« Voyage au bout de l’enfer » : un film monument !

7 mars 1979 en salle / 3h 03min / Drame, Guerre
Date de reprise 25 juillet 2018
De Michael Cimino
Par Louis Garfinkle, Quinn Redeker
Avec Robert De Niro, Christopher Walken, Meryl Streep
Titre original The Deer Hunter D’une durée de 180 min ce programme est adapté à tous publics.

Distinctions
Oscars du cinéma 1979
Récompensé – Oscar du meilleur film
Récompensé – Oscar du meilleur réalisateur pour Michael Cimino
Récompensé – Oscar du meilleur acteur dans un second rôle pour Christopher Walken
Récompensé – Oscar du meilleur montage pour Peter Zinner
Récompensé – Oscar du meilleur son pour Richard Portman, William L. McCaughey, Aaron Rochin et C. Darin Knight

Synopsis :
En 1968, trois ouvriers sidérurgistes de Clairton, petite ville industrielle de Pennsylvanie, engagés dans la guerre du Viêt Nam, vont être marqués par l’atrocité de la guerre, que ce soit physiquement ou psychologiquement.
Michael, Nick et Steven, ouvriers américains d’origine slave, travaillent à l’aciérie locale, en compagnie de deux autres amis, Stan et Axel. Ils effectuent un travail dangereux et pénible, exposés à la fournaise de l’acier en fusion à longueur de journée, et finissent leurs journées dans un bar tenu par John, un ami des ouvriers. Durant leur temps libre, ils vont chasser le daim dans les montagnes.
Steven se marie avec Angela, qu’il aime et dont il dit qu’elle l’aime, bien que la grossesse de celle-ci ne soit pas de son fait. Un banquet fête le mariage et le départ des trois amis au Viêt Nam. Après le banquet, Steven confie à Nick son secret et ses angoisses concernant l’enfant d’Angela et l’avenir qui l’attend. Pendant la nuit de noces des jeunes mariés, les quatre autres amis, accompagnés de John, vont chasser le daim. C’est dès cette occasion de détente que se dessine le caractère de Mike, dur et têtu, dispositions qui sauveront ultérieurement sa vie et celles de ses amis. Quelques jours après la cérémonie, Michael et Nick partent, séparément, pour le Viêt Nam.
Deux ans plus tard, Steven le marié, Mike et Nick se retrouvent dans la jungle dans le bourbier qu’est devenue cette guerre. Ils sont capturés par les combattants ennemis qui les emprisonnent entre les pilotis cerclés de barbelés d’une baraque en bambous, sur une rivière boueuse. Dans une cabane, les geôliers forcent leurs prisonniers à s’affronter à la roulette russe, sur lesquels ils parient de l’argent : deux joueurs, un revolver avec une balle dans le barillet, des paris. L’un vit, l’autre meurt. Steven craque le premier. Il échappe de justesse à la balle fatale en détournant le canon de sa tempe : on l’envoie dans un trou à rats recouvert de barreaux d’où seuls émergent son visage et ses mains.
Mike et Nick jouent l’un contre l’autre dans un duel et parviennent à abattre leurs geôliers et à s’enfuir après avoir libéré Steven. Tous les trois se laissent dériver, blessés, accrochés à un arbre mort flottant dans la rivière. Un hélicoptère américain survient, les repère et tente de les secourir : les trois hommes, en s’aidant mutuellement, s’accrochent à un pont de singe pour tenter d’embarquer plus facilement dans l’appareil en vol stationnaire. Nick est saisi par l’équipage mais les deux autres retombent dans l’eau, dix mètres plus bas. Steven, dans sa chute, se brise les deux jambes sur des rochers en contrebas. Au sortir de la rivière, Mike le porte sur son dos puis le remet à des soldats sud-vietnamiens rencontrés sur une route envahie par une population en exode.
Nick est hospitalisé dans un service psychiatrique mais tombe sous la coupe d’un trafiquant, Julien, dans un tripot à Saïgon où des parieurs misent très gros sur des jeux macabres de roulette russe. Mike est là aussi mais il ne parvient pas à rejoindre Nick qui déserte après avoir fait sensation en interrompant une partie et en emportant une importante somme d’argent dans le tripot.
De retour à Clairton, Mike, hanté par ses souvenirs, ne parvient pas à réintégrer sa bande d’amis, malgré la présence affectueuse de Linda, la petite amie de Nick avant leur départ, qu’il aime. Il apprend que Steven est revenu du Viêt Nam, convalescent dans un hôpital. Mike obtient d’une Angela mutique un numéro de téléphone griffonné sur un bout de papier pour joindre son ami : ce dernier, amputé des deux jambes, joue au bingo sur son fauteuil roulant. Il montre à Mike des liasses de billets qui lui arrivent de Saïgon, sans qu’il comprenne d’où et de qui cet argent provient.
Mike comprend que Nick a trouvé dans les paris de la roulette russe un moyen fou d’aider Steven, devenu incapable de subvenir aux besoins de sa femme et de son enfant. Il repart pour Saïgon où, avec l’aide récalcitrante de Julien, il retrouve Nick, drogué, qu’il tente de soustraire à la roulette russe. Mais Nick préfère continuer à jouer et finit par se tirer une balle dans la tête.
Comme il le lui avait promis, Mike ramène le corps de Nick. Il est enterré au pays, dans le cimetière de Clairton. Steven, sorti de l’hôpital, tente de reprendre vie commune avec Angela et « son » fils. Après les obsèques de Nick, les deux survivants et leurs amis portent un toast à la mémoire du défunt en chantant God Bless America.

