UMOJA : un show superbe comme une planche de salut pour les jeunes des townships de Soweto

— Par Roland Sabra —



Raconter l’histoire multimillénaire d’un peuple à travers sa musique, ses chants et ses danses tel est le pari magnifiquement réussi de deux femmes sud-africaines, Thelmi Nyandemi, ancienne danseuse étoile d’un spectacle renommé «  Ipi Ntombi » et Todd Twala, chorégraphe qui dans les vingt dernières années du vingtième siècle décidèrent d’unir leur forces et de mettre au service d’une noble cause : sortir les enfants des boulevards qui mènent au crime et leur offrir une possibilité de s’approprier leur histoire niée par le régime de l’apartheid. Umoja nous conte une histoire éternelle, universelle, parce que très précisément inscrite en un lieu géographique, historique, ethnographique on ne peut plus précis, celui du peuple Zoulou. A travers toutes les vicissitudes de l’histoire, mais aussi ses moments flamboyants, dans les rites de la naissance, de l’initiation, des mariages, de la mort des proches et des ancêtres UMOJA nous rappelle que l’ histoire de l’humanité n’est rien d’autre que l’histoire des hommes et des femmes, de leurs amours, de leurs rivalités, de leurs différences irréductibles, et de leurs rencontres possibles et impossibles. Jamais la vie n’est réduite à la survie biologique, dans les circonstances les plus tragiques, les situations d’oppression les plus grandes, il y a toujours une absolue nécessité de faire œuvre d’art, de poser un acte de création, d’invention comme pour faire la nique à la mort. La cuillère, la gamelle, la poubelle, la paire de bottes et la planche à laver pour créer la musique et la danse qui forceront les murs du camp, du ghetto, de la prison.

Comme fil d’Ariane dans le dédale de cette longue histoire, il faut un narrateur, aux cheveux blancs, vêtements à l’européenne mais tissu de chemise africain, clin d’oeil au père de la nation Nelson Mandela, qui va présenter les cinq tableaux du spectacles. Da quoi parlent les femmes ? Des hommes! De quoi parlent les hommes? Des femmes ! Elles disent : « Pour les hommes le pot à boire est toujours plein et la tête? Toujours vide! ». Ils boivent et elles dansent pour les défier, les obligeant ainsi à poser le pot à boire pour montrer ce qu’ils savent faire. Défi qui traverse toutes les époques, de la société traditionnelle avec ses guerriers couverts de plumes et ses femmes couvertes de perles, à l’Afrique du Sud contemporaine avec ses musiques du Kwaito et du Pantsula en passant par le «gumboot dancing» avec ses bottes de mineurs et ses poubelles en plastique pour faire sonner les notes rugueuses des chants de revendication. Juste avant l’entracte, c’est la découverte des instruments des blancs, leur récupération pour inventer le jazz de Sophiatown, le swinging de Jo’Burg dans « shebeens », les cabarets illégaux et donc clandestins.


La deuxième partie commence avec les gospels et rappelle l’ambiguïté des églises dans les luttes contre l’oppression. De la Pologne de Jaruzelski à l’Afrique du Sud de l’apartheid elles sont d’abord lieu de rassemblement et de résistance mais ensuite lieu d’aliénation quand perdure leur fréquentation une fois les dictatures tombées. Cette partie du spectacle un peu longue, verse dans une mièvrerie humaniste démentie par la réalité sociale du contexte. Le dernier tableau est un hommage à la musique actuelle de la jeunesse, traversé d’une inquiétude concernant la transmission de cette mémoire des luttes pour l’émancipation à des générations qui en bénéficient sans y avoir participer.

Le public martiniquais a réservé un accueil triomphal à la machine UMOJA, aujourd’hui composée de trois troupes, qui se produisent dans le monde entier et qui est installée à Londres.

L’organisation foyalaise a été fidèle a elle-même, caractérisée par l’imprévoyance, la survente au prix fort de places forcément debout et les passe-droits pour les copains, les copains des copains, leurs femmes, leurs maîtresses et leurs enfants. Letchimy aura besoin de plus d’une mandature s’il veut mettre bon ordre dans cet héritage.

UMOJA :  » The spirit of Togethernes »

Les 10 et 11 juillet au Grand Carbet de Fort-de-France

Roland Sabra

11/07/2006