Traite des êtres humains : le nombre de victimes explose en France

Plus de 7 200 personnes recensées en 2024, dont une écrasante majorité de femmes

— Par Sabrina Solar —

Le dernier rapport de la Mission interministérielle pour la protection des femmes contre les violences et la lutte contre la traite des êtres humains (Miprof) révèle une hausse spectaculaire du nombre de victimes de traite en France. En 2024, 7 285 personnes ont été identifiées par les associations spécialisées, soit plus de 20 % de plus qu’en 2023. En deux ans, leur nombre a presque doublé.

Des femmes et des jeunes en première ligne

Selon la Miprof, 89 % des victimes recensées sont des femmes, toutes formes d’exploitation confondues. Dans la grande majorité des cas, il s’agit de traite à des fins d’exploitation sexuelle. Le Nigéria reste le principal pays d’origine, avec 1 223 femmes dénombrées, presque toutes contraintes à la prostitution.

Autre donnée inquiétante : plus de la moitié des victimes majeures accompagnées avaient commencé à être exploitées alors qu’elles étaient mineures. En 2024, 14 % des victimes étaient encore des enfants, principalement exploités sexuellement ou par le travail.

De nouvelles filières, des trafics qui se diversifient

Si l’exploitation sexuelle demeure le visage le plus visible de la traite, l’exploitation par le travail représente désormais près d’une victime sur dix. Ce chiffre reste probablement sous-évalué, selon la Miprof, car les associations sont moins présentes dans certains secteurs professionnels.

L’exemple des vendanges de la honte à Châlons-en-Champagne, jugée à l’été 2024, illustre cette réalité : 57 travailleurs étrangers non déclarés y étaient employés dans des conditions indignes, sans contrat ni rémunération décente.

Les enquêteurs notent par ailleurs une mutation des réseaux criminels. Certains trafiquants issus du commerce de stupéfiants se reconvertissent dans le proxénétisme, jugé plus rentable et moins risqué, notamment grâce à l’usage du numérique, qui facilite le recrutement et la dissimulation des victimes.

Des associations en première ligne, mais des moyens limités

Sur les 7 285 victimes repérées, environ deux tiers (4 823) ont pu être accompagnées par des associations : hébergement, soins médicaux, démarches administratives ou obtention de titres de séjour. Mais les structures d’accueil, déjà saturées, peinent à répondre à l’ampleur du phénomène.

Les auteurs du rapport soulignent que la prise en charge reste insuffisante, alors même que les victimes protégées sont souvent des alliées précieuses pour le démantèlement des réseaux.

Il est temps de bâtir une véritable chaîne de protection”

Dans la préface du rapport, Roxana Maracineanu, secrétaire générale de la Miprof, appelle à une réaction urgente :
« Prendre conscience de la réalité de la traite des êtres humains relève de l’urgence. Il nous appartient, à nous pouvoirs publics, de soutenir les associations et de bâtir une véritable chaîne de protection qui donne le courage de dénoncer. 

Depuis 2016, la Miprof mène chaque année une enquête auprès d’une quarantaine d’associations pour dresser un état des lieux de la traite en France. Les données 2024 ont été collectées entre février et juillet 2025.

Un phénomène toujours plus invisible

La Miprof alerte enfin sur l’invisibilisation croissante des victimes, conséquence directe de la numérisation des pratiques d’exploitation et du manque de coordination institutionnelle. Derrière les chiffres, des milliers de destins brisés et une urgence : celle de renforcer les moyens humains et financiers pour que la France ne se contente plus de constater, mais agisse.