Analyse
Ce film, généralement considéré comme un des plus marquants sur la guerre du Viêt Nam, s’intéresse moins aux scènes de guerre qu’à la psychologie des personnages et aux ravages produits par les traumatismes subis.
Ce deuxième film de Cimino est également le seul de sa filmographie qui a été reconnu dès sa sortie comme une incontestable réussite. Certains commentateurs y ont vu un « immense chef-d’œuvre » qui adopte l’angle de vue original d’une classe ouvrière américaine rarement filmée. Ce serait selon eux le seul film qui parvient à faire comprendre ce qu’a pu être la guerre du Viêt Nam sans l’expliquer de manière directe.
Le titre original de Voyage au bout de l’enfer est The Deer Hunter, soit « le chasseur de cerf » (voire « le chasseur chéri » si on tient compte de l’assonance peut-être voulue par Cimino entre « deer » et « dear »). Le titre français est une référence directe au célèbre roman de Céline, Voyage au bout de la nuit.

Production
Il y a eu un débat important, controversé, notamment avec les récits contradictoires sur la manière dont Voyage au bout de l’enfer fut développé. Le réalisateur et scénariste Michael Cimino, le scénariste Deric Washburn, les producteurs Barry Spikings et Michael Deeley ont tenu à donner des versions différentes.

Développement
En 1968, le label musical EMI fonde la société EMI Films, dirigée par les producteurs Barry Spikings et Michael Deeley. Deeley a acheté un script appelé The Man Who Came to Play (littéralement « l’homme qui était venu pour jouer ») , écrit par Louis Garfinkle et Quinn K. Redeker pour 19 000 dollarsnote. Le script initial parlait de personnes qui vont à Las Vegas pour jouer à la roulette russe. Deeley était frappé par le scénario qu’il trouvait « brillant, mais n’était pas complet ». L’astuce était de trouver un moyen de le transformer en un film réalisablenote.

Le film étant prévu pour le milieu des années 1970, la guerre du Viêt Nam est encore un sujet tabou pour les majors du cinémanote2. Selon Deeley, la réponse standard était qu’« aucun Américain ne veut voir un film sur le Viêt Namnote . »

Après avoir consulté divers agents d’Hollywood, Deeley a trouvé Michael Cimino, représenté par Stan Kamen de la William Morris Agencynote . Le producteur était impressionné par le travail de Cimino, dans la publicité et avec Le Canardeur, son premier film en tant que réalisateur. Cimino lui-même était confiant qu’il pourrait développer davantage les personnages principaux du script initial sans en perdre l’essentiel.

