Catégorie : Littératures

Chanté Manman

— Par Daniel M. Berté —

I za chanté Manman…
Chanté ki pasé fioup ek foukan an gran van
Chanté ki anchouké an fondok mémwa-mwen
Chanté a pawol vid ka bouché tou lavi
Chanté a pawol lou ka pézé an lavi
Chanté a mizik dous ka fè an nanm volé
Chanté a mizik cho ka fè tout kò’w vibré

I za chanté Manman…
Chanté ka rakonté malè ek lanmizè
La jwa ek la djèwté, lanmitjé ek lanmou
Asiz anlè ti-ban’y, douvan an basin rad
Eti ki tjim-savon’y té ka fè an rifren
Lè’y ka tjotjo lenj-la, lè’y ka froté lenj-la
Lèy ka fésé lenj-la anlè wòch lariviè

I za chanté Manman…
Anba Maframé-a, adan solèy cho-a
Chanté ki ka pléré Lafrik ki Nèg kité
Chanté ka rakonté Latlantik moun néyé
Chanté ki ka palé Lanmérik ka frété
Chanté ki ka raplé Nèg-mawon ki chapé
Chanté ki ka montré chenn ki zèsklav pété

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« En dents de scie » & « Carpe Diem »

— Par Patrick Mathelié-Guinlet —
“En dents de scie… »

Depuis qu’il a croqué la pomme,
tout au long de la vie de l’homme,
la joie, tout comme la lumière,
n’existe pas sans son contraire…

Car l’arbre de la connaissance
fut une seconde naissance
dans la douleur pour l’animal
qui y perdit son innocence

s’il y gagna cette conscience
qu’il n’y a pas de bien sans mal
et que l’issue sera fatale
quoiqu’il puisse essayer d’y faire…

Derrière les moments de liesse
se cache l’ombre des tristesses !
L’âme de l’homme est bipolaire
en butte au destin doux-amer…

Plus il s’élève dans les airs
et plus rude sera sa chute,
telle une barque sur la mer
que les vents et vagues chahutent…

Tantôt apparaît l’horizon
ensoleillé, porteur d’espoir,
puis soudain c’est le grand plongeon
au sein de “l’atroce entonnoir”!

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Fin(s) du monde de Roger Parsemain, Valérie John (Illustration)

Une poésie exigeante, enracinée dans la créolité, qui se confronte à la finitude et s’élève vers le cosmique

— Par Eric Eliès  —
La poésie des Antilles, de Guyane et d’Haïti est extraordinaire riche, et encore trop largement méconnue dans l’hexagone. Avant mon séjour en Martinique, de l’été 2020 à l’été 2022, je ne connaissais de la poésie antillaise que Césaire, Glissant, Saint-John Perse mais ces noms me masquaient, de leur éclat presque aveuglant, un foisonnement poétique aussi luxuriant que les forêts qui couvrent les pentes des mornes au coeur de l’île… J’ai déjà présenté sur CL des recueils d’Henri Corbin et, surtout, des recueils de Monchoachi, dont j’ignorais l’œuvre et que j’ai découvert dans les librairies de Fort de France (je continuerai à présenter Monchoachi qui n’est pas que poète : esprit libre et profond, il est aussi l’auteur d’un livre important : « Retour à la parole sauvage », qui dévoile et martèle nos impasses civilisationnelles). En revanche, et un peu étonnamment, j’ai « raté » l’oeuvre de Roger Parsemain et c’est à Paris que je l’ai découverte, lors d’une visite au marché de la poésie où exposait l’éditeur « Long Cours », installé au Gosier, en Guadeloupe.

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Le « Liv inik an kreyòl », marqueur fondamental de l’échec…

… didactique, pédagogique et de gouvernance du système éducatif haïtien

— Par Robert Berrouët-Oriol (*) —

« Le ‘’Rapport mondial sur la corruption : l’éducation’’ fait la lumière sur les diverses formes que peut prendre la corruption dans l’éducation. Il montre que, dans tous les cas, la corruption dans l’éducation agit comme un obstacle dangereux à un enseignement de qualité supérieure et au développement économique et social. Elle compromet les bénéfices académiques qu’offrent les établissements d’enseignement (…) et peut mener à la ruine de la réputation de l’ensemble du système d’enseignement (…) d’un pays. Pour déterminer le meilleur moyen de progresser, le ’Rapport mondial sur la corruption : l’éducation’’ met également en exergue les approches novatrices à la lutte contre la corruption dans le secteur de l’éducation » (Transparency International, « Rapport mondial sur la corruption : l’éducation », 2013).

