Étiquette : Gary Klang

Des conjurés dominicains se rencontrent chez moi à Paris 

— Par Gary Klang —-

Je ne voudrais pas que cette magnifique histoire, qui me tient tant à cœur et me touche de si près, se perde à tout jamais dans les sables du temps. Une des rencontres, qui devait mener à la chute du régime de Trujillo, se déroula chez moi à Paris dans les années 60, au 34 de la rue Gay-Lussac.

Les conjurés étaient mon oncle, Antonio Guzman, qui mit fin au trujillisme et devint le premier président démocratiquement élu de la République Dominicaine; accompagné du secrétaire général du Parti communiste et d’autres opposants à Trujillo. Ils devaient tous se rendre ensuite en Angleterre, pour rencontrer le colonel Francisco Caamano, puis à Madrid où Juan Bosch, chef du Parti Révolutionnaire Dominicain, les attendait.

La discussion allait bon train sur la tactique et la stratégie à suivre, et le Camembert, arrosé de vin rouge, alimentait les échanges, lorsque soudain on frappa à la porte. Tout le monde se tut et j’allai voir qui c’était. Sans surprise – puisqu’il venait me visiter à peu près tous le jours – je vis mon ami Gérard Aubourg, Boubou le Fou pour les intimes, tout sourire comme d’habitude.

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« Fidel Castro » par Gary Klang

Fidel Castro (tout comme le Che) représente à mes yeux l’un des plus grands héros de tous les temps.
— Par Gary Klang —

Avant la prise du pouvoir, j’habitais à Port-au-Prince, dans le quartier de Bourdon, et à côté de chez moi se trouvait une pension de famille qui appartenait à ma grand-tante et où logeait l’ambassadeur de Batista, un certain Valdivia. Comme à l’époque il y avait couvre-feu, car le vieux fou de Duvalier jouissait de terroriser son peuple et que tout le monde s’ennuyait, Valdivia venait tous les soirs s’entretenir avec mes parents. La zone étant isolée, il n’y avait aucun danger. Les deux voisins, qui habitaient de l’autre côté, venaient eux aussi se joindre à nous. Il s’agissait de l’avocat Georges Rigaud et d’Hubert Legros, deux opposants à Duvalier qui tuaient le temps en ourdissant des complots qui, hélas, furent tous des échecs. Je revois encore Valdivia disant en souriant malicieusement que Fidel était un hurluberlu qui n’avait aucune chance de vaincre. Mais le Destin fit mentir Monsieur l’Ambassadeur qui fut rappelé à la Havane et fusillé.

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Mon ami Fritz, nazi malgré lui

— Par Gary Klang —

Mon ami allemand s’appelait Fritz Kahl et vécut si longtemps en Haïti qu’il parlait le créole aussi bien que sa langue maternelle. Je veux ici raconter son histoire pour montrer que dans les armées d’Hitler tout le monde n’était pas nazi. Qui plus est, Fritz était communiste. Mais il dut faire la guerre tout simplement parce qu’il était allemand. Son frère Herbie périt sur le front russe, aviateur comme lui. Fritz m’a souvent raconté ses propres exploits guerriers et la méthode des SS qui, pour l’endurcir, le mettait nu dans la neige en plein hiver.

Il fit la guerre à contre-cœur dans la Luftwaffe et descendit plusieurs pilotes la mort dans l’âme, vu qu’il ne les considérait pas comme des ennemis. Mais il devait tuer pour ne pas être tué. Telle est l’horreur de la guerre.

Un jour, mon ami Fritz, n’en pouvant plus de cette absurdité, atterrit dans un désert et attendit que les troupes britanniques viennent l’arrêter. Elles le trouvèrent assis dans le sable. Il leur dit alors que pour lui la guerre était terminée et qu’ils pouvaient, s’ils le voulaient, le fusiller sur place.

