Un verdict très attendu dans l’affaire du déboulonnage des statues en Martinique

— Par Jean Samblé —

Le tribunal correctionnel de Fort-de-France a rendu, ce lundi 17 novembre, son jugement dans le dossier sensible du déboulonnage de plusieurs statues en 2020, une affaire qui avait profondément secoué la Martinique et ravivé les débats autour de la mémoire coloniale. Après trois jours d’audience tendue début novembre, ponctués d’échanges vifs et d’un large écho médiatique, les onze personnes poursuivies pour « destruction de biens appartenant à une personne publique » ont finalement échappé à toute condamnation.

Neuf d’entre elles ont été relaxées pour les faits de dégradation des statues de Victor Schoelcher, Joséphine de Beauharnais et Pierre Belain d’Esnambuc. Les deux autres prévenus, reconnus coupables, ont été dispensés de peine. Le tribunal a notamment souligné que ces actions n’étaient pas guidées par une volonté de détériorer des biens publics, mais s’inscrivaient dans une démarche « politique et militante », conférant à cette affaire une dimension bien plus large qu’un simple dossier de droit commun.

L’atmosphère électrique des audiences illustrait d’ailleurs l’enjeu de ce procès. Les événements jugés remontent à mai et juillet 2020, lorsque quatre statues symboliquement lourdes, trois situées à Fort-de-France et une à Schoelcher, avaient été renversées au cœur d’un mouvement de contestation lié aux commémorations de l’abolition de l’esclavage. Lors des réquisitions, la procureure n’avait demandé aucune peine, une position rare qui avait surpris autant qu’elle traduisait la complexité du dossier.

La salle comble du tribunal a accueilli la décision finale dans un climat de tension mêlée d’espoir. À l’annonce du jugement, embrassades et signes de soulagement ont envahi la salle. Pour plusieurs prévenus, cette issue représente un « rétablissement » et la reconnaissance d’un combat mémoriel légitime. Certains y voient un encouragement à poursuivre la réflexion sur les symboles publics liés à l’histoire coloniale.

Les avocats de la défense ont salué une décision « historique », mettant en avant la primauté de la liberté d’expression et la reconnaissance d’un geste de contestation plutôt que d’un acte de vandalisme. Pour eux, ce verdict constitue une avancée dans la prise en compte juridique des revendications identitaires et politiques.

En relaxant également quatre personnes poursuivies pour refus de se soumettre à un prélèvement biologique, le tribunal clôt une affaire emblématique qui dépasse largement la question du droit pénal stricto sensu. Elle s’inscrit au cœur des débats contemporains sur la mémoire, la justice et l’héritage colonial en Martinique.