Après son embauche, Cimino fut appelé à une réunion avec Garfinkle et Redeker dans les bureaux d’EMI. Selon Deeley, Cimino s’est interrogé sur la nécessité de la roulette russe dans le script. Au fil des rencontres, Cimino et Deeley ont discuté du travail nécessaire sur le script. Cimino croyait pouvoir développer les histoires des personnages principaux dans les vingt minutes de filmnote.

Scénario
Cimino a travaillé pendant six semaines avec Deric Washburn sur le script6. Cimino et Washburn avait déjà collaboré avec Steven Bochco sur le scénario de Silent Running. Selon Spikings, Cimino a dit qu’il voulait travailler à nouveau avec Washburn4. Selon le producteur Deeley, il a seulement entendu des rumeurs de bureau qui disait que Washburn a été contacté par Cimino pour travailler sur le scriptnote.

Le film comporte, entre autres, une séquence d’anthologie particulièrement marquante, lorsque les tortionnaires imposent aux prisonniers de jouer à la roulette russe. Dans le script original, c’est Nick (Christopher Walken) qui revenait aux États-Unis et Mike (Robert De Niro) qui restait au Viêt Nam, accroché au jeu de roulette russe.

Choix des interprètes
Roy Scheider devait à l’origine jouer le rôle de Michael, avant qu’il ne soit confié à Robert De Niro. Sur ce film, De Niro ne dérogea pas à sa réputation de perfectionniste et travailla dans une usine de sidérurgie pour se préparer à son rôle. Chuck Aspegren n’était pas acteur quand il a été choisi pour jouer dans le film. Robert De Niro et Michael Cimino l’avaient connu en pré-production quand ils avaient visité une aciérie où il était chef de chantier. Ils ont été tellement impressionnés par son jeu qu’ils lui ont offert le rôle d’Axel.

Voyage au bout de l’enfer lance la carrière d’une toute nouvelle génération d’acteurs : Meryl Streep, Christopher Walken et John Savage.

Tournage
Le tournage du film a duré six mois, s’étalant sur tout l’été et l’automne 1977. Les scènes vietnamiennes ont été tournées en Thaïlande. La rivière vue dans le film est la rivière Kwaï. Les scènes se déroulant en Pennsylvanie ont été tournées en réalité dans l’Ohio, à Mingo Junction. Les scènes de chasse ont été tournées dans le Parc national des North Cascades.

La scène où John Savage crie : « Il y a des rats là-dedans ! » s’adressait en réalité à Michael Cimino. Savage voulait qu’on le tire de l’eau où on l’avait mis car il y avait effectivement des rats dans la rivière. Cimino a décidé de garder la scène pour le film. Les gifles données pendant la scène de roulette russe par les geôliers vietnamiens sont authentiques. Les acteurs agressés étaient très stressés et on peut s’en apercevoir quand on regarde le film. Robert De Niro et John Savage firent leurs propres cascades dans la scène où ils tombent de l’hélicoptère dans la rivière. Cimino a convaincu Christopher Walken de cracher à la figure de Robert De Niro, sans que celui-ci ne soit prévenu, dans la scène de roulette russe à Saïgon. Lorsqu’il l’a fait, la surprise de De Niro était véritable et il a menacé de quitter le plateau de tournage7. Pour sa dernière séquence, Walken a suivi un régime constitué de riz et de bananes pour obtenir un véritable teint blafard, maigrissant un peu au passage.