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« Adieu Aylan », un poême de Gary Klang

A l’heure ou souffle un vent de haine aux États-Unis contre les Haitiens, je leur dédie mon poème pour le petit Aylan Kurdi mort d’avoir voulu trouver une terre d’accueil

Le grand responsable
celui que je nomme come mierda
l’épouvantail a la tignasse blonde

Adieu Aylan

Plus rien
Que l’ombre de la mer
Et l’enfant
Qui paraît endormi
A jamais seul
La tête bercée par cette eau calme
Comme une dernière caresse
Sa mère
N’est plus là pour le faire

Adieu Aylan

Je ne t’ai pas connu
Mais c’est tout comme
Tu es l’enfant du monde
L’enfant de tous les hommes
De toutes les femmes
L’enfant qu’on n’a pas eu

Adieu Aylan

Même allongé dans cette eau calme
Telle une poupée de chair
Tu te dresses à jamais
Contre tous ceux qui t’ont tué
Ces petits hommes
Vautrés
Dans leur démence
Et leur insignifiance

Adieu Aylan

Bonne route
Ton petit corps a fui le bateau ivre
Pour les terres de lumière
Qu’il repose à jamais dans les étoiles

Gary Klang

 

 

Le corps d’Alan Kurdi, trois ans, a été retrouvé sur la côte turque, à Bodrum.

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Algérie, ce pays presque mien

— Par Gary Klang —

Lorsque mon ami-frère Karim Akouche m’incita à écrire un texte sur l’Algérie, j’ai tout de suite accepté car ce pays presque mien me tient autant à cœur qu’Haïti, la France ou le Canada.

Je suis né en Haïti. Ma mère et mes grands-parents maternels sont eux aussi nés dans cette île, ce qui fait de moi un vrai natif natal, comme on dit là-bas. Tandis que mon grand-père paternel a vu le jour à Bône (Annaba) en Algérie, le 6 septembre 1883. La guerre de 1870 chassa Napoléon le Petit, mais aussi mon arrière-grand-père de Metz, en Alsace-Lorraine. Voici ce qu’en dit mon grand-père, Charles Klang, dans ses Mémoires :

« Pieds nus dans la neige et sous la rigueur du froid en hiver, c’est ainsi qu’il (son père Louis-Arthur) s’est battu. A la reddition de Metz, où il se trouvait alors, les Allemands lui offrirent le choix : ou demeurer à Metz et devenir Allemand, ou laisser la ville dans les 24 heures. Avec plusieurs compatriotes, il décida, abandonnant tous ses intérêts, de partir pour l’Algérie.

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Souvenirs de Mai 68

— Par Gary Klang—

En mai 68, j’habitais au 34, rue Gay-Lussac, à Paris, avec mon frère Serge et mon complice Bobby Labrousse. Un immeuble typiquement parisien, avec une minuterie faiblarde qui nous donnait à peine le temps de monter et, à l’entrée, une vieille concierge qui observait tous les mouvements, en tenant un gros chat dans ses bras. Au-dessous de mon appartement, une dame pleine de gaieté : Madame Paul Fort, la femme du poète, jeune fille de 85 ans.

Pourquoi cette digression sur le 34 ? Parce que la première barricade fut érigée dans la nuit du 10 au 11 mai, juste en face de mon immeuble. Les policiers campaient au bas de la rue, matraque en main, tout près du jardin du Luxembourg et un peu plus loin, leur faisant face, je me trouvais devant le 34 avec quelques copains qui avaient, tout comme moi, fui la dictature du médecin malgré lui : Bobby Labrousse, Gérard Aubourg, Ernst Wilson, Jean-Claude O’Garro…

La grande révolte de 68 commença dans l’improvisation. Un quidam, devant le 34, proposa en souriant de dépaver la rue et d’ériger des barricades afin de se protéger des CRS appelés SS.

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Ma rencontre avec le diable

— Par Gary Klang —
Mon histoire se déroule sous Duvalier et met en scène un monstre nommé Franck Romain. J’aimerais qu’elle serve aux générations futures, en leur montrant la cruauté des macoutes, et qu’elle soit donc un devoir de mémoire, d’autant qu’il existe encore des gens pour prétendre que tout allait mieux sous Duvalier que sous Aristide, car la paix régnait, oubliant que la pseudo-paix n’était que celle des cimetières (les morts ne parlent pas) et qu’Aristide avait contre lui la meute des bien-pensants.
C’est ainsi qu’un après-midi ma grand-mère me demanda d’aller lui acheter quelque chose. Arrivé près du Champ-de-Mars au volant de sa Volkswagen, je fus arrêté par un freluquet de gendarme dont je saurai plus tard le nom : Zo requin (os de requin). L’énergumène m’intima l’ordre de lui montrer mon permis de conduire qui malheureusement était périmé d’un jour. Mais au lieu de me donner une simple contravention, ce Zo requin rentra dans la voiture et me dirigea vers le bureau de police, d’où l’on sortait le plus souvent les deux pieds devant. Par chance pour moi, mon ami Wilhelm Elie fut témoin de la scène et alla aussitôt prévenir mes parents.

