Le G.E.M. pour apprivoiser sa « folie » et renaître à soi-même

Journées portes ouvertes  : Jeudi 25 et Vendredi 26 Juin 10h – 17h Samedi 27 Juin 9h – 14h

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Tableaux réalisés par des usagers du GEM

« Sans la reconnaissance de la valeur humaine de la folie, c’est l’homme qui disparaît » François Tosquelles

A petits coups de pinceaux il peaufine son cheval fou dont désormais il est si fier… l’espace qu’il n’aurait jamais imaginé un jour s’approprier, une toile de plus d’un mètre de large et presqu’autant de haut. Quand il est arrivé au GEM N ne parlait pas, jamais, souvent il acquiesçait en baissant la tête. Il avait perdu sa mère sur ce parcours de vie chaotique qui l’avait conduit à se recroqueviller sur lui-même, condamné à vivre entre ces murs de solitude que construit la folie, non la sienne, mais celle des autres, tous les autres là dehors. Un visage très doux, souriant, mais toujours son âme prisonnière derrière ce regard qui fuyait le regard de l’autre jamais compassionnel, jamais accueillant, qui jamais ne cherchait à savoir qui vraiment il est…

« Il est plus facile de désintégrer un atome qu’un préjugé » Albert Einstein

Un jour, je ne sais plus comment, N a atterri au GEM. Chaque jour son frère l’y déposait avant de se rendre à son travail et N attendait patiemment sous la véranda le premier, la première qui lui ouvrirait la porte… sur l’ici où nul ne juge, où nul regard de travers ne le mettra mal à l’aise, ne le forcera à fuir pour se réfugier tout au fond de lui-même comme un animal blessé qui attend, qui espère, puis n’espère plus… une main tendue, un mot de réconfort. Et au fil du temps, comme la chrysalide qui sommeille, immobile, N s’est mis à bouger, à oser rencontrer le regard de l’autre, de celui ou celle qui lui ressemble, avec qui les mots ne sont pas bien utiles, qu’il comprend à demi-regards, à demi-sourires…

Et comme un jour chaque chrysalide finit toujours par s’ouvrir à la lumière pour laisser échapper le papillon…

Un jour, lui tendant une feuille de papier blanc, M lui suggère d’y poser ce qu’il veut, avec un crayon… je n’ai jamais dessiné, je ne sais pas… peut-être mais tu sais tenir un crayon, qu’il te guide. Et N a dessiné sur une feuille, puis deux puis trois et de regarder toutes ces feuilles remplies, et joliment remplies, il a compris ce que dessiner voulait dire. Comme d’autres affrontent une feuille blanche avec une plume pour y coucher des mots, lui couchait des formes, des courbes et des couleurs. Jusqu’au jour où N a osé voir plus grand, une feuille le limitait trop, alors il s’est lancé sur la toile toute blanche, angoissante, pour s’y réfugier, l’apprivoiser, s’y perdre d’une certaine façon… courbes et traits prenaient forme sous ses doigts… peut-être un cheval… jour après jour N donnait vie à la toile qu’un cheval fou traversait au galop et puis juste derrière un second lui aussi ventre à terre au milieu de nulle part, juste deux chevaux fous, ivres de liberté… N avait réalisé sa première toile sur fond bleu, il l’a nommée Gambadage. Il en était vraiment très fier, lui qui n’avait jamais su dessiner, encore moins peindre, il avait posé là, sur cette toile, son cri de liberté. Depuis N n’a jamais cessé de peindre. Avec cette confiance retrouvée en lui-même N s’est mis à prononcer quelques bribes, quelques mots, puis un jour de fête, alors que des amis du GEM étaient là, des musiciens, N s’est emparé du micro pour chanter devant un public, ceux du GEM et tous leurs amis.