Dans le courriel adressé à un enseignant en poste à Fort-Liberté, nous avons évoqué les récentes et délictueuses manœuvres d’une puissante organisation internationale du secteur de l’éducation en lien avec le système éducatif haïtien. Cette organisation internationale a pour nom Global partnership for Education (GPE) / Partenariat mondial pour l’éducation.

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« L’inconnu de Mer frappée » : Chapitre VII

— Par Robert Lodimus —

Chapitre VII

L’INJUSTICE

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Les deux militaires nous ont conduits, mon père et moi, dans une pièce sous- éclairée où l’on observait à l’arrière une table de bureau tellement blafarde, que le bois avec lequel elle était fabriquée semblait remonter à l’Âge de pierre. Sur le mur du fond, les regards hébétés, interloqués biglaient un crucifix qui représentait un Christ inoffensif, à moitié dévêtu, avec la tête souffrante légèrement penchée – comme toujours – vers l’Hyperborée. La salle était presque vide, à part une vieille armoire en acajou qui s’ajoutait au décor, et sur laquelle traînaient quelques cartables empilés de manière désordonnée. On avait facilement deviné qu’il s’agissait des dossiers de prisonniers politiques ou de droit commun incarcérés, libérés, décédés, assassinés ou exécutés… Le sergent Odilon, le mari de Mirana, accompagné de quatre « troufions », avait procédé lui-même à l’arrestation de Jésula Destiné. Le bizarroïde – révélation plutôt étonnante – venait du royaume lumineux d’Henri Christophe. Les yeux du sous-officier avaient la teinte rougeâtre du soleil couchant; son nez large et plat restait vissé sur un faciès lunaire; ses lèvres découvraient des gencives violettes qui soutenaient des dents brunies par la fumée des « cigarettes Splendid».

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Le Festival Mois Kréyol — 9e édition : « Au-delà des mers au pluri’L »

— Par Sarha Fauré —

Une célébration vivante des cultures créoles et ultramarines

Depuis 2017, le Festival Mois Kréyol s’est imposé comme un rendez-vous incontournable des langues et des cultures créoles dans l’Hexagone et au-delà. Porté par la compagnie Difé Kako et sa directrice artistique, la chorégraphe guadeloupéenne Chantal Loïal, ce festival itinérant propose chaque automne un véritable tour d’horizon des expressions artistiques issues de l’Outre-mer et des mondes créolisés.

Né de la volonté de donner une visibilité accrue aux artistes ultramarins, le festival fédère aujourd’hui un large réseau de partenaires, de villes, de lieux culturels et de publics engagés autour d’un projet ambitieux et collectif. Il mêle spectacles, performances, projections, expositions et ateliers, dans une programmation riche, accessible et ouverte à toutes les générations.

Thème 2025 : « Au-delà des mers au pluri’L »

Pour sa neuvième édition, le Festival Mois Kréyol explore la mer comme symbole de lien, de traversée, d’échange et de métissage. Mers et océans relient les territoires, les mémoires et les peuples. Ils sont les vecteurs d’histoires partagées, de créations multiples, de savoirs en mouvement.

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« Impermanence » & « Partir, c’est mourir un peu… »

— Par Patrick Mathelié-Guinlet —

Impermanence

Que devient l’ombre dans la nuit
quand plus aucun soleil ne luit ?
La vie, jour après jour, nous fuit
car le robinet du temps fuit…

Naître est déjà mourir un peu,
l’âge nous cuit à petit feu…
Bientôt ne demeurent que cendres
qu’un vent disperse sans attendre !

Nos paroles ne sont qu’un bruit
que très vite les gens oublient
et, même notées par écrit,
restent soumises à l’entropie…

Tout ce qui vit a une fin
et nul n’échappe à ce destin.
Bien que ce constat soit amer,
nous sommes des êtres éphémères !

