Sur France Musique, « L’invité du jour : Olivier Py »

« Il n’y a pas de logique sanitaire à la fermeture des salles, c’est donc une injustice »

Au Théâtre des Champs-Élysées, à Paris, Olivier Py met en scène La Voix humaine de Poulenc, sur un livret de Jean Cocteau, et une création mondiale, sur un livret qu’il a lui-même écrit, Point d’Orgue du compositeur Thierry Escaich. L’occasion pour lui d’évoquer aussi l’avenir du Festival d’Avignon, qu’il dirige.

À voir en ligne fin mars, les opéras

La création de Point d’orgue met en miroir La Voix Humaine de Francis Poulenc, offrant une résonance actuelle à cette œuvre phare du XXe siècle. Le spectacle, par lequel Poulenc “dialogue” avec le compositeur Thierry Escaich, sera disponible sur France Musique le 27 mars, et disponible en VOD sur le site du Théâtre des Champs-Élysées.

Olivier Py retrouve pour cette nouvelle production la soprano Patricia Petibon¹, avec qui il aime collaborer : « Elle est comme ma petite soeur…. Elle est éblouissante et a une beauté surnaturelle. Elle donne à cette partition de “La Voix humaine” quelque chose de nouveau, débarrassé du mélodramatique, quelque chose de plus cru, violent et parfois drôle ». Cette entente entre eux avait été palpable lors de la production des Dialogues des Carmélites² de Poulenc, une œuvre qu’ils avaient créée en 2013 et donnée plus récemment en 2018 au Théâtre des Champs-Elysées, avec le chef d’orchestre Jérémie Rhorer³. C’est donc dans ce même théâtre et avec le même chef que le metteur en scène propose ce diptyque, à voir prochainement en streaming.

Préparée depuis plus de deux ans, cette nouvelle production sera jouée sans public : « C’est absolument déchirant », confesse Olivier Py. Selon lui, une création sans public n’existe pas : « Tant qu’il n’y a pas la confrontation du public, on ne sait pas ce qu’est véritablement l’oeuvre qu’on a proposée sur le plateau. »

Quel futur pour le Festival d’Avignon ?

Olivier Py est le directeur du Festival d’Avignon depuis 2013. Suite à l’annulation de la 74e édition en 2020, son mandat et celui de Paul Rondin, le directeur délégué, ont été prolongés jusqu’en août 2022.

Le Festival s’était réinventé en octobre en une « Semaine d’art », elle-même écourtée. La prochaine édition aura lieu du 5 au dimanche 25 juillet 2021, et le programme sera annoncé le 24 mars 2021. Le OFF, lui, aura lieu du 07 au 31 juillet 2021, si les conditions sanitaires le permettent. Les équipes du Festival travaillent quotidiennement avec la ville et le préfet sur différents scénarios pour permettre à la prochaine édition de se dérouler – étant entendu que ces différentes options envisagées ne peuvent être que des hypothèses, et que le choix définitif dépendra de l’évolution de la pandémie, en Europe et dans le monde. Mais bien qu’il reste de nombreuses incertitudes, en particulier concernant la venue de compagnies étrangères – Afrique du Sud, ou même Belgique etc. –, « il faut absolument qu’on ait un festival cette année… ne pas avoir de festival serait mortifère »,  déclare Olivier Py, « le festival a un impact très grand sur l’ensemble de l’année du monde du spectacle, et tous azimuts, théâtre, danse, musique… ». Les spectacles au festival IN d’Avignon pourraient « se donner davantage en plein air » que d’habitude.

Quel avenir pour le monde du spectacle vivant ?

Olivier Py affirme avoir des échanges réguliers avec la Ministre de la Culture, qu’il implore de rouvrir les théâtres : « Elle a réussi sur le côté budgétaire mais elle n’a pas réussi à rouvrir les salles, même si je pense qu’elle s’est vraiment battue… Au-delà de l’inquiétude qu’on peut avoir sur la partie économique du secteur, on a un sentiment d’injustice. On a envie de croire que pour ce gouvernement, la culture n’est pas essentielle. Alors qu’au contraire, la République Française est censée créer un service public de la culture. Il y a eu là quelque chose qui cicatrisera difficilement dans le rapport entre le monde de la culture et les politiques. »

« Laissez-nous leur ouvrir nos salles… » : Dans le même esprit, Muriel Mayette-Holtz, l’actuelle directrice du CDN – Théâtre National de Nice, et qui fut de 2006 à 2014 la première femme administratrice de la Comédie Française,  vient d’écrire à Roselyne Bachelot pour lui demander d’ouvrir les théâtres aux écoles.
« Madame la Ministre,
Le théâtre est une école de la vie. Nous vous savons proche des artistes et combattante pour la culture, aussi, c’est à nous de vous faire des propositions. Si nos théâtres sont toujours fermés, afin de faire respecter la prudence que nous impose la situation sanitaire, aujourd’hui les écoles sont, par chance, encore ouvertes. Nous souhaitons apprendre à nos enfants qu’il y a d’autres réalités qu’un écran fictionnel, et que  le théâtre a un rôle majeur à jouer sur ce point. C’est justement parce que les acteurs sont vivants et qu’ils racontent de fausses histoires, que l’on peut y croire vraiment  (…) »

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L’opéra : Opéras chantés en français, surtitrés en français.

