L’appropriation coloniale des corps est un sujet passionnant. Mais dans « Sexe, race & colonies », la recherche de l’effet esthétique suscite le malaise.
Que, entre la colonisation et la prédation sexuelle, il y ait eu des continuités ou même une relation intrinsèque : l’hypothèse, non seulement relève de l’évidence, mais ouvre des voies passionnantes d’exploration des enjeux anthropologiques de l’ère coloniale. Que les images qui ont alors circulé (tableaux, photographies, cartes postales, pornographie…) soient une de ces voies : ce n’est guère plus contestable, et guère moins prometteur.
Illustration extraite de « Sexe, race & colonies » : « Chinde. Branco & Negro. Black & White », carte postale, Mozambique, 1907. OLIVIER AUGER
D’où vient alors qu’on ne puisse ouvrir sans malaise Sexe, race & colonies, qui aborde l’appropriation coloniale des corps avec une ampleur historique (six siècles) et une richesse documentaire (1 200 documents iconographiques) assez rares ? Comment expliquer ce sentiment d’être face à un objet mal ajusté, faiblement pensé, malgré la contribution de dizaines de chercheurs et l’intérêt incontestable de beaucoup de leurs analyses ?
Aussi bien le livre et le début de sa promotion dans la presse suscitent-ils quelques remous.