«The Sessions», une véritable histoire d’assistance sexuelle

Récit Le film sorti cette semaine est inspiré du récit fait par Mark O’Brien, poète américain handicapé, de son expérience avec Cheryl Cohen Greene, «sex surrogate» aux Etats-Unis.

Par ERIC FAVEREAU

De magnifiques personnages. Et c’est assurément la force mais aussi la limite de ce film, The Sessions, qui a décidé de se coltiner un thème casse-gueule, celui des assistant(e) s sexuel(le)s pour les personnes handicapées qui se trouvent dans l’impossibilité physique ou psychique d’actes sexuels. Un film qui, du festival de San Sebastian à celui de Toronto et de Londres, a accumulé les prix.

Comment résister à ces personnages qui éblouissent ? Ils sont beaux, charmants, drôles, émouvants, caustiques, et leur séduction est d’autant plus efficace que l’on nous dit que «tout est vrai». Car il s’agit de «l’histoire vraie du poète et journaliste Mark 0’Brien qui, à 38 ans, a entrepris de perdre sa virginité, dans des conditions assez particulières». Cet artiste américain a survécu à une attaque de polio dans les années 50, mais le prix en a été lourd: il a dû passer la plus grande partie de sa vie dans un poumon d’acier qui lui permet de respirer, ne pouvant en sortir que 2 à 3 heures par jour. Une vie handicapée enfermée dans son corps et son sarcophage d’acier.

«Les notes d’une thérapeute clinicienne»

A l’approche de la quarantaine, Mark O’Brien a donc l’envie saugrenue d’être comme tout le monde, et donc, entre autres choses, de goûter à tous les plaisirs de la vie. Il prend la décision d’engager une professionnelle de l’assistanat sexuel, un métier officiellement reconnu aux Etats-Unis, où on compte plus d’une centaine de «sex surrogate». Et cela marche. Mark O’Brien va plus tard raconter cette expérience dans un article, publié en 1990 dans le magazine littéraire The Sun (1).

C’est cet article qui est à la base du film. Cheryl Cohen Greene, l’assistante sexuelle interprétée dans le film par Helen Hunt, existe toujours. C’est une femme exceptionnelle, comme la décrivent volontiers le metteur en scène, Ben Lewin, ainsi qu’une journaliste du Sunday Times Magazine qui l’a rencontrée longuement. Jeune mamie de 68 ans, elle est toujours mariée, continue son travail, et vit à Oackland, sur la côte Pacifique des Etats-Unis. Lors de la rédaction du scénario, le metteur en scène est allé la voir : «Ma première rencontre avec Cheryl a été cruciale. A un moment donné, elle m’a demandé si cela m’ennuyait qu’elle se réfère à ses notes. J’ai pensé: elle a des notes ? C’étaient les notes d’une thérapeute clinicienne, pas celles d’une travailleuse du sexe.»

«Le métier idéal»

L’actrice, Helen Hunt, qui va endosser le rôle de Cheryl, doit lui ressembler. Elle est belle comme tout. Elle joue doucement, mais le fait sans hésiter. S’approche du corps de Mark, comme une pro. «Je voyais, dit l’actrice, un défi de jouer Cheryl comme une professionnelle ordinaire. Je ne connaissais pratiquement rien sur l’assistance sexuelle avant de jouer, mais j’ai vite découvert que c’est un métier sérieux, même s’il s’aventure sur un territoire délicat.» «Quand j’ai rencontré Cheryl, poursuit Helen Hunt, elle m’est apparue très douce, très candide. On a beaucoup parlé, elle m’a dit que son job était de dire à mon patient comment il était, et de lui dire que j’étais totalement ok avec ça. Voilà, il a un corps, j’ai un corps, et on y va». La vraie Cheryl poursuit : «Ce métier était une vocation, pour moi c’était le métier idéal car je menais une quête personnelle pour me sentir mieux dans ma peau et ma propre sexualité.» Elle a suivi pour cela différentes formations en sexologie. Cheryl a commencé son métier d’assistante sexuelle en 1973, après avoir travaillé dans une clinique où elle faisait du soutien téléphonique.

Dans le film, Mark, enfermé dans son poumon d’acier, lui demande, la première fois qu’il la voit : «Mais quelle est la différence entre ce que vous faites et se prostituer ?» Elle répond : «Une prostituée fait tout pour garder son client.» La vraie assistante sexuelle ajoute : «Beaucoup de gens pensent que notre travail c’est d’avoir et de faire du sexe. Or ce n’est pas ça. 90% de notre temps dans les séances tournent autour de la relaxation, de la communication, de la pédagogie.» Des séances d’une heure entre 100 et 150 dollars, dans une série de 6 à 8 séances. «Or, explique Cheryl, ce n’est qu’à partir de la cinquième séance que l’on commence à s’embrasser, et se toucher.» En tout état de cause, ces séances sont limitées en nombre, pas plus de 12.

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