Traite et esclavage : un jour férié nécessaire pour unr appropriation mémorielle collective

— Par Yves Untel-Pastel, Ethnologue, Poète, Auteur-Compositeur —

Le Passage du milieu, film de Guy Deslauriers

Un crime collectif, une responsabilité collective

De mille façons nous devons le redire : Il faut « Un jour férié » pour honorer la mémoire de nos ancêtres africains réduits en esclavage pendant quatre siècles ! De l’an 1 400 à l’an 1 800 de notre ère. C’était hier. Tous les grands peuples du moment y ont pris leur part, y ont trouvé bénéfices et intérêts. Ce fut un crime collectif dont nul ne peut se dédouaner. Des fortunes se sont bâties sur des millions de morts et un continent entier disloqué, l’Afrique. Les grandes nations d’aujourd’hui y ont trouvé le sang de leur grandeur. Elles en jouissent encore, et leurs peuples profitent des fruits de leurs développements. Tant de peuples oublieux. Qu’ils furent européens, arabes, africains. Toutes les grandes religions et toutes les obédiences du moment ont admis et couvert l’inadmissible, musulmane, chrétienne, juive, animistes, athées. C’est l’histoire de l’Orient et de l’Occident. C’est l’histoire des Africains et des Européens, c’est l’histoire de l’Afrique, c’est l’histoire de toute l’Europe, c’est l’histoire de la France et de tous les Français sans exception, c’est la souffrance de tous les descendants d’esclaves africains de part le monde, celui des Antillais qui peinent à trouver une juste place dans l’histoire de France aux heures des mémoires fondamentales. Rappelons-nous que la mémoire fait l’histoire, et que l’histoire fait la mémoire. L’une et l’autre produisent les souvenirs collectifs et les gestes sociaux d’aujourd’hui. Entendez, entendons qu’il n’y a pas de sous-hommes, ni de sous citoyens, il n’y a pas de mémoires prédominantes et de mémoires secondaires : Les citoyens noirs de France et du monde courent le grand péril de l’oubli et ses multiples traductions dont sont les discriminations raciales et sociales, les relégations citoyennes et identitaires, la domination économique et politique, la dislocation et l’exil permanent. Et le propre oubli des noirs d’aujourd’hui sera leur tombeau.

Une co-responsabilité Devant le devoir de réparation

La loi Taubira reconnaissant « l’Esclavage et la traite négrière comme crime contre l’humanité » a creusé un premier chemin de souvenir et de réhabilitation. Ce n’était, ce n’est qu’une tranchée dans le granite de la négation récurrente. Il faut que cette semence législative se déploie dans la terre citoyenne et porte des fruits concrets, un bénéfice collectif mesurable. Il est un constat qu’en matière de droit et de justice rien n’est acquis ; il en est de même pour la réhabilitation des mémoires. Il faut mener bataille sans relâche. Nous (j’entends le peuple des noirs) avons été les marchepieds du monde, le fumier dans des jardins de luxuriance. Nous ne pouvons oublier, nous ne pouvons laisser oublier. La France tout entière apprend doucement à se réconcilier avec son histoire, à dire une mémoire partagée plus juste. Mais combien difficile est l’acceptation de ce nouveau regard mémoriel transversal. L’urgence de guérir nos inconscients exige un engagement collectif fort, puissant, solennel, irrévocable.

Un jour férié
 
Il faut un jour férié de partage et de rappel national à la mesure de l’offense subit : L’esclavage et la traite négrière, un crime séculaire et planétaire. Et il faut ce jour dans chaque nation, comme une sauvegarde contre la résurgence des temps de barbarie. À chacun d’œuvrer en état d’éveil permanent pour que nul n’oublie. Le 27 avril ou le 10 mai, au service du symbole et de l’unité, le sens du consensus, l’intelligence, la générosité doivent l’emporter. Pour la France et pour chaque Français, le jour choisi, sera un jour férié à inscrire en lettres écarlates dans notre calendrier national !

Yves Untel-Pastel
Ethnologue, Poète, Auteur-Compositeur.