les autres, dans un débat exigeant et bienveillant, au sein d’une activité des masses qui dépassera toujours ce que chacun peut faire tout seul de son côté.
Le débat politique de ce pays à besoin d’air, d’aborder les vrais problèmes du quotidien et parmi ceux-ci il y a, contrairement à ce que croit une pensée superficielle, la question institutionnelle, beaucoup plus responsable de nos paralysies actuelles que les circonvolutions psychologico-politiques d’Alfred Marie-Jeanne, quelque soit le respect qu’on lui porte.
Chacun le comprendra donc : polémiquer avec Malsa est une chose- et il est clair qu’il l’a cherché-. Débattre de notre avenir à travers, entre autres choses, un débat public autour de l’exigence d’une assemblée constituante et nous voulons celle-ci étroitement liée aux problèmes de la population (emploi, santé, environnement, égalité sociale, recolonisation de peuplement, démocratie…) et correspondant à notre situation, plus qu’à un modèle théorique pris dans l’histoire de la révolution française ou dans les premiers temps de Chavez, voilà qui serait bien plus utile.
Pas plus que d’autres, nous ne disposons de la voie royale breveté je ne sais plus où. Mais nous sommes convaincus d’avoir besoin de dépasser les cercles étroits des conciliabules entre initié.e.s, même par réseaux sociaux interposés. Nous avons besoin d’une assemblée du peuple, d’une convention des organisations populaires, d’un grand forum social et citoyen, bref une rencontre approfondie sous le nom que l’on voudra, sans exclusives vis à vis d’aucune force populaire mais totalement indépendant du pouvoir colonial, des forces du capital et alliés, des institutions électives ou pas du système en place.
Reste à savoir qui partage une telle ambition.

Philippe Pierre-Charles
Pour le Groupe Révolution Socialiste (G.R.S).