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« L’artiste et le dire vrai » : osé et captivant

— Par Roland Sabra —

Est-ce le sous titre «  D’après « Le gouvernement de soi et des autres. Le courage de la vérité » de Michel Foucault » qui dissuadé le public de venir goûter et apprécier le cadeau qu’offrait vendredi soir Michel Richard avec son spectacle « L’artiste et le dire vrais » ? Était-ce d’autres programmations, de danse, de cinéma ? Toujours est-il que le public était peu nombreux dans la petite et sympathique salle de l’A’zwell, le théâtre que dirige Lucette Salibur aux Terrevilles de Schoelcher. Tant pis pour les absents. Le montage de texte retenus par Michel Richard est issu dans sa très grande partie des toutes dernières leçons de Michel Foucault entre janvier et mars 1984 avant sa mort, victime du Sida le 25 juin de la même année. Il avait 58 ans. On peut avoir une première idée de la perte en songeant que c’est à cet âge là que Lacan commence à tenir son séminaire.

Beaucoup repèrent deux périodes dans l’œuvre du philosophe, et vont jusqu’à évoquer deux Foucault. Le premier est celui de « L’histoire de la folie », «  Surveiller et punir, » «  les Mots et les choses »etc.

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Les aveux sans fin de la chair

— Entretien réalisé par Nicolas Dutent —

Rencontre avec Frédéric Gros, philosophe et préfacier du dernier volume de l’Histoire de la sexualité de Michel Foucault.

Quelle place occupe les Aveux de la chair au sein de l’œuvre de Michel Foucault et de l’Histoire de la sexualité en particulier ?

FRÉDÉRIC GROS On parle ici d’une étude très importante, érudite et passionnante, sur le christianisme des premiers siècles de notre ère à travers le filtre de la sexualité. Les livres de Foucault jusque-là publiés avaient porté essentiellement soit sur la modernité occidentale (XVIe-XIXe siècles) quand il s’agissait d’entreprendre une archéologie des discours (les sciences humaines) ou une généalogie des pouvoirs (la discipline normalisante), soit sur l’expérience antique des plaisirs. C’est le premier livre de Foucault consacré entièrement aux doctrines (à propos du mariage, de la virginité, du péché de luxure), aux rituels, aux pratiques (baptême, pénitence) tels que les Pères chrétiens des premiers siècles les ont élaborés. Cet ouvrage vient donc compléter l’étude de la sexualité ancienne en donnant toute sa place à l’Antiquité chrétienne. L’examen de cette part chrétienne est particulièrement décisif pour Foucault parce que, autant l’expérience grecque est éloignée de la nôtre, autant au contraire notre expérience contemporaine d’être des « sujets de désir » prend ses coordonnées fondamentales et secrètes dans des pratiques de soi élaborées dans les premiers monastères chrétiens ou des dissertations sur la sexualité d’Adam.

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Deux volumes pour marcher avec Foucault

michel_foucaultŒuvres (tomes I et II), de Michel Foucault. Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 59,50 euros l’unité.Critique Maladie mentale, prison, sexualité… Ces publications nous rappellent combien les immersions de Foucault en territoires désertés continuent d’être déterminantes.

Frédéric Gros, auteur de Marcher, une philosophie (Carnets nord), a le goût des traversées. Cet universitaire rompu aux travaux personnels et collectifs sur Michel Foucault – attraction intellectuelle qui remonte à sa thèse – est aussi l’initiateur d’essais affûtés, dont États de violence et le Principe Sécurité parus chez Gallimard (« NRF Essais »). Il ne s’agit pas ici de l’exercice solitaire incarné par les promenades rituelles de Kant à Königsberg, mais du pèlerinage de plusieurs fidèles. Dans l’entreprise fastidieuse de « la Pléiade », l’action organisatrice du chef d’orchestre importe autant que le choix des musiciens. La partition est servie par des collaborateurs aguerris : François Delaporte, Jean-François Bert, Philippe Chevallier, Bernard Harcourt, Martin Rueff, Philippe Sabot et Michel Senellart. L’introduction, subordonnée à une chronologie soignée de Daniel Defert, condense admirablement les défis théoriques posés par l’œuvre de Foucault. Le tome I (1926-1967) se concentre sur les textes fondateurs : sa volumineuse Histoire de la folie à l’âge classique côtoie ses réflexions sur la Naissance de la clinique et Raymond Roussel et son non moins décisif les Mots et les Choses.

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Michel Foucault et archéologie de prison

—Par Jérôme Lamy, historien des sciences —
prisonDans son cours sur la « société punitive », l’historien et philosophe étudiait comment les sociétés capitalistes traitent les individus ou les groupes dont elles veulent se débarrasser.

La société punitive, de Michel Foucault. Éditions Ehess, Gallimard, Seuil, 2013, 26 euros.  Dans son cours au Collège de France de l’année 1972-1973, Michel Foucault abordait ce qui allait devenir la thèse centrale de son livre Surveiller et punir, à savoir la transformation, au XIXe siècle, des modes de répression des illégalismes. L’enseignement du philosophe s’ouvre sur une analyse serrée de la figure du criminel comme ennemi social. En considérant la politique comme une perpétuation de la guerre civile, Foucault réinscrit l’économie de la punition dans l’ordre capitaliste de la modernité. Il remarque également que la morale religieuse vient redoubler la structuration pénitentiaire. La bourgeoisie, jusqu’à la Révolution, s’est accommodée d’une certaine forme d’illégalisme des classes populaires. Mais une fois au pouvoir, et disposant de l’institution judiciaire, les illégalismes des plus humbles lui sont devenus insupportables, car elle craignait une confiscation de son capital. Foucault pointe ici la double articulation du système punitif aux exigences capitalistes et aux impératifs moraux.

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