— Par Yves-Léopold Monthieux —
« Les politiques qui fustigent Emmanuel Macron en pensant capter le pays devraient entendre un poète disparu, qui parlait il y a 67 ans de notre colonialisme; ses mots font pièce à leur ignorance. Martiniquais, Aimé Césaire était de France, de langue, peut-être de rêves, certainement de blessures, absolument d’intelligence. Il n’avait pas les délicatesses hypocrites de notre âge ». Voilà comment débute, sur Slate. Fr, l’article de Claude Askolovitch Admettons le crime contre l’humanité du colonialisme.
Ce titre aurait pu s’écrire par l’affirmatif tant l’adhésion de l’intellectuel à cette assertion paraît évidente. Il réagit à l’interview sur la colonisation française qu’a donnée Emmanuel Macron au cours de son récent séjour en Algérie. On connaît l’esprit vif et tranchant de ce turbulent chroniqueur que l’honnêteté intellectuelle n’interdit pas de revenir sur certaines de ses positions. La réaction de cette tribune ayant lieu dans l’urgence, je n’ai pas retrouvé l’article à charge qu’Askolovitch avait rédigé dans le Nouvel Obs, il y a une quinzaine d’années, contre Aimé Césaire et plus particulièrement contre Discours sur le colonialisme.
Je me souviens simplement que le chroniqueur était particulièrement remonté contre le poète pour le rapprochement que celui-ci avait fait entre le nazisme et le colonialisme.

Dans mon livre MARIE-JEANNE, la fin d’une époque, j’écrivais :
Il n’existe pas d’hommes qui soient vertueux à tous les moments de leur existence. Plus une personnalité politique, intellectuelle ou humanitaire s’exprime dans la durée, plus il risque de dévier aux valeurs qui l’ont construite. Et, dans le cas contraire, plus elle a des chances de se rattraper. Je l’ai récemment relevé pour Gandhi qui s’était révélé un théoricien raciste avant de devenir l’humaniste qu’on a connu. J’ai ainsi comparé le jeune disparu Frantz Fanon, à l’image immaculée, et le vénérable Aimé Césaire, dont la dernière phrase n’avait pas franchement ravi tous ses fidèles : « Nous avons besoin de vous [la France] car c’est grâce à vous que nous survivons ». Reste que le buste de Gandhi continuera de siéger dans la ville de Césaire alors que, chargée par de faux historiens, Joséphine n’y a pas droit de citer. Mais les critiques qui visent l’écrivain Raphaël Confiant tiennent à ses sorties de route, pas à sa longévité politico-littéraire. De sorte que bien de ceux qui ne supportent pas les écarts de l’homme public restent amoureux de son œuvre.
La rentrée politique de NOU PEP-LA à Terpsichora, au Lamentin, avait de la gueule. On se rappelle que Marcellin Nadeau avait su donner un air original à sa participation à l’élection de la collectivité de Martinique, en décembre 2015. Les adversaires les plus déterminés de l’indépendance avaient reconnu l’intelligence du discours de celui qui avait su élever le courant politique qu’il représente (GRS, CNCP et MODEMAS) à un niveau électoral jamais atteint. Ce ne sont pas ses vieux compagnons, les spécialistes du passé, qui diront le contraire. Seul le slogan, « An nou poté mannèv » , emprunté au vocabulaire guadeloupéen, pourrait faire tiquer les défenseurs de l’identité martiniquaise. Mais l’import en tous genres n’est-il pas devenu, avec la culture du passé, la marque de fabrique de la Martinique ?
« Comme quoi, nul n’est complètement « pur » et « clair » dans les référencements historico-raciales… ». C’est par cette phrase qu’Antilla termine l’introduction de l’article parue au numéro 1737, « Gandhi, précurseur de l’apartheid ?… ». A cette affirmation négative qui pourrait être mienne, j’ajouterai, comme Martin Luther King, que tout homme a en lui un raciste qui sommeille. Mais de même qu’il n’y a pas d’amour sans preuves d’amour, en fait de racisme on ne retient que les actes. Les actes que son tempérament, son éducation, ses convictions religieuses, ou plus généralement sa culture, n’ont pas su permettre à l’individu de refréner.
Soyons clairs, la disparition des fonctionnaires métropolitains en Martinique n’est pas pour demain. Même en cas de séparation d’avec la France, les Martiniquais pourraient encore en être demandeurs. Cependant, l’image donnée par les réunions des chefs de service de l’Etat et de la justice ne laissent pas de choquer, à juste titre, en raison de la présence quasi exclusive de responsables métropolitains lors de ces rencontres.
Ainsi donc, le ministre des sports vient de renouveler son désaccord pour l’affiliation directe du foot-ball martiniquais à la FIFA. C’est devenu l’obsession d’une ligue qui a échoué à faire avancer ce sport dans le cadre et selon l’esprit qu’elle s’est elle-même fixée depuis 40 ans. Mais tout, dans ce pays, se ramène à une affaire d’institutions et de pouvoirs qu’il nous manque. Il nous faut donc quitter la Fédération française pour être membre à part entière de la Fédération internationale. Dans le monde du foot-ball et sous le regard intéressé des politiques, la FIFA est devenue la nouvelle marotte.
Le vieillissement de la population martiniquaise et les désordres sociaux, politiques et économiques qui pourraient en découler ont suscité la réaction de Raphaël Confiant dans sa dernière tribune, « L’illusion de la Sylver économie ». Il estime qu’il ne pourrait se développer une économie fondée sur le vieillissement de la population que dans le cadre d’une économie globale. Or, selon lui, cette économie n’existe pas en Martinique.
– Les fonctionnaires, médecins, avocats, commerçants et les « bonnes à tout faire ».
Ainsi donc, l’affaire du Green Parrot a été dépaysée à la demande du procureur général de la Martinique. N’est-ce pas un succès des partisans d’AMJ et de ses défenseurs ? En effet, la défense ne s’était pas privée de fournir les arguments qui auraient pu manquer à la Cour de Cassation pour prendre cette décision. Pour preuve la plainte déposée contre le procureur de la République, « Maitre Corbeaux », ainsi moqué par le chef de file des avocats. On aurait pu s’attendre à une avalanche de réactions sur les réseaux sociaux et dans la presse, les uns favorables, les autres hostiles, comme celles qui ont fusé au lendemain de phénomènes récents. Tout le monde est prudent car aucun parti politique ne se croit en situation de pouvoir tirer profit d’une éventuelle inéligibilité du président de l’exécutif de la CTM.
Le moment approche où les Martiniquais se lasseront de la chronique permanente qui met en scène les rapports entre les hommes politiques et les békés. Il est de règle pour les partis politiques de gauche d’afficher leur détestation de ces Martiniquais, lesquels sont porteurs, selon eux, de la triple tare de descendants d’esclavagistes, de patrons capitalistes et de Blancs pays. Il y a peu de martiniquais qui, à l’un de ces titres ou aux 3 à la fois, ne pourraient pas trouver matière à poursuivre cette aversion qui instille le discours de la société martiniquaise. Sauf que tout le monde se fatigue et qu’au moment où chaque citoyen tient en permanence à la main un appareil photo enregistreur, il devient impossible de camoufler les contradictions. Les instruments qui ont trahi le vieil homme sont les mêmes qui trahissent ceux qui le condamnent. Il ne suffira plus de posséder en douce, honteusement, son « bon béké » ou son « bon métro » tout en stipendiant la gente des békés et celle des métropolitains. Halte à l’hypocrisie : les hommes publics se verront de plus en plus obligés de parler vrai.