Rencontre avec Guillaume Robillard Mardi 18 novembre – 9h à 10h Salle 10 – Faculté Jean Bernabé, Campus de Schœlcher

— Par Sarha Fauré —
La Faculté Jean Bernabé a l’honneur de recevoir Guillaume Robillard pour une présentation approfondie de son ouvrage majeur, Un cinéma décolonial : les personnages du cinéma antillais, publié aux Presses universitaires des Antilles dans la collection Arts et esthétique. Cette rencontre propose une plongée rare au cœur d’un champ cinématographique encore peu étudié, mais d’une richesse esthétique et politique considérable : le cinéma des Antilles françaises.
Un ouvrage fondateur sur l’ensemble du cinéma antillais
Première étude systématique consacrée à l’intégralité des longs-métrages de fiction réalisés par des cinéastes antillais ou d’origine antillaise, ce livre interroge la possibilité d’un véritable regard de l’intérieur (insider’s view) dans la représentation de la Guadeloupe, de la Martinique et, plus largement, de la Caraïbe.
Guillaume Robillard y analyse près d’un demi-siècle de films dont il cherche à comprendre les continuités, les singularités et les logiques esthétiques.
L’auteur distingue trois espaces cinématographiques :
- le cinéma antillais-péyi, ancré dans les territoires de Guadeloupe et de Martinique ;
- le cinéma antillais-lòtbòdlo, réalisé en France hexagonale ;
- le cinéma antillo-tout-bò, tourné ailleurs dans le monde (Afrique, États-Unis, autres espaces diasporiques).
Cette tripartition permet de saisir comment les imaginaires circulent, se déploient et se transforment selon les lieux du récit et les trajectoires des cinéastes.
Quatre figures centrales : des acteurs de mémoire et de décolonisation
Au cœur de l’analyse, Guillaume Robillard identifie quatre personnages récurrents qui structurent profondément le cinéma antillais et lui confèrent une identité propre :
- Le conteur créole, figure de transmission et de mise en récit des mémoires collectives ;
- Le Nègre marron, symbole des résistances historiques et de la quête de liberté ;
- Le gadèdzafè-kenbwazè, médium-sorcier ancré dans les spiritualités locales, entre visible et invisible ;
- La femme au rôle central, témoignant d’une forte fémifocalité dans les narrations antillaises.
Ces figures, loin d’être de simples archétypes, constituent selon l’auteur les fondements d’un discours décolonial, perceptible dans la manière dont les films remettent en question les récits imposés, réécrivent les rapports de pouvoir et élaborent une esthétique propre aux sociétés postcoloniales antillaises.
Robillard montre comment, de film en film, ces personnages deviennent des médiateurs entre mémoire, fiction, histoire et imaginaires, tout en soulignant que ce discours décolonial se transforme et peut s’atténuer au fil des œuvres.
Un cinéma qui dialogue avec le monde
L’ouvrage s’intéresse également aux résonances entre le cinéma produit dans les territoires antillais et celui réalisé par des Antillais ailleurs dans le monde. Que se passe-t-il lorsque les mêmes figures symboliques sont réinvesties dans l’Hexagone, ou confrontées à d’autres histoires noires (africaines, afro-américaines, caribéennes) ?
Ces mises en parallèle dévoilent des continuités inattendues, mais aussi des tensions esthétiques, identitaires et politiques qui enrichissent l’étude.
Un essai accessible, documenté, éclairant
Riche en analyses fines, en exemples filmographiques et en illustrations, Un cinéma décolonial s’impose comme un ouvrage essentiel pour comprendre la manière dont les cinéastes antillais mettent en scène la mémoire, les luttes, la spiritualité et la complexité des sociétés caribéennes. L’essai se distingue par sa clarté, sa rigueur et sa volonté de rendre accessible un corpus encore confidentiel, mais fondamental pour l’histoire des images caribéennes.
Cette rencontre sera l’occasion d’échanger avec Guillaume Robillard sur ses méthodes de recherche, ses découvertes et les enjeux théoriques qui traversent son travail.
Ouverte à toutes et tous, étudiantes, chercheurs, cinéphiles et curieux des cinémas du monde.
Entrée libre – Salle 10, Faculté Jean Bernabé, Campus de Schœlcher.