Partir, c’est mourir un peu…

Partir un beau jour comme un nomade,
sans un adieu et sans laisser d’adresse…
Partir sans claquer la porte,
sur la pointe des pieds, sans faire de bruit,
sans le moindre mot ni cri,
sans point d’exclamation,
comme une parenthèse qu’on
aurait oublié volontairement de refermer
sur des points de suspension
et un joli point d’interrogation…
Se fondre dans la brume et disparaître
tel un mystère irrésolu…
N’être plus qu’une absence,
un manque que l’on ressent
un peu, du moins pendant quelques temps
avant de sombrer dans le néant de l’oubli…
Laisser quelques traces éphémères
juste pour donner à penser…
Si la vie n’est pas un long fleuve tranquille
et parfois même un torrent de boue,
tant qu’on le peut il faut rester debout
mais, de toute façon, tout au bout
c’est dans la mer qu’on se perd…
On pourrait aussi bien dire dans la mor(t)
même si l’on n’est pas Breton

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L’éphéméride du 20 septembre

Décès d’Alexis Leger, dit Saint-John Perse, le 20 septembre 1975

 » S’en aller ! S’en aller! Parole de vivant ! »

Alexis Leger, dit Saint-John Perse, né le 31 mai 1887 à Pointe-à-Pitre et mort le 20 septembre 1975 à Hyères, est un poète, écrivain et diplomate français, lauréat du prix Nobel de littérature en 1960.

En marge des mouvements littéraires de son époque, sa poésie, en versets, est réputée pour son hermétisme, mais aussi pour sa force d’évocation. Il reçoit le prix Nobel de littérature « pour l’envolée altière et la richesse imaginative de sa création poétique, qui donne un reflet visionnaire de l’heure présente ».

Biographie
Jeunesse et débuts diplomatiques
Fils d’Édouard Pierre Amédée Leger, avocat-avoué en Guadeloupe à partir de 1873, et de Marie Pauline Françoise Renée Dormoy, fille d’une famille de planteurs guadeloupéens3, Alexis Leger naît au no 54 rue Achille-René-Boisneuf à Pointe-à-Pitre. Il y passe son enfance, ainsi qu’à l’îlet Feuille où il découvre la nature, et surtout dans les deux importantes demeures familiales que sont « La Joséphine » — une caféière sur les hauteurs de Saint-Claude au sud de Basse Terre — et « Le Bois-Debout » — une exploitation de canne à sucre à Capesterre — qui marqueront son imaginaire.

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LIRE : La langue des choses cachées, de Cécile Coulon 

— par Janine Bailly —

Cécile Coulon est une jeune romancière, nouvelliste et poétesse, qui dès l’âge de seize ans fit une entrée prometteuse en littérature en publiant un premier roman, Le voleur de vie, pour lequel il serait parlé de « langue coup de poing ».

Elle nous livre en 2024, avec son neuvième opus, La langue des choses cachées, une histoire singulière, qui par son sujet pourrait décontenancer un lecteur rétif à l’irrationnel des choses. Parce que ses personnages sont de ces guérisseurs, magiciens, rebouteux ou sorciers qui entrent dans le secret des âmes, que l’on appelle quand la médecine ordinaire s’est avérée impuissante à soulager les maux du corps. Parce qu’ils sont ceux qui soignent, qui guérissent ou conduisent vers la mort. Et qu’ils possèdent un don de divination, dans la mesure où ils découvrent ce qui est caché, par des moyens autres que ceux d’une connaissance naturelle ou scientifique : ils pressentent, entendent, voient et déchiffrent les secrets enfouis au cœur le plus profond des maisons et des hommes, débusquent ce que d’ordinaire l’on tait, bien serré dans les liens tissés au sein obscur des familles.

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« Un Haïtien au cœur de la gouvernance éducative mondiale : Nesmy Manigat promu par le GPE »…

ou l’éloge de la corruption, du népotisme et de l’impunité

—Par Robert Berrouët-Oriol (*) —

Lettre ouverte à Laura FRIGENTI

Directrice

Global partnership for Education / Partenariat mondial pour l’éducation

701 18th Street N.W.
2e étage
Washington D.C., 20006
États-Unis d’Amérique

NOTA BENE / Cette lettre ouverte est acheminée à sa destinataire en version originale française et en traduction anglaise.

