Un point de notre histoire dans les débats en cours.

par Gilbert Pago.

 

–Bruno Nestor-Azérot, député de la Martinique vient de faire une déclaration retentissante à l’Assemblée Nationale Française dans le débat sur le mariage pour tous. Je ne reviendrai pas sur son positionnement qui relève de ses convictions personnelles, qu’il faut tolérer même si je ne suis pas d’accord,  mais sur l’argument qu’il a considéré comme le plus important dans son argumentation. Il a déclaré :

« Moi, homme issu d’un peuple opprimé, réduit en esclavage, où le système social était un système qui refusait à un homme et à une femme de pouvoir avoir un enfant et de se marier légitimement, où le mariage était interdit et fut une conquête de la liberté ».

L’argument mérite d’être commenté car l’histoire et notre passé d’esclave sont souvent utilisés, à tort et souvent en total contre-sens. C’est donc en ma qualité d’historien que je me prononce.

Si des maîtres se sont souvent opposés aux mariages des esclaves, pour leurs intérêts. Ce n’étaient ni le cas de la totalité ni le sens de la politique royale exprimée à travers les instructions royales et le fameux Code Noir qui était enregistré par  le Conseil souverain.

Le Code noir, édit du mois de mars 1685, qui fut maintes fois complété les années et les siècles suivants a été appliqué  jusqu’en 1848. Les passages que je cite, datent de 1685 et se retrouvent déjà dans les textes de Patoulet de 1681 ou de Blénac de 1683. Ils n’ont jamais été modifiés dans toutes les mises au point ultérieures.

Le Code noir est dit avoir été rédigé «… pour y maintenir la discipline de l’Eglise Catholique, Apostolique et Romaine et pour y régler ce qui concerne l’état et la qualité des Esclaves dans nos dites isles… »

Article 2 : Tous les esclaves qui seront dans nos isles seront baptisés et instruits dans la religion catholique, apostolique et romaine…

Article 10 : les dites solennités…pour les mariages, seront observées tant à l’égard des personnes libres que des esclaves, sans néanmoins que le consentement du père et de la mère de l’esclave y soit nécessaire, mais celui du maître seulement.

Article 11 : Défendons aux curés de procéder aux mariages des esclaves, s’ils ne font apparaître du consentement de leurs maîtres…

Article 12 : Les enfants qui naîtront de mariage entre esclaves, seront esclaves et appartiendront aux maîtres des femmes esclaves, et non à ceux de leur mari, si le mari et la femme ont des maîtres différents.

C’est au nom de cet édit que les maîtres qui ont séparé des familles ont été attaqués, difficilement il faut le reconnaître, lorsqu’ils ont séparé des famille ou vendu des pères surtout lorsque les esclaves mariés appartenaient à deux maîtres différents. Ces cas d’injustice ont été nombreux mais il ne faut pas affirmer que le mariage n’a été acquis que par l’émancipation de 1848. Au contraire l’église, avant 1848, se lamentait du fait que les esclaves se mariaient peu. En effet, l’esclave souhaitant se marier voulait avoir bien plus que son maigre butin à offrir et souhaitait avec son « jardin » et ses « talents » de charpentier ou autres, apporter beaucoup plus à sa famille. Il voulait avoir un meilleur pécule pour sa famille, même quand il avait en fait déjà des enfants.

N’ajoutons donc pas, cet argument à nos «  récriminations » !

Gilbert Pago.