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Une histoire à double message

— Par René Ladouceur —

Par un des hasards dont l’édition n’est même pas l’organisatrice, deux femmes qu’on soupçonne de préférer la littérature à la paraphrase jouent en cette fin d’année, pour notre plus grand plaisir, à l’écriture exquise.

Ces deux femmes s’appellent Christiane Taubira et Emmelyne Octavie.

La première se distingue dans Gran Balan et la seconde dans Par accident/Le jour où maman n’est pas morte*.

Pour les besoins du présent article, nous allons nous consacrer exclusivement à Emmelyne Octavie.

Pour un artiste, dénoncer les dysfonctionnements de la société, c’est accomplir son destin, remplir sa mission.

En publiant Par accident/Le jour où maman n’est pas morte, Emmelyne Octavie ne met pas seulement l’accent sur l’irresponsabilité des automobilistes, elle met aussi en cause l’état défectueux des routes en Guyane.

Elle engage, à sa manière, qui est suggestive, un travail de prise de conscience sur l’insécurité routière, dans l’exercice de sa passion et le ministère de sa foi.

De quoi s’agit-il ? D’un texte, que l’on n’ose qualifier de roman, qui véhicule une bien singulière histoire. Emmelyne Octavie, un lundi, est abasourdie par un violent accident de la route.

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La Guyane bouillonne toujours

—René Ladouceur —
Ce débat sur les Gilets jaunes, dans l’Hexagone, je le suis, comme nombre d’entre nous ici, avec beaucoup de distanciation et de circonspection. C’est assez pratique pour – comment dire ? –, jouer sur les perspectives et jauger les comparaisons avec la Guyane.
Alors que depuis plusieurs décennies, la légitimité démocratique s’érode du fait d’une désertion croissante des électeurs, il est surprenant que le gouvernement ait pu sembler pris au dépourvu par la colère des Gilets jaunes.
On nous objectera –et à juste titre- qu’en Guyane aussi la colère des 500 Frères a pris tout le monde de court. C’est bien le moins que l’on puisse dire.
L’étourdissante complexité de la Guyane, il est vrai, nous impose et  même nous condamne à l’humilité.
Au moment où j’écris ces lignes, les commentaires se concentrent sur les déroutantes maladresses que la nouvelle directrice de l’ARS, Clara de Bort, a multipliées dans sa gestion du mouvement de grève au Centre Hospitalier de Kourou.
Où l’on voit que pour être utile, l’humilité a fortement besoin de la détermination.
Sans la fermeté du Sénateur Antoine Karam et surtout celle du Député Gabriel Serville, Clara de Bort n’aurait probablement jamais cru utile d’aller présenter ses excuses aux parties impliquées dans le conflit du CHK pour l’avoir attendue en vain à une réunion de travail.

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Guyane : « Ne sentez-vous pas monter la colère ? »

— Par René Ladouceur —
Il faut être bien isolé des Guyanais et du battement vital de la Guyane pour ne pas se rendre compte que, depuis l’affaire du squat de la rue madame Payée, leur colère est montée de plus d’un cran. Les propos particulièrement indignés de l’écrivaine Aline Chanol, l‘autre soir sur Télé-Guyane la 1ère, sont sans doute l‘expression la plus achevée de cette exaspération grandissante.
Crise de confiance ? Crise de conscience ? Crise statutaire ? Crise de croissance ? Depuis la grande mobilisation de 2017, politiques et commentateurs discutent souvent de cette épineuse question. Vieille histoire, en vérité : à Byzance, moines et érudits débattaient du sexe des anges cependant que les troupes du sultan étaient sur les remparts… Quel que soit le nom que l’on s’accorde à attribuer à cette crise, la Guyane est confrontée à des problèmes structurels majeurs que l’Hexagone ne se résout toujours pas à régler. Et, de Cayenne à Camopi, la colère enfle, à telle enseigne que la seule question qui se pose à tous ceux que préoccupe l’avenir de la Guyane devrait être : mais comment l’apaiser ?