Madame la Directrice générale,

Les remontées de terrain qui nous parviennent d’Haïti confirment, toutes, la stupeur et la réprobation d’un grand nombre d’enseignants et de directeurs d’écoles à l’annonce de la nomination de Nesmy Manigat, ancien ministre de l’Éducation d’Haïti, au poste d’« envoyé et conseiller de haut niveau promu par le GPE » au cœur de la gouvernance éducative mondiale. Une telle annonce a une résonance particulière dans l’écosystème éducatif haïtien amplement dévoyé et corrompu, ces douze dernières années, par le cartel politico-mafieux du PHTK néo-duvaliériste, écosystème dont le ministre Nesmy Manigat était la « vedette médiatique » et l’ordonnateur. Elle intervient également dans le prolongement du vaste scandale de corruption, de gabegie administrative et financière et de népotisme au Fonds national de l’éducation d’Haïti : Nesmy Manigat a été président du Conseil d’administration de cette institution à deux reprises.

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« L’inconnu de Mer frappée » : Chapitre VI

— Par Robert Lodimus —

Chapitre VI

LE RAPPEL À L’ORDRE

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« Je n’ose plus regarder
Ce spectacle déchirant
Des bras fatigués
Qui tendent
Vers un ciel de plus en plus avare
Des yeux qui n’ont plus de larmes
Pour évacuer
Les souffrances de la misère
Des corps qui n’ont plus de jambes
Pour échapper
Aux flammes des calamités
Des poignets qui n’ont plus de mains
Pour s’agripper
Aux branches de l’espoir »

(Robert Lodimus, extrait de Vers L’aube de la Libération, poésie)

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Durant un long moment, mes pensées vagabondaient dans un couloir de souvenirs cauchemardesques. Et comment pouvait-il en être autrement au pays de l’hypertrophie de la phobie collective et de la mort violente ? Je me rappelle ce matin pluvieux où Clément, un membre proche de la famille, annonçait à mes parents qu’il avait décidé de s’expatrier à New York. Depuis la disparition de son frère aîné Ricot, enlevé de son foyer en pleine nuit à Port-au-Prince, celui-ci craignait pour la sécurité de son épouse, pour celle de ses enfants et pour la sienne. Émilio lui demandait s’il avait bien pris le temps de réfléchir.

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Tan bad

— Par Danile M. Berté —

Tan bad

Nou za pasé dé tan ki bad
Dot mové tan ki siper bad
Eti sé pa té kouyonnad
Lavi sé pa té kalvakad

Nou za sibi tan ladérad
Ladjoukan épi boul brimad
Eti nou pran bon andjélad
Siplis kout fret an dékalad

Nou za viv lé tan mizérad
Tranmanntè siklòn volkannad
San brè san manjé ek san rad
Ek nou rété pou la plérad

Nou za wouklé tan kovidad
Kriyé an tan klòwdékonad
Sonbré adan tan sawgasad
Toufé an tan lé brim-de-sad

Nou za brilé tan barikad
Lé manmblo pa fè rigolad
Lakrimo an tjou kanmarad
Radaw ka fini an griyad

Nou rivé an tan fiziyad
Kalach révolvè mitrayad
Drog vol moto chenn an kaskad
Sé senmitjè pou la plérad

Daniel M. Berté 100925

 

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Arpentage de la délinquance à cravate 

Enex Jean-Charles, juriste et architecte-en-chef d’une nouvelle arnaque constitutionnelle en Haïti

 —Par Robert Berrouët-Oriol (*) —

Paru dans Le Nouvelliste du 4 septembre 2025, l’article de Jean Junior Célestin, « On est en situation de rupture de l’ordre constitutionnel, déclare Enex Jean-Charles », éclaire adéquatement les acrobaties et les délictueux arguments « juridiques » d’Enex Jean-Charles » dans l’inépuisable saga de la « réforme constitutionnelle » en Haïti. Depuis 1987 l’obscure saga de la « réforme constitutionnelle » mobilise nombre d’« intellectuels serviles », éternels paka pala et funambules patentés de la scène politique locale, parmi lesquels Jerry Tardieu, ancien député et intrépide faussaire dans l’affaire d’un faux diplôme de maîtrise qu’il prétend avoir obtenu, en Belgique, d’une institution universitaire qui n’existe même pas. Aujourd’hui la saga labyrinthique de la « réforme constitutionnelle » –qui vient d’être actualisée par un Conseil présidentiel de transition indocte, erratique, fantasque et mutique–, est alimentée par un juriste et ancien Premier ministre, Enex Jean-Charles. NOTE – Sur la problématique des « intellectuels serviles » au pays des « bandits légaux », voir l’article « Le rôle des « intellectuels serviles » dans l’arsenal idéologique érigé par le cartel politico-mafieux du PHTK néo-duvaliériste », par Robert Berrouët-Oriol, Médiapart, Paris, 22 novembre 2024.

