Kanel BROSI – sculptures Dans la forêt des ombres – & Nicole DÉCOTÉ – peintures Chemins de lumières –

kanel_brosi_sculptures du samedi 6 au samedi 27 mars 2010

à la Galerie La Véranda de l’ATRIUM

Parlez-vous le « Kanel » ? Des « bâtons » baroques (bois sauvés des plages et des mangroves) s’allient à des « totems » longilignes (troncs évadés des forêts), pour se grouper en « armée » … Une armée pacifique – et de haute taille !
Un soigneux toilettage des « trophées » patiemment récoltés a d’abord régénéré ces déchets maculés. Puis des mains Jivaro ont modelé l’argile autour de ce bois stimulant, déclencheur de formes. Une tête et un corps ont redonné vie à ces résidus abandonnés, qui retrouvent ainsi une identité.
Identité multiple ! Fascinée par la diversité des cultures du monde, Kanel leur rend hommage, avec des visages qui disent l’Afrique, les Antilles ou l’Asie, qui nous parlent de Xian et ses guerriers éternels, de la Grèce et ses sages …
Mais des couleurs contradictoires, au-delà de tout réalisme, proclament une symbolique du métissage, et s’autorisent des glissades fantaisistes.
Armée pacifique, disions-nous, qui exalte la grande famille humaine, matérialise le vivre-ensemble et la tolérance.

Jacques PERRET (février 2010)

Kanel BROSI Trajectoire


Kanel BROSI est née à Fort-de-France. Son imagerie personnelle se construit d’abord du bestiaire nocturne si vivace encore aux Antilles, où toutes les formes, même les plus délirées, ont leur place et leur normalité.

Puis la Grèce est, douze ans durant, son « pays choisi ». Elle y est « percutée » par une langue et une culture, une humanité, et un héritage de formes qui métissent sa trame tropicale. Elle s’enchante des villages cycladiques, dont l’enchevêtrement du bâti, corrigé par l’harmonie blanche et bleue des murs, sculpte une poésie rare. Se surprend à envier les sculpteurs exploitant les bois et le marbre. S’émerveille devant les statues trimillénaires des Cyclades, dont l’épure rejoint la modernité d’un Brancusi ou d’un Giacometti. Et découvre, au hasard des églises, la paix des icônes orthodoxes, si fortement codifiées et étrangement impassibles.

De retour au pays, la richesse formelle des bois locaux l’éblouit. Troncs de son enfance qui deviennent totems à dresser. Et « bâtons » – sculptures immédiates qu’elle « lit », trouvailles qui vous racontent une histoire. Avec le désir d’y ajouter quelque chose.

Du presque rien au quelque chose
Au commencement est le plaisir du jeu – celui de chiner dans les poubelles de la mer, dans les cimetières d’arbres. Quête du bâton qui entre en résonance. Joie, aussi, d’arracher à la boue des marigots des lambeaux des géants morts. Eux qui ont vu passer l’Histoire, trouvent par collecte et métamorphose une seconde vie, échappent à l’enfouissement ou à la dispersion.

S’ensuit l’excitation d’une recherche. Corps à cœur avec un simple bout de bois, sans autre ébauche que de le regarder, de savoir y saisir des promesses de forme et de matière. Bois soigneusement sélectionné pour ses accidents, ses anomalies. Et qui se fait alors déclencheur de formes.

Le hasard apprivoisé
Simples rebuts aux yeux du plus grand nombre, ces reliques torturées et maculées sont longuement récurées, voire retaillées, pour y débusquer un motif. Le regard, affûté, y a capté un mouvement naturel ; la main viendra façonner l’argile autour de ce bois stimulant, donnant naissance à un personnage.

Chaque sculpture est bien évidemment unique, puisque, quelque part, le bois commande : sa forme, sa densité, sa texture et sa couleur suggèrent des images, des propositions chaque fois nouvelles.

Donner à voir
Il y eut Ex Nihilo (mars 2006), où des bois, choisis pour leurs accidents ou leurs protubérances et cavités saugrenues, se voyaient associer terres, pigments et cires, pour donner naissance à des corps exubérants, essentiellement féminins, ne refusant ni la fantaisie ni l’impudeur.

Il y eut Osmoses (février 2007), qui proposait une nouvelle orientation formelle, poursuivant des lignes plus émaciées, plus retenues, et dégageant une émotion plus « suspendue ». Il en émanait une sérénité longiligne, qui, à la fois, restituait une imprégnation par l’imagerie orthodoxe grecque, et rendait hommage à Alberto Giacometti.

Il y eut enfin les Passeurs de Rêves (novembre 2007), figures avant tout masculines : leurs têtes d’argile et leurs postures cristallisaient des cultures multiples. Costumes et accessoires évoquaient l’ermite, le bonze, le samouraï – hommage à la puissance de l’esprit. Voyage dans l’espace, mais aussi dans le temps, vers un passé de sagesse fantasmé (dont la réalité importe peu, dès lors qu’il nourrit notre rêve et notre espoir).

