— par Janine Bailly —
Écrit et publié en 1955, le roman, taxé d’obscénité et de pornographie pour avoir évoqué l’homosexualité et la prostitution masculines, rencontrera un vrai succès public. Le procès dressé à Milan se conclura d’ailleurs par un acquittement, en dépit de la férocité des critiques exercées contre le livre. Un livre qui fut adapté pour le cinéma, en 1959, sous le titre de La Notte Brava (Les Garçons), et réalisé par Mauro Bolognini. Un livre qui, s’il a plus de soixante-ans d’âge, conserve quelque part une brûlante contemporanéité.
Avec Pasolini, nous entrons dans la Rome de l’après-guerre. Rome, son grouillement fébrile, ses quartiers déshérités où survit un sous-prolétariat urbain, où les Ragazzi, groupes d’adolescents et d’enfants dépenaillés, se débrouillent et vivent à la va-comme-je-te-pousse. La Rome des faubourgs, ses enfilades d’immeubles délabrés, son fleuve aux eaux grasses et lourdes de déchets, dans lesquelles vaille que vaille on se rafraîchit, joue, se défie et se baigne. Rome, ses bordels et ses prostituées sans grâce, aux chairs flasques qui attisent pourtant les fantasmes jamais assouvis de garçons à peine pubères ; ses pères sans emploi, imbibés de mauvais vins et qui cognent ; ses mères tôt flétries peinant à élever et nourrir une progéniture galopante, et qui vite leur échappera.