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L’exil

— Par Robert Lodimus —

L’exil

L’exil
C’est la mort
On vieillit
On maigrit
La famille
Les amis
Les souvenirs
Les rues de notre enfance
Tout se confond dans notre mémoire
Au fil du temps qui passe

L’exil
C’est la feuille verte
Détachée de sa branche
Que le vent de la peur
Ou de la misère
Partout traîne rageusement
Et qui va sécher
Dans la savane
Les soirées de glace
Démaillent les illusions
Et les fantasmes
Sur les joues creusées
À coups de nostalgie
Se déploient
Comme sur un tissu à rayures
Les stigmates indélébiles
De l’exil tourmenté
Liberté
Ils ont assassiné
Notre « Soleil »
Tu n’existes plus

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« Mots pour maux… » & « Presque rien… »

— Par Patrick Mathelié-Guinlet —

Mots pour maux…

Mes mots brûlent comme des flammes !
S’ils ne sont pas écrits ou dits,
alors c’est mon âme qu’ils crament…
Pour éteindre cet incendie,

il faudra donc que je me mouille,
de publier que j’aie les couilles
même si ça doit vous choquer !
Ils ne sont pas faits pour flatter

mais pour réveiller les esprits
d’une humanité endormie,
stigmatiser l’iniquité,
les injustices et l’oppression

afin de mettre la pression
aux profiteurs, aux dictateurs
et pour réparer leurs erreurs,
changer le sens de la terreur…

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« L’inconnu de  Mer frappée » : Chapitre V

— Par Robert Lodimus —

Chapitre V

L’ARRESTATION

Mon père paraissait étonné de me voir. Il m’a pris dans ses bras et m’a serré très fort contre lui. Le sergent Oscar, qui habitait presqu’en face de nous, contemplait de loin la scène émouvante de retrouvailles. Il nous a salués timidement de la main. Son visage découvrait de l’embarras. Oscar ne portait jamais d’armes à feu. Lorsqu’il n’était pas à la caserne, il discutait des parties de dames avec les adultes de la place ou jouait aux billes en compagnie des gamins qui l’appelaient respectueusement « oncle Oscar ».

Racontez-moi pour les examens, fiston !

Je crois que tout s’est bien passé. Je n’ai éprouvé aucune difficulté.

Votre mère, votre frère et votre sœur, ils vont bien ?

Oui, tout le monde va bien…

Cela fait plaisir de le savoir. L’important pour moi, c’est que vous n’êtes pas menacés…

Quand est-ce que vous allez revenir à la maison ?

Bientôt ! Enfin,… bientôt !

Pourquoi vous gardent-ils ici ?

Je ne sais pas !

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L’inconnu de Mer Frappée : Chapitre V

— Par Robert Lodimus —

Chapitre V

L’ARRESTATION

« Sous un gouvernement qui emprisonne injustement, la place de l’homme juste est aussi en prison. »

(Henry David Thoreau) 

Mon père savait ce qu’il disait, quand il m’a conseillé de faire attention à ce que j’écrivais dans mes cahiers de poèmes. Il avait lui-même fait l’expérience douloureuse et humiliante de l’emprisonnement politique. N’était-ce la présence d’Hestia, la déesse de la sécurité et du bien-être de la famille, il aurait même pu y laisser sa vie, comme d’autres victimes plus malchanceuses. Certains détentionnaires – parmi lesquels des professeurs de sciences sociales, des avocats membres du Barreau des Gonaïves, des médecins de famille, des élèves de lycée, des ouvriers, des porte-faix, des commerçants… – étaient transférés dans les goulags de la capitale, particulièrement vers les prisons de Fort Dimanche et des casernes Dessalines. La ville ne les avait plus revus. Les parents souffraient et pleuraient en silence, par crainte d’être dénoncés. Ces compatriotes avaient été interrogés par des puissants chefs macoutes – comme Luc Désir, Mme Marx Adolphe, Lisius Jacques, Zacharie Delva – et des militaires barbares – tels que Jean Tassy, Abel Jérôme, Max Valmé, Franck Romain… – qui, au mépris de la loi, les avaient jugés, condamnés, emprisonnés et conduits au poteau d’exécution.