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De quelle Guyane la mobilisation de mars est-elle le nom ?

— Par René Ladouceur —

Bien sûr, il y a aussi pour chacun de nos élus politiques des raisons personnelles ou stratégiques de plaider en faveur des Accords de Guyane, d’autant plus que, dans l’opinion publique guyanaise, la mobilisation populaire de mars/avril dernier jouit encore d’un prestige intact. Mais prenons vite de l’altitude : nous en avons besoin.
C’est un fait que des hommes et des femmes qui n’ont pas été d’accord entre eux sur des points d’importance ont estimé, à l’occasion de notre grand mouvement social, devoir mettre les intérêts de la Guyane au-dessus de leurs désaccords. Il m’est arrivé de me poser la question de savoir s’il existe un sentiment d’appartenance proprement guyanais et si ce sentiment peut être considéré comme suffisamment important pour triompher de toutes les querelles partisanes. La réponse, sans ambages, est « oui », et ce sentiment est digne de l’intérêt le plus attentif. Evitons les conclusions faciles sur la versatilité de nos hommes politiques selon le changement des circonstances et des intérêts. Ce qui paraît le plus intéressant, c’est de voir que le sentiment que les intérêts supérieurs de la Guyane doivent prévaloir sur tout le reste commence à s’enraciner dans la conscience politique du pays.

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L’Université de Guyane, c’est enfin maintenant

— Par René Ladouceur —

universite_de_guyaneEn 1967, Jean-Jacques Servan Schreiber, dans son célébrissime livre Le Défi Américain, pronostiquait avec 13 ans d’avance l’irruption du micro-ordinateur et démontrait que « l’arme absolue » mise en œuvre par les Américains pour dominer le monde était l’investissement dans les universités. « L’Amérique tire en ce moment un profit massif du plus rentable des investissements : la formation des hommes« , écrivait ce visionnaire, qui dirigeait alors l’hebdomadaire l’Express. A l’époque, voici 48 ans, les Etats-Unis comptaient déjà 45% d’une génération diplômée de l’enseignement supérieur. Aujourd’hui, la France commence à peine à atteindre ce chiffre.

Pour ce qui est de la Guyane, son université a été créée le 1er janvier dernier. Curieusement, l’atmosphère d’allégresse qui a accueilli l’annonce de cette création s’est peu à peu transformée en climat on ne peut plus serein. L’Université de Guyane n’a toujours pas été inaugurée mais elle se structure. Calmement, tranquillement, sereinement, presque discrètement. Silence, on travaille. Les recrutements du personnel administratif comme ceux du personnel enseignant vont bon train, comme si l’université avait spontanément intégré sa feuille de route, à savoir une université éperdument guyanaise, à la fois française et sud-américaine, arc-boutée sur les problématiques géostratégiques, culturelles, sociales, économiques, historiques ; une université résolument tournée vers le plateau des Guyanes, les réseaux internationaux et vers la construction d’avenir pour les jeunes lycéens, pour les étudiants, pour notre compétitivité, notre réussite socio-économique.

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L’intéressante maladresse de George Pau-Langevin

— Par René Ladouceur —
pau_langevin-3 Je ne suis pas précisément un fan des commémorations. Je préfère voir le passé revenir de lui-même, sans qu’un rite le convoque. Mais je vais le dire ici sans barguigner : évoquer le Mouvement de la renaissance guyanaise fait plus que m’enchanter. Tout est magique pour moi dans cette période. J’aime la Guyane du Mouvement de la renaissance guyanaise, j’aime ses illusions, ses échecs, ses dérèglements, son intensité, et je l’aime parce que c’est l’une des plus belles, des plus grandes rencontres de la Guyane avec les Guyanais qui sont entrés dans l’Histoire. Songez que c’est en novembre 1946 que René Maran revient en Guyane. Il y arrive sans Félix Eboué, disparu deux ans plus tôt, mais pour soutenir, à l’occasion des élections législatives, la candidature de René Jadfard, le leader du Mouvement de la renaissance guyanaise. Jadfard, en effet, se présente à nouveau contre Gaston Monnerville. Excusez du peu. C’est à cette occasion que René Maran retrouve son ami Léon Damas qui, à Paris, n’avait de cesse de lui reprocher de ne pas s’intéresser suffisamment à la Guyane.