Au fil du temps N a tellement repris confiance qu’il a appris à se rendre seul au GEM, lui qui habite si loin, dans cette campagne d’une commune rurale. Là encore vaincre sa peur de l’autre, s’assoir à ses côtés dans un taxi collectif, se débrouiller seul pour attraper le bus une fois arrivé à Fort-de-France. Aujourd’hui N reste discret, c’est sa nature, mais il a appris à dire non quand c’est non, il s’est mis debout face à lui-même pour se découvrir, lui N avec la grande famille, tous les autres, accompagnateurs, amis du GEM, tous ces bénévoles qui ont su briser les barrières du silence pour pénétrer leur univers, ce que les autres, tous les autres, là dehors, appellent folie… des N, au GEM il y en a eu bien d’autres, des dizaines. Ce n’est pas toujours simple, parfois les idées noires guettent, les écueils sont nombreux, mais quand on lève les yeux il y a toujours les autres qui font qu’on ne se sent jamais seul, que tout redevient possible. Les murs de la solitude brisés, on avance ensemble, un tombe, les autres l’aident à se relever, pour continuer. C’est cela le GEM, avancer ensemble, ouvrir les possibles en chacun de celles et de ceux malmenés par la vie, qui ont osé pousser la porte d’une vie autre, celle où n’est plus ni un « malade », ni un numéro de dossier, mais où on essaie de recoller les pièces du puzzle, les morceaux brisés d’un moi un jour explosé, pour se retrouver soi.

Bien que les portes du GEM soient toujours grandes ouvertes, peu osent les franchir, la folie ça fait peur, mais celles et ceux qui ont osé un jour n’oublient jamais l’univers qu’ils ont découvert, tout ce que ceux du GEM leur ont apporté et à quel point grâce à eux ils ont grandi. Ils reviennent toujours, certains quotidiennement, car venir au GEM c’est une invitation à voyager aux sources de soi-même, aux sources de l’authenticité.

Ceux du GEM vous convient à un petit bout de ce voyage avec eux lors des Journées Portes Ouvertes du 25 au 27 Juin. Vous visiterez leur galerie d’art éphémère, vous pourrez repartir avec une des œuvres mises en vente, ou tout simplement échanger avec eux, les encourager car l’empathie et les mots sauvent. Vous avez également la possibilité de soutenir le GEM en commandant des compositions florales réalisées par l’atelier d’art floral, le produit de ces ventes permettant d’aider à financer les sorties vacances des usagers au mois d’août.

Le GEM (Groupe d’Entraide Mutuelle) est une structure d’accompagnement social accueillant de jour les usagers de la psychiatrie. A travers des ateliers et des activités proposées, mais nullement imposées, l’objectif est de rompre l’isolement et d’accompagner les usagers dans une démarche d’autonomie la plus large possible. C’est une porte ouverte, un espace de liberté où l’on vient et d’où l’on repart à sa guise, où chaque jour le déjeuner préparé ensemble est pris collectivement. Ce sont aussi des activités de loisirs intra muros, une partie de ping-pong, d’échecs, de dominos, du slam, tout ce qui crée du lien social. C’est aussi le droit au non-faire, se poser, écouter de la musique… Ce sont enfin des sorties découverte organisées chaque semaine, la mer, la rivière, un site patrimonial, une randonnée, un parcours santé, assister à une étape du Tour des Yoles, des balades sur les îlets….

Le GEM est cadré par une Circulaire d’Août 2005, dans la foulée de la Loi de Février 2005 qui pour la première fois reconnaît le handicap psychique, un handicap davantage généré par le regard des autres que par les incapacités liées aux troubles qui peuvent néanmoins être réelles. C’est la reconnaissance de ce que les personnes souffrant de troubles psychiques ont besoin d’un accompagnement social, accompagnement qui s’inscrit dans un parcours de réhabilitation sociale. Le GEM représente 50% de chances de réhabilitation pour un usager de la psychiatrie là où le soin (traitements médicamenteux) ne représente que 20%, et les psychothérapies adaptées 30%.

Les partenaires du GEM sont notamment l’Etat via l’Agence Régionale de Santé, le Conseil Général et le Conseil Régional, les municipalités.

Un second GEM ouvrira ses portes le 1er Juillet à Trinité pour accueillir les usagers du Nord Atlantique, de Grand Rivière au Robert, y compris Ajoupa Bouillon et le Gros Morne.

Ces structures ont été créées par l’Association Equinoxe, réseau d’entraide des familles d’usagers de la psychiatrie.

Pour tout renseignement GEM 0696 360 860 / 0696 863 854 / 0596 54 65 02

Association Equinoxe 0696 23 52 49

Yolène de Vassoigne, présidente de l’association Equinoxe

N° 42 Avenue Frantz Fanon à Bellevue, Fort-de-France
Jeudi 25 et Vendredi 26 Juin 10h – 17h Samedi 27 Juin 9h – 14h