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Man tann di

— Par Daniel M. Berté —

Man tann di
Ki fo kouté pou tann
Ki fo tann pou konprann
Ki fo konprann avan di

Man tann di
Ki sé pa tousa ou tann pou di
Ki sa’w tann ou pa oblijé di’y
Ki vomié bien tann sa ki di avan’w di

Man tann di
Ki ou pé di sa’w pa tann
Ki ou pé tann sa ki pa di
Ki sé pa toudi di, sé bien di ki di

Man tann di
Ki menm si’w ni la tet di
Kon tala ki té di « la-tet-di-jé-ni »
Ki ou pé tann sa ki di

Man tann di
Ki lè milé tann kout tonnè mwa dawou
Ki i ka drésé dé zorey-li pou mié tann
Ki sé pa pou otan i ka di

Man tann di
KI sé pa jou ou lévé gro pwa ou ka trapé grodi
Ki sé pa jou ou manjé tè ki bouden’w ka grosi
Ki bef pa janmen di savann gran mèsi

Man tann di
Ki moun a djol pann pa ka pran konmédi
Ki sa mel ka di anlè, pa sa’y ka di atè
Ki bo tjou bouwo ou pann, pa bo’y ou pann

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Jamais n’accepterai

Jamais n’accepterai
— Par Gary Klang —

Jamais n’accepterai l’ignoble
Ceux qui font fi de l’innommable
De cet enfant une balle au cœur mourant dans les décombres
Au lieu de rire
Insouciant
Comme devrait l’être un enfant

Je n’en peux mais vous dis-je
Je n’en peux plus
Et je conchie
Tous ceux qui vivent
Vautrés dans leur indifférence

Partez leur dis-je
Hors de ma vue
Je ne veux plus
Je ne peux plus vous voir

Gary Klang

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« Magie des mots » & « Miroir »

— Par Patrick Mathelié-Guinlet —

Miroir

Qui me dira ce qu’on peut voir
de l’autre côté du miroir
lorsque sous les coups de butoir
du temps s’en écaille le tain ?

Que plus rien n’y reflète encor
de cette vie ? Est-ce la mort ?
L’aperçu d’un monde incertain
ou juste l’entrée d’un trou noir ?

Un miroir est comme un passage,
la magie issue d’un autre âge,
porte pour d’autres dimensions,
réponse à d’ultimes questions…

Mais c’est là le plus fantastique :
ne dit-on pas “briser la glace”
quand l’ego du reflet s’efface,
qu’on s’ouvre à l’autre et communique ?

Magie des mots

Vraiment l’amour des mots,
ça me maintient en vie,
convoquant de nouveaux
lorsque j’en ai envie…

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« Les Rues parallèles », de Gérald Tenenbaum

— Par Michèle Bigot —

Il en va pour un recueil de nouvelles comme pour un recueil de poèmes : c’est l’architecture de l’ensemble qui constitue le sens. Telle pièce prise séparément revêtira une signification et une portée très différente de la même pièce composée dans un ensemble, où sa place dans le recueil, son voisinage, ses effets d’écho avec des morceaux complémentaires ou opposés jetteront sur elle un éclairage nouveau. C’est peut-être encore plus vrai pour un recueil de nouvelles, compte tenu du fait que la brièveté, l’ellipse et la déceptivité sont constitutifs du genre. Que dire alors d’un recueil de nouvelles qui se place sinon en ultime position dans l’œuvre du moins à la suite de nombreux romans et essais ? Il en reçoit lui-même un éclairage spécifique.

Il en va ainsi du dernier ouvrage de Gérald Tenenbaum, dans lequel les lecteurs avertis reconnaîtront les échos des livres précédents, une série d’harmoniques. Sans toutefois que les nouveaux lecteurs y trouvent gêne ou embarras. Ils seront aussi bien gagnés par la magie mélancolique de l’ouvrage, dans lequel ils reconnaîtront la descendance d’un Meyrink, d’un Kafka, ou d’un Borges.

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« Le déclin n’est pas la fin »; mais la fin commence par le déclin…

— Par Robert Lodimus —

Surtout à l’attention de notre compatriote Ronald Beaudin, ex-ministre de l’Économie et des Finances du président Préval

« La Sagesse, c’est plutôt le courage de faire ce que les autres ne font pas, de dire ce que les autres ne disent pas. »

(Robert Lodimus)

Les appauvris se sentent aujourd’hui orphelins de discours rationnels, de messages combattifs, sur la nécessité d’organiser une lutte sociale et  libératrice en faveur de la classe ouvrière. Des réflexions profondes, bien élaborées, truffées d’ardeurs de militance à la Étienne Lantier, à la Souvarine, les personnages atypiques d’Émile Zola.

