Une troisième voix entre immobilisme et violence

Par Laurent Cypria, président du Forum territorial de la jeunesse martiniquaise —

À la suite de son conseil d’administration, le Forum territorial de la jeunesse martiniquaise (FTJM), appelle à la reprise de dialogue urgente entre l’intersyndicale, l’Etat et la CTM, ainsi que la mise en œuvre dans les plus brefs délais de l’ensemble des projets qu’elle porte depuis de nombreuses années. Il nous apparait urgent que tous les Martiniquais, quel que soit leur âge, leur couleur de peau, leur sexe, leur origine sociale, leur religion… prennent du temps pour se parler et de trouver des solutions aux maux de la société. Comme le disait le Docteur Aliker « les spécialistes de la Martinique sont les Martiniquais eux-mêmes ».

A l’heure des « négociations » sitôt ouvertes et sitôt fermée, nous craignons l’embrasement dans la nuit de la Saint-Sylvestre et un début d’année 2022 chaotique. Alors même que la Martinique doit faire face à une situation sociale et sanitaire d’une exceptionnelle gravité, un amer constat s’impose à nous. Seule la fureur, le bruit des balles, les incendies, les barrages et les pillages ont réussi à attirer l’attention de ceux-là même que nous avions alertés sur des sujets de fond. Et pourtant dans la spirale implacable du surenchérissement, combien de fois encore, la société civile se devra d’interpeler les élus locaux et les représentants de l’Etat ? En effet, depuis plus de vingt ans, les organisations de la jeunesse martiniquaise se sont régulièrement mobilisées afin de proposer des solutions concrètes aux maux qui touchent notre société. Compilées et présentées sous diverses formes, la très grande majorité de ces propositions n’ont jamais vraiment été au cœur des préoccupations des autorités. Or les problèmes sociaux s’empilant par couches successives (la chlordécone, la vie chère, l’inégalité des chances, la discrimination à l’embauche, etc.) ces dernières se transforment trop souvent en lettres mortes, en professions de fausse foi. Pour preuve, sur l’ensemble des projets du Livre blanc de la jeunesse initié en 2014, un seul à ce jour a été réalisé, il s’agit de « l’ADOM inversée » rebaptisé « allé-viré ». Quant aux rapports et autre dossiers, ils sont rangés bien précautionneusement dans des placards dont jamais plus ils ne semblent pouvoir sortir…

Co-construire les mesures

Attention, nous ne disons pas que rien n’a été fait, qu’il n’y a pas eu de bonnes volontés, de préoccupations sincères, d’interlocuteurs scrupuleux. Malheureusement, les politiques publiques mises en œuvre sont souvent trop tardives et ne sont pas suffisamment évaluées afin de mesurer leur réelle efficacité. C’est pour cette raison que nous militons inlassablement pour la co-construction des mesures prises entre les élus et la population ainsi que leur évaluation le moment venu.

Si nous avons fait le choix de toujours renoncer à la violence, nous renouvelons notre appel à tous ceux qui partagent nos valeurs à nous rejoindre afin de créer ensemble cette troisième voix, celle de l’action et de l’innovation sociétale qui nous permettra de ressortir grandi des défis qui nous sont toujours lancés. À cet effet, nous invitons les communes signataires du Pacte de la jeunesse à poursuivre leurs efforts à nos côtés. Les non-signataires peuvent aussi nous rejoindre. Plus que jamais, nos bras sont ouverts à l’ensemble des associations et les porteurs de projet en vue de la création de la Fédération des Associations de jeunes de la Martinique.

En outre, nous pensons qu’il est temps de faire peuple, c’est pour cette raison que nous travaillons avec des experts locaux, nationaux et internationaux à la constitution d’un espace de dialogue ouvert à tous les Martiniquais sans distinctions, afin que nous puissions répondre collectivement aux maux de notre société par des mots et des actions concrètes. Notre méthodologie est la co-construction, la justice transitionnelle et la justice restaurative. Il s’agit également de commémorer l’œuvre de nos illustres ancêtres qui a des moments clés de notre histoire ont sacrifié leur vie pour la dignité la justice et la paix du peuple martiniquais.

Nous rappelons également, la nécessité impérieuse de constituer au sein de la CTM un Conseil consultatif permanent de la jeunesse qui pourra être saisi et se saisir de l’ensemble des thématiques relatives aux plus jeunes et qui pourra être initiateur d’actions innovantes ainsi que du plan territorial de la jeunesse (bien évidement, il bénéficiera d’un financement juste, ne diminuant en rien les budgets largement insuffisants attribué à l’éducation, au sport, à la mobilité et à la santé de la population concernée).

Enfin, nous appelons de nos vœux, que tous les projets portés par la jeunesse, notamment ceux figurant au Livre blanc voient le jour avec des budgets mis à disposition a cet effet (…)

Laurent Cypria, président du Forum territorial de la jeunesse martiniquaise