En 1958, deux ans après les Dialogues des Carmélites, Poulenc compose La Voix humaine, une œuvre en un acte et pour un personnage féminin, une femme seule et face au désarroi de la rupture amoureuse. Compositeur aux multiples facettes et talents, à l’écriture orchestrale riche et nourrie de résonances au sacré, Thierry Escaich s’est ici imposé pour composer une “pièce miroir » à celle de Poulenc. L’enjeu est d’imaginer la suite du monologue de Poulenc en un dialogue renoué entre Elle et Lui. Après les mots de Cocteau, ceux d’Olivier Py, homme de théâtre au verbe moderne, offriront une vision autant humaine qu’humaniste au dialogue du couple… C’est bien de dialogue qu’il est ici question, celui de deux êtres au bord de la rupture, celui des mots de Jean Cocteau et Olivier Py, et celui de deux musiciens sensibles et profondément modernes, Francis Poulenc et Thierry Escaich.

La Voix humaine (Jean Cocteau, Francis Poulenc © Ed. Ricordi S.A.) : La Voix humaine est une tragédie lyrique en un acte composée en 1958 d’après un monologue du même nom, écrit par Jean Cocteau pour le théâtre en 1930. L’œuvre de Poulenc fut créée le 6 février 1959 salle Favart à Paris avec la soprano Denise Duval. Ce qui est donné à entendre est le monologue téléphonique douloureux d’une amoureuse délaissée – deux interlocuteurs invisibles sont sous-entendus. L’orchestre, tour à tour, accompagne le chant ou commente les parties en Sprechgesang, un style de récitation à mi-chemin entre la déclamation parlée et le chant.

Point d’orgue © 2020 by Gérard Billaudot Éditeur. Point d’Orgue est une commande du Théâtre des Champs-Elysées, de l’Opéra de Dijon, de l’Opéra National de Bordeaux, de l’Opéra de Saint-Etienne et de l’Opéra de Tours. Le livret est paru chez Actes Sud-papiers, le 10 Février 2021 : « Lui » est en dépression. Il a renoncé à un bonheur fragile, il a des pensées suicidaires, cherche à se diminuer par le châtiment physique et les situations humiliantes… Point d’orgue présente le parcours intérieur de ce personnage en trois étapes. Le Purgatoire  : 2 hommes, 1 femme / 1 h. L’Enfer : 2 hommes / 1 h. Le Paradis : 2 hommes / 1 h.

Le point d’orgue, en musique : sa fonction habituelle est de prolonger la durée de la figure de note ou de silence sur ou sous laquelle il est placé, ceci, au gré de l’exécutant.

Distribution : 

Direction : Jérémie Rhorer / Mise en scène : Olivier Py / Décors, costumes : Pierre-André Weitz / Lumières : Bertrand Killy /  Elle : Patricia Petibon / Lui : Jean-Sébastien Bou / L’Autre : Cyrille Dubois.


  1. Patricia Petibon est une soprano colorature française. Artiste éclectique, elle se fait connaître dans le répertoire de la musique baroque française puis aborde le répertoire classique avec Mozart et le répertoire moderne avec Francis Poulenc.
  2. “Dialogues des carmélites” est un opéra français en trois actes de Francis Poulenc. Le livret du compositeur reprend (avec quelques coupures) un scénario posthume de Georges Bernanos, inspiré de la nouvelle de Gertrud von Le Fort, “Die letzte am Schafott, La Dernière à l’échafaud”, et adapté à la scène par Jacques Hébertot en 1952. L’opéra fut créé le 26 janvier 1957 à la Scala de Milan dans une version italienne de Flavio Testi. La première de la version française eut lieu à l’Opéra de Paris le 21 juin de la même année.
  3. Jérémie Rhorer, né le 15 juillet 1973, est un chef d’orchestre français et le directeur du “Cercle de l’Harmonie”, orchestre sur instruments d’époque spécialisé dans le répertoire des XVIIIe et XIXe siècles, explorant près d’un siècle de musique, dont Berlioz est la figure centrale, et qui irait de Gluck à Wagner en passant par Gaspare Spontini et Berlioz à l’opéra, et de Haydn à Johannes Brahms dans le domaine symphonique.

Fort-de-France, le 3 mars 2021, par Janine Bailly, d’après France-Musique,  le site du Théâtre des Champs-Élysées, Wikipédia