Congé parental : où sont les hommes ?

— Par Clémence de Blasi —

Si beaucoup de pères déclarent y songer, ils sont une minorité à choisir de s’occuper de leur bébé pendant plusieurs mois. Les blocages restent nombreux.

« Me faire des journées de maman, c’était un peu impressionnant au début : le soir, j’étais cuit ! », plaisante Gabriel Bally, 45 ans, responsable des études dans une entreprise de dépollution de friches industrielles. Il y a quelques mois, le jeune papa, qui vit dans le 17arrondissement de Paris, a décidé de faire une pause dans sa vie professionnelle pour s’occuper de sa fille. « Dans ma boîte, on est 400 salariés, mais je suis le premier homme à avoir demandé un congé parental », observe-t-il. En France, après la naissance ou l’adoption d’un enfant, la durée de ce congé peut aller jusqu’à trois ans (à temps plein ou partiel, jusqu’au troisième anniversaire de l’enfant), dont une partie est indemnisée. Celui-ci se prend après les congés maternité et paternité. Or seuls 4 % des personnes qui choisissent d’en profiter sont des hommes.

Pourtant, les mentalités changent. Selon une étude de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees) rendue publique le 17 janvier, 63 % des 18-24 ans souhaitent que la durée du congé paternité, aujour­d’hui fixée à onze jours consécutifs, augmente. Une proportion bien plus importante que la moyenne des personnes interrogées, tous âges confondus, qui n’ont exprimé ce souhait qu’à 38 %. Les jeunes générations porteront-elles aussi le congé parental des pères ?

« Jusqu’alors, je ne voyais ma fille que le soir, pour le bain. J’avais du mal à la comprendre, à saisir ses besoins. Ma femme s’en était occupée non-stop pendant ses douze premiers mois. C’était à mon tour de passer plus de temps avec elle, je le voulais vraiment », raconte Gabriel Bally, qui a annoncé très en amont sa décision à ses supérieurs hiérarchiques.

« Ils l’ont très bien reçu : tous mes collègues m’ont dit que j’avais raison, qu’eux aussi auraient pris un congé parental s’ils avaient pu le faire. En fait, rien ne les en empêche, c’est juste qu’ils ne le font pas ! Pendant quatre mois, j’en ai profité à fond : on n’a pas arrêté de sortir, de faire des activités. Ce congé m’a permis de construire une vraie relation avec ma fille, il y a eu un avant et un après. Les moments difficiles ont été récompensés par une immense complicité. » Fin septembre, le jeune père a repris le chemin du travail. Le même jour, sa fille entrait à la crèche, sans anicroche.

Vis-à-vis de leur hiérarchie, Bertrand et son épouse préfèrent rester discrets. Après y avoir longtemps pensé, ce couple de professeurs quadragénaires installé en Bourgogne a fini par se décider : ils ont demandé un congé parental de six mois en simultané, de janvier à juin 2019. Avec un projet en tête : voyager en Asie du Sud-Est et en Australie avec leurs trois enfants. « J’ai eu un entretien avec mon proviseur, ça ne lui a pas beaucoup plu, se souvient Bertrand. Au départ, il a un peu tiqué. Il m’a demandé : “Vous avez pensé à votre carrière ?” Mais il ne pouvait pas s’y opposer non plus… »

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Photo :Ibrahim et Abdoulwaris, France, 2014. Issue de « Père et Fils » (NEUS, Les belles lettres, 2015). GREGOIRE KORGANOW