Jour : 3 septembre 2015

L’appel contre les murs

— Edouard Glissant – Patrick Chamoiseau —

ayral_kurdi (…) La tentation du mur n’est pas nouvelle. Chaque fois qu’une culture ou qu‘une civilisation n’a pas réussi à penser l’Autre, à se penser avec l’Autre, à penser l’Autre en soi, ces raides préservations de pierres, de fer, de barbelés, ou d’idéologies closes, se sont élevées, effondrées, et nous reviennent encore dans de nouvelles stridences. (…)

(…) La moindre invention, la moindre trouvaille, s’est toujours répandue dans tous les peuples à une vitesse étonnante. De la roue à la culture sédentaire. Le progrès humain ne peut pas se comprendre sans admettre qu’il existe un côté dynamique de l’identité, et qui est celui de la Relation. Là où le côté mur de l’identité renferme, le côté Relation ouvre tout autant, et si, dès l’origine, ce côté s’est ouvert aux différences comme aux opacités, cela n’a jamais été sur des bases humanistes ni d’après le dispositif d’une morale religieuse laïcisée. C’était simplement une affaire de survie : ceux qui duraient le mieux, qui se reproduisaient le mieux, avaient su pratiquer ce contact avec l’Autre : compenser le côté mur par la rencontre du donner-recevoir, s’alimenter sans cesse ainsi : à cet échange où l’on se change sans pour autant se perdre ni se dénaturer.

→   Lire Plus

« Dheepan » de Jacques Audiard : une certaine France

— Par Selim Lander —

DheepanJacques Audiard sait faire des films « forts » dans lesquels on ne prend pas la réalité avec des pincettes. On se souvient sans doute au moins d’Un Prophète, déjà récompensé à Cannes par un Grand prix du jury, qui racontait la vie dans nos prisons vue de l’intérieur. Dheepan, pour sa part, a remporté la Palme d’or au festival 2015. Le film vient de sortir sur les écrans français et ne rencontre pour l’instant qu’un demi-succès. Pour quelle raison ? Peut-être parce que les deux fins successives sont ratées ou hors de propos. La première qui raconte le réveil du « Tigre » tamoul, Dheepan, abandonnant soudain son statut d’immigré timide et docile pour se métamorphoser en justicier de film d’action, capable de vaincre à lui seul une multitude d’hommes aussi armés que méchants ; la deuxième qui montre le même Dheepan et sa « famille » transportés au paradis des immigrés, en Angleterre.

→   Lire Plus

Faut-il une nouvelle « nuit du 4 août » ?

— Par José Nosel —
nuit_du_4_aoutLes livres d’histoire racontent que dans la nuit du 4 août 1789, au cours d’une réunion houleuse de l’Assemblée Constituante, la décision a été prise d’abolir les dispositions du système féodal, en vigueur alors, et qui accordait des privilèges, notamment fiscaux, aux seigneurs, aux nobles et au clergé. Cette nuit est connue comme étant la nuit de l’abolition des privilèges. Le retour des privilèges, y compris sous formes de corporatismes, est tel, dans nos sociétés actuelles, que je consacrais deux chroniques à cette question, il y a 4 ans. La seconde s’appuyait directement sur les propos de deux grandes autorités morales de notre époque ; voici ce que j’en disais :
« Quelle belle leçon de courage et d’espérance nous donnent ces deux magnifiques vieillards que sont Stéphane Hessel, 93 ans, et Edgard Morin, 90 ans. L’un, Stéphane Hessel, a écrit un petit ouvrage de 30 pages, « Indignez-vous! » qui, à des millions d’exemplaires, constitue la référence de ces mouvements de masse des « indignés » qui essaiment dans le monde entier en ce moment ; l’autre, Edgard Morin, avec la publication de « la voie, pour l’avenir de l’humanité » , a frappé un grand coup, l’ouvrage vient couronner, en effet, une ?oeuvre

→   Lire Plus