Voici Dans la Forêt des Ombres. Des bâtons baroques (bois sauvés des plages et des mangroves) s’allient à des totems longilignes (troncs évadés des forêts), pour se grouper en « armée » … Une armée pacifique – et de haute taille !
Des mains Jivaro ont modelé l’argile autour de fûts réguliers, ou sur les restes tourmentés de bois rongés. Une tête et un corps ont redonné la vie, offert une identité.
Identité multiple ! Fascinée par la diversité des cultures du monde, Kanel leur rend hommage, avec des visages qui disent l’Afrique, les Antilles ou l’Asie, qui nous parlent de Xian et ses guerriers éternels, de la Grèce et ses sages …
Mais des couleurs contradictoires, au-delà de tout réalisme, proclament une symbolique du métissage, et s’autorisent des glissades fantaisistes.
Armée pacifique, disions-nous, qui exalte la grande famille humaine, matérialise le vivre-ensemble et la tolérance.

Dialogue de la main avec la culture et les rêves.

Jacques PERRET (février 2010)

Nicole DÉCOTÉ – peintures
Chemins de lumières

Nicole a tout tenté : paysage, portrait, nature morte – elle a méthodiquement exploré tous les Genres.
Comme le musicien fait ses gammes, elle a construit l’habileté de la main, la maîtrise du geste et des matériaux. À une époque où le « concept » permet si facilement d’escamoter les faiblesses du savoir-faire, voilà une obstination qui peut étonner.
Dans l’environnement caribéen qui est le sien désormais, elle « écoute » les formes que sa main lui propose. Le « bleu caraïbe » et toutes les nuances du ciel et de la mer ont impressionné sa rétine, et ces lumières se déposent sur ses toiles.
Elle ne se refuse aucune direction, poursuit des chemins opposés, d’une quasi-abstraction à des formes plus familières, de chromatismes ténus à des chatoiements soutenus. Mais toujours sincère.
Jacques PERRET (février 2010)

Prologue

La peinture …

Il faut vouloir,

Il faut commencer,

Pour commencer il faut faire un premier geste modeste que l’on sait faire,

Et puis un autre et tout s’enchaîne …

C’est l’envie de donner,

De transmettre un plaisir.

Une affection, un regard qui me guident.

(N. D. – 2003)

Sédimenter

Nicole DÉCOTÉ a tout tenté : paysage, portrait, nature morte – elle a méthodiquement exploré tous les Genres.

Comme le musicien fait ses gammes, elle a construit l’habileté de la main, la maîtrise du geste et des matériaux. À une époque où le « concept » permet si facilement d’escamoter les faiblesses du savoir-faire, voilà une obstination qui peut étonner.

Modestie de la démarche, donc, qui conjugue travail acharné de l’apprentissage (d’École des Beaux-Arts en ateliers d’artistes), et plaisir du jeu : celui de (se) jouer des contraintes que l’on se donne, de naviguer dans les « règles » des Genres, de collecter les styles. Au risque de se perdre ?

Et tout à coup : c’est là ! Joie de se sentir prête, pour mieux « se retrouver », par la plongée dans la création, par la prise de risque. Et du même coup : mise en œuvre de tout ce patient « sédimenté », aboutissement d’un travail sur le temps long.

Faire jaillir

Sa voie, son chant personnel, Nicole les trace et module sans esprit de système, sans a priori référencés.

« Je recherche – dit-elle – une certaine atmosphère. Mais l’acte et la joie de peindre sont spontanés ; leur issue, inattendue, hasardeuse. Souvent, le geste m’échappe et me guide là où je n’avais pas imaginé me retrouver. Ce qui est alors couché sur la toile révèle un sens : « lecture » qui me conduit vers un aboutissement. »

Voilà qui nous rappelle ce que dit l’immense Pierre SOULAGES : « Je pars toujours avec une idée en tête, mais ce qui s’esquisse sur la toile me conduit ailleurs. (…) C’est ce que je fais qui m’apprend ce que je cherche. »

Il est des parrainages plus désagréables…

Chemins de lumières

Aujourd’hui, dans cet environnement caribéen qui est le sien depuis cinq ans, elle « écoute » ce que sa main lui propose. À travers le filtre d’une expérience sensorielle neuve : un « excès » des formes et des couleurs, qui lui donne la sensation de voir davantage les choses « en relief ». Le bleu caraïbe et toutes les nuances du ciel et de la mer ont impressionné sa rétine, et ces lumières se déposent sur ses toiles.

Elle ne se refuse aucune direction, poursuit des chemins opposés, d’une quasi-abstraction à des formes plus familières, de chromatismes ténus à des chatoiements soutenus. Mais toujours sincère.

Jacques PERRET (février 2010)

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