Jour : 21 janvier 2015

La Nuit des rois

Comédie de W. Shakespeare, mise en scène par Clément Poirée,

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— Par Michèle Bigot —

Théâtre d’Ivry, Antoine Vitez, du 05/01 au 01/02 2015

La nuit des rois, (twelfth night ) ou le douzième jour après Noël, c’est la nuit de l’enfermement dans le silence nocturne et l’obscurité hivernale. C’est cette ambiance qu’a voulu recréer sur scène Clément Poirée avec la complicité de son scénographe Erwan Creff. Comme il nous l’a confié lors d’une rencontre en bord de scène, c’est la vision d’une photo d’un dortoir de Sibérie qui lui a inspiré cette atmosphère pleine de mystère et de douleur rentrée. Et c’est de cette même photo que sont nés le décor et le dispositif scénique : quatre lits à baldaquins, garnis de tentures blanches, évoqueront à la fois la réclusion et la possibilité d’une évasion, au gré des mouvements du mobilier et des rideaux.
Le rideau est devenu depuis G. Strehler l’élément scénique le plus propice pour exemplifier la tempête shakespearienne et tous les flux et mouvements inhérents à l’esthétique baroque. Sa fluidité, les jeux de lumière qu’il autorise, les dessins qu’il supporte, tout cela est exploité d’emblée dès la première scène qui raconte la tempête, le naufrage, et l’arrivée inopinée dans un pays de légende.

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« La Famille Bélier », ou Du sens du verbe « entendre »

A Madiana

la_famille_belier-2— Janine Bailly —

M’intéressant d’assez près au problème de la surdité, ayant entendu et vu diverses présentations, souvent fort dithyrambiques, dans des émissions dites populaires, ayant lu ici-même la critique positive signée Roland Sabra, et d’autres négatives dans divers organes de presse, j’attendais avec impatience de pouvoir « juger sur pièce » le film d’Éric Lartigau et Victoria Bedos. À ma grande surprise, il était déjà arrivé sur les écrans de Madiana, et je m’y suis précipitée ! Et je n’ai boudé ni ma joie ni mes larmes !

Il se trouve que je venais de lire l’ouvrage autobiographique de Véronique Poulain, inspiratrice et conseillère du film, elle-même enfant entendante de parents sourds, et qui fait une brève apparition sous les traits de cette cliente du marché, stupéfaite de n’obtenir, comme réponse à sa demande, que le sourire de Gigi (Karin Viard, la mère). La réplique de Paula (Louane Emera, la fille) donne alors en partie le ton du film : « Elle sourit, je parle, lui il encaisse. C’est la division du travail » (« lui », c’est le frère).

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Lettre à Riss, nouveau rédacteur en chef de Charlie Hebdo.

— Par Patrick Singaïny[1]
prophete_et_roiComment appréhender la liberté d’expression dans notre espace laïc après l’attentat du 7 janvier 2015 contre Charlie Hebdo et ses caricatures de Mahomet ?

Je me souviendrai toujours d’Aziz, merveilleux dessinateur et peintre, et de ses amis étudiants en arts, des Marocains, des Algériens et des Tunisiens qui comme moi fréquentaient les cours d’histoire de l’art médiéval à la faculté des arts d’Amiens au début des années 1990. J’ai gardé en mémoire les effets déflagrateurs du premier cours durant lequel j’ai entraperçu, entre les passages de diapositives, des têtes baissées quand l’iconologie de la Vierge et du Christ était dûment abordée et montrée. Pourtant intrigué, il m’était impossible de leur parler, tellement leurs yeux rougis au sortir du cours m’intimidaient. C’est autour d’un thé, qu’Aziz m’a expliqué leur désarroi. Tous avaient cru au prosélytisme. Tous avaient été profondément offensés. Réunis chez moi, mes amis maghrébins ont subi un cours de laïcité. Je me souviens avoir beaucoup insisté sur le fait que l’art qu’ils étaient venus étudier s’était débarrassé depuis longtemps de la tutelle de l’Eglise.

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