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Pourquoi il est même indécent d’être Charlie

–– Par René Ladouceur —
charlie_passion-400Un ami, agacé, me réveille pour me demander mon point de vue sur, dit-il, « les attaques racistes dont fait l’objet la Guyane». L’auditeur qu’il vient d’entendre sur Radio-Guyane 1ère ne trouve pas de mots assez durs pour fustiger, et sur un ton des plus obscènes, les Guyanais coupables, à ses yeux, de n’avoir pas participé massivement, comme dans l’Hexagone, à la grande marche républicaine du 11 janvier dernier.

Je donne raison à mon ami.Moi non plus, je n’ai pas eu envie de me trouver l’autre dimanche Place de la République, à Paris, pour crier « même pas peur ! », l’autocollant « Je suis Charlie » rivé sur le front. Pourquoi donc ? Je n’ai naturellement pas été indifférent au meurtre de masse, commis de sang-froid, qui a endeuillé la France entière. J’ai même littéralement fondu en larmes en apprenant la mort de Cabu. Rien ne peut ni ne doit justifier un tel assassinat⋅ Dire cela aujourd’hui n’a rien d’original : des millions de personnes l’ont pensé et l’ont ressenti ainsi, à juste titre⋅ Il reste que, dès les premières minutes de cette épouvantable tragédie, une question m’est venue immédiatement à l’esprit : le profond dégoût éprouvé face au meurtre devait-il obligatoirement me conduire à m’identifier avec l’action des victimes ?

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Et si Taubira était bien plus que la caution morale de Hollande ?

— Par René Ladouceur —

christiane_taubiraEn 1956, deux jours avant de mourir, l’écrivain Henri Calet écrivait : « Ne me secouez pas. Je suis plein de larmes. » À l’heure où s’achève, en ce dimanche 31 août, l’université d’été du PS à La Rochelle, la formule s’applique parfaitement à Laurent Wauquiez. Le député UMP ne trouve pas de mots assez durs pour dénoncer le maintien de Christiane Taubira dans le nouveau Gouvernement de Manuel Valls. Il est convaincu de faire partie de ceux qui sont arrimés à l’avenir quand la ministre guyanaise incarne plutôt ceux qui, à ses yeux en tout cas, sont enchaînés par l’Histoire. C’est entre ces deux fronts que l’antagonisme est censé demeurer définitif.

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Ce visage de Félix Eboué qu’on ne soupçonne même pas

— Par René Ladouceur —

felix_eboue-400Les Guyanais seront sans doute nombreux à se souvenir de ce mois de juillet 2014 quand, à Cayenne, a été inauguré le boulevard Nelson Mandela, qui plus est en présence de la ministre guyanaise de la Justice Christiane Taubira. Il leur importe davantage de savoir que c’est aussi en un mois de juillet que Félix Eboué, l’icône de leurs rares figures emblématiques, est revenu pour la première fois en Guyane. C’était en 1921, l’année même où son vieil ami René Maran, grâce à Batouala, a obtenu le Prix Goncourt. Sur sa terre natale, Félix Eboué, alors diplômé de l’Ecole coloniale, retournera en 1922, en 1927, en 1931, en 1932, avant de promettre à René Maran d’y revenir également en 1946, en vue des législatives. Le destin, on le sait, en a décidé autrement.

Il reste que, dans sa ferme volonté de ne jamais perdre le fil avec la Guyane, Félix Eboué laisse percer sa vraie nature⋅ L’homme est si peu dans le rythme de sa génération⋅ A l’écart⋅ Original⋅ Différent⋅ Inédit⋅ Paradoxal⋅ Singulier et en même temps classique⋅ Déterminé bien qu’amoureux des chemins de traverse.

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