Étiquette : Marina KELTCHEWSKY

« La guerre n’a pas un visage de femme », m.e.s. de Julie Deliquet

— Par Jandira Bauer—

« La guerre n’a pas un visage de femme », titre de l’ouvrage de Svetlana ALEXIEVITCH publié en 1985 en URSS (censuré pendant plusieurs années), constitue d’emblée un acte de subversion littéraire et mémorielle.

L’auteure y dénonce à la fois une invisibilisation historique et un stéréotype profondément enraciné dans les représentations collectives : celui d’une guerre fondamentalement masculine. Ce titre fonctionne donc comme un renversement symbolique destiné à interroger non seulement le statut des femmes dans les conflits armés, mais aussi la manière dont les récits de guerre sont construits, transmis et légitimés dans les discours.

La négation paradoxale : La guerre n’a pas un visage de femme, suggère qu’elle (la guerre – nom féminin) devrait ou quelle pourrait en avoir un, et qu’il existe une dimension féminine occultée du conflit. Dans l’Histoire, le récit de guerre a longtemps été monopolisé par une écriture virile, épique ou tragique, centrée sur l’héroïsme, le commandement, le sacrifice et la victoire… Or, en relevant la parole de femmes ayant participé activement à la Seconde guerre mondiale — infirmières, tireuses d’élite, mécaniciennes, télégraphistes ou soldates –Alexievitch reconfigure la topographie de la mémoire : elle rompt avec une conception monolithique de l’Histoire militaire, pour ouvrir un espace discursif où l’émotion, la subjectivité, la mémoire intime ont droit de citer.

→   Lire Plus

« La Guerre n’a pas un visage de femme », d’après le livre de Svetlana Alexievitch, m.e.s. Julie Deliquet

— Par Michèle Bigot —

Cette proposition theâtrale est une création du Théâtre Gérard Philippe, CDN de Saint-Denis, datant de septembre 2014. Sa riche tournée témoigne du succès emporté par cette pièce. Sur scène, dix personnages, neuf femmes russes dans leur échange avec Svetlana Alexievitch venue recueillir leur témoignage sur la grande guerre patriotique. Toutes ces femmes furent engagées volontaires pour partir au front, soit en tant que soldat, sergent, tireuse d’élite, adjudant-chef, lieutenant de la garde, agent de renseignement, soit en tant que soignantes, médecin, brancardière. Toutes se sont trouvées en première ligne et sont désireuses de témoigner du conditionnement idéologique qui les a préparées, de leur réel désir d’en découdre avec le fascisme, de la violence des combats, de la solidarité des combattants, de la rencontre avec la peur, avec la haine, des difficultés à se faire reconnaître en tant que femme combattante, du malaise aussi que peuvent connaître des jeunes filles (certaines n’ont pas plus de quinze ans et ont menti sur leur âge pour être enrôlées) à se retrouver au coeur d’un bataillon d’hommes, avec des uniformes top grands pour elles, avec le malaise d’avoir leurs règles au mauvais moment etc.

→   Lire Plus

« Circulations capitales », un projet de Marine Bachelot-Nguyen

Tois comédien(ne)s, l’autrice et ses deux complices, tous trois métis, à cheval sur deux cultures, vietnamienne ou russe et française, partent à la recherche de leur mémoire familale. C’est un road movie entre Vietnam , Russie et France qui les occupent mais c’est aussi un voyage au coeur des cultures. Chacun raconte son parcours, l’histoire de sa famille, la difficulté d’intégrer les deux cultures auxquelles ils appartiennent pourtant de plein droit. Leur histoire personnelle va rencontrer la grande Histoire, ils traversent à leur corps défendant les systèmes politiques totalitaires et baignent dans leurs idéologies. Toute l’histoire du vingtième siècle défile à travers leur expérience, celle du colonialisme et du catholicisme, celle du communisme et celle du capitalisme triomphant. Les voilà écartelés entre ces systèmes de pensée, au coeur de familles déchirées par le conflit idéologique, marquées par des défaites, des trahisons et des remords. Comment la seconde génération échapperait-elle à ces imbroglios historiques, comment survivre dans ce maelström qui prive de sens tout avenir?

Par quels moyens rendre compte de ce voyage dans le temps et l’espace sur un plateau? D’abord par l’écriture scénique: c’est chose faite, puisque le récit se déroule à trois voix sur scène et en deux langues: polyphonie et plurilingusime sont donc conjointement convoqués.

→   Lire Plus