Les plus âgés restent nostalgiques des temps forts, où le salariat conscientisé, comme celui de Montsou, se battait fermement contre le patronat radin et endurci pour exiger le respect de ses « droits de vivre », plutôt que de se contenter d’exister, pour paraphraser Jacques Ellul. Faire ainsi reconnaître l’importance et l’indispensabilité de ses contributions physique, intellectuelle et professionnelle, pour que le monde avance et s’installe finalement dans l’hémicycle de la justice, du développement et du progrès sur une base de l’universalité.

Blaise Pascal affirme que « la Justice sans la Force est impuissante.

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« Lekòl la kraze » : l’inepte et aveuglant diagnostic d’Augustin Antoine, ministre de l’Éducation nationale d’Haïti

— Par Robert Berrouët-Oriol (*) —

Inepte – Adj. / « Qui manque de capacité, qui fait preuve d’incompétence (notamment dans l’exercice d’une fonction, d’une responsabilité) ; qui est dénué d’intelligence et de jugement. (…) Qui témoigne de l’incompétence ou de la sottise de son auteur ; sans valeur » (Dictionnaire OrtoLang, Centre national de ressources textuelles et lexicales, Université de Nancy).

De gauche à droite : Sterline Civil, nouvelle directrice du Fonds national de l’Éducation (FNE) ; Augustin Antoine, ministre de l’Éducation nationale ; Didier Fils-Aimé, Premier ministre ; Fritz Alphonse Jean, président du Conseil présidentiel de transition. (Source : profil Facebook du Fonds national de l’Éducation, 16 mai 2025.)

Paru en Haïti dans Le National du 20 août 2025, l’article de Pierre Richard Raymond a pour titre « La confession du ministre : l’évaluation accablante d’Antoine Augustin sur l’effondrement éducatif d’Haïti ». Cet article a le mérite de mettre en lumière les dits, les non-dits, les esquives, les boniments, le cabotinage, les lacunes ainsi que le lourd défaut de capacité analytique du sociologue Augustin Antoine, ministre de l’Éducation d’Haïti, repérable dans son « cri d’alarme » verbalisé sur YouTube il y a un mois.

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L’inconnu de Mer Frappée :Chapitre IV

— Par Robert Lodimus —
Chapitre IV

L’INQUIÉTUDE

Les derniers rayons du soleil commençaient à s’enfoncer dans la mer. Dans peu de temps, l’obscurité opaque allait draper toute la ville. Mer Frappée se serait transformée en un immense trou de sombreur pour accueillir les loups garous de « La Tannerie » qui venaient festoyer toutes les nuits sur le sable grisâtre du littoral endormi. Le vaste quartier côtier, où se bousculait la gueusaille, portait bien son nom. Les cuirs mis au tannage sentaient les rats crevés. Pendant le jour, on pouvait observer çà et là des tapis de cuir de vache ou de chèvre cloués au sol avec des piquets qui séchaient au soleil. Pour traverser la zone, il fallait couper sa respiration en fermant la bouche et en écrasant son nez avec le pouce et l’index. Pourtant, les riverains qui y vivent de manière permanente ne semblent pas se rendre compte de la puanteur persistante qui se mélange à l’air qu’ils respirent tous les jours. On aurait dit que toutes les mouches de la ville s’étaient donné rendez-vous dans cet amas de masures infectes.

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Matoub

—Poème par Gary Klang —
Je te salue Matoub

Tu as gravi les chemins d’ombre
En te hissant vers les étoiles
De cette terre presque mienne
L’aïeul y vit le jour
Pour finir sur cette île
Où j’ai connu aussi
La terreur
La folie
Et l’absurde

Je me souviens du corps
Ligoté sur une chaise
La tête penchée
Comme un enfant qui pleure

J’ai vu cet homme
Matoub
Abandonné au milieu des passants
Renvoyé
Tout comme toi
Au néant
Et à la poussière

Repose en paix
Poète
Repose
Sur cette terre presque mienne
Bercé à tout jamais
Par la lumière
Et par la mer

Car ta révolte
Vois-tu
Jamais personne ne pourra l’éteindre

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