Le tournage a connu un problème, dû à la maladie de John Cazale ; en effet, celui-ci développait un cancer avant le tournage et, de ce fait, les scènes où il apparaît ont été tournées en premier. Meryl Streep, compagne de Cazale à l’époque, accepta de tourner dans le film pour être à ses côtés en incarnant un rôle secondaire, qui sera son premier grand rôle au cinéma. Dans le scénario, le rôle de l’actrice était secondaire. Mais, pour donner plus d’importance au personnage de Linda, elle fut chargée d’écrire ses répliques. Quand les studios apprirent la maladie de Cazale, ils décidèrent de le remplacer. Streep menaça de quitter le film s’ils renvoyaient son compagnon. Finalement, Cazale termina le film qui sera son dernier, car il mourut peu de temps avant la sortie en salles.

Il fallut cinq jours de tournage pour réaliser la scène du mariage. Un véritable prêtre avait été engagé. L’église utilisée est l’église orthodoxe russe de Cleveland. Le bar où les ouvriers vont se désaltérer après leur journée de travail a été construit dans un magasin vide de Mingo Junction dans l’Ohio et a coûté 25 000 $. Plus tard, il est devenu un véritable bar fréquenté par les travailleurs locaux.

Musique
Le thème musical et les chansons jouent un rôle important dans ce film.

Le thème musical principal est la Cavatine de Stanley Myers, qui porte aussi le titre She Was Beautiful (« elle était belle »), joué à la guitare par John Williams. C’est un morceau de musique mélancolique qui rappelle la vie tranquille et languissante de Clairton.
Un thème musical secondaire est la chanson Can’t Take My Eyes Off of You (« je ne peux détourner mes yeux de toi ») chantée par Frankie Valli, qui fut un succès en 1967 et que l’on peut entendre à plusieurs reprises dans le film, et qui deviendra un tube disco.
Au moment de la cérémonie de mariage et de la fête qui suit, on peut entendre des chants russes orthodoxes comme Slava v vychnih Bogou (en russe : Слава в вышних Богу, Gloire à Dieu) et des chansons du folklore russe comme Korobouchka et Katioucha.
Avant le départ des trois personnages au Vietnam, John joue au piano le début du Nocturne Op. 15 no 3 de Chopin.

Accueil critique
Lors de la présentation de Voyage au bout de l’enfer au festival de Berlin 1979, le film, d’après l’hebdomadaire français L’Express, est hué par une partie de la salle et provoque la colère des représentants de l’URSS, de quatre pays d’Europe de l’Est et de Cuba, qui quittent le festival pour dénoncer « l’insulte faite au peuple vietnamien »[réf. souhaitée]. Au sein du jury, l’actrice britannique Julie Christie proteste également devant la manière dont est présenté « un petit peuple » victime de l’agression américaine. Christopher Walken est le seul membre de l’équipe assez courageux pour venir défendre le film dans le festival, Michael Cimino s’étant enfermé dans sa chambre d’hôtel, trop angoissé à l’idée d’affronter les critiques.

Aux États-Unis, l’acteur John Wayne, qui réalisa et interpréta dix ans plus tôt le film Les Bérets verts, salua Voyage au bout de l’enfer comme un hommage aux GI.

En France, dans la critique du film du quotidien de gauche Le Matin de Paris, le journaliste regrette qu’en trois heures de film, la contestation américaine de cette guerre ne soit jamais évoquée. Dans le Monde, avant d’en analyser la trame, Jean de Baroncelli affirme le caractère raciste du film similaire à Naissance d’une nation, aux anciens westerns américains, mais aussi d’ailleurs à tous les films de guerre. À droite, le quotidien Le Figaro considère que la vraie barbarie au Viet Nam se trouvait chez les communistes vietnamiens et que si des Américains y commirent des crimes sous l’autorité du lieutenant William Calley, ce dernier, lui, fut jugé.

Box-office
Voyage au bout de l’enfer a rencontré un succès au box-office avec 48,9 millions de dollars de recettes10 sur le territoire américain, se classant neuvième meilleure recette de l’année 197811.

Avec un total de 1,9 million d’entrées en France, le film obtint le second plus gros succès commercial des années 1970 de Robert De Niro en France, derrière Taxi Driver.

Source : Wikipedia