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Ex-Île

— Par Gary Klang —

« La chair est triste, hélas! et j’ai lu tous les livres.
Fuir! Là-bas fuir ! Je sens que des oiseaux sont ivres » (Mallarmé)


Comme beaucoup d’hommes et de femmes de ma génération, j’ai dû quitter une île devenue folle, Haïti, bateau ivre conduit par un médecin qui ne prescrivait qu’un seul remède : la mort ! Je partis donc, désespéré de devoir rompre à jamais avec une enfance heureuse que je croyais éternelle. Je nommai cela l’ex-île et en fis un recueil de poèmes. Mais il m’était impossible alors de voir le bon côté des choses.

Je traînai donc ma nostalgie pendant des années jusqu’au jour où je compris que du négatif on peut toujours extraire du positif.

Ma poésie a évolué parallèlement à cette prise de conscience et j’ai pris de plus en plus goût aux voyages en me disant que la seule bonne action qu’avait accomplie le médecin diabolique, c’était précisément de m’avoir forcé à partir. Car, resté en Haïti, aurais-je écrit ? Du moins, aurais-je écrit les mêmes livres ?

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Aimé Césaire et Gaston Miron

— Par Gary Klang —

 L’idée de cet article me vint de Gaston Miron lui-même qui m’invitait à la comparaison :

« La lecture de Césaire me bouleversera en raison d’une parenté à mon insu très proche…»

Malgré des différences, il y a de grandes similitudes entre le poète du Québec et celui de la négritude, deux écrivains engagés, investis d’une mission sacrée : exprimer l’être de leur peuple à partir d’un sentiment d’aliénation, analysé brillamment par Hegel que cite Miron :

«Aliénation : traduction de  Entfremdung.  Hegel : dépossession.  Ne plus s’appartenir.  Devenir étranger à soi-même »

Miron est étranger dans sa province, et Césaire, dépossédé de son identité dans le département français de la Martinique, en étrange pays dans son pays lui-même. Une des raisons pour lesquelles il parle si souvent de Toussaint Louverture, du Roi Christophe et d’Haïti qui, elle, a arraché son indépendance aux troupes de Napoléon, acquérant ainsi un sentiment profond de devoir accompli qui lui permettra de supporter bien des malheurs. Césaire est un homme en colère et Miron, un être qui porte sa tristesse en écharpe, d’où le sentiment de faim et de soif qu’ils expriment dans leurs poèmes :

« Nous avons soif de toutes les eaux du monde

Nous avons faim de toutes les terres du monde » (Miron)

« Ce que je veux

c’est pour la faim universelle

pour la soif universelle » (Césaire)

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Haïti sur le divan de Freud

Un regard psychanalytique

— Par Gary Klang —

Pour tenter d’expliquer l’échec haïtien – tâche immensément complexe – il y a en premier lieu les causes que tout le monde connaît : cet apartheid qui date de la colonie et de l’esclavage. Ce refus de l’autre fondé sur l’absurde question de couleur ou mieux, de nuance de couleur : grimaud, grimelle, chabine, etc. Les racistes semblant ignorer que les humains ont tous la même souche africaine. D’où des stupidités sans nom : celui qui était méprisé la veille se voit tout d’un coup respecté le lendemain, dès lors qu’il devient riche, car la richesse a le pouvoir magique de gommer la couleur.

Il me semble évident que ces tensions empêchent le développement et l’unité du pays. Elles ont d’ailleurs fini par éclater avec l’arrivée au pouvoir du satanique docteur Duvalier qui soignait en donnant la mort. Mais par-delà ces causes plus qu’évidentes, il y a des raisons cachées tout aussi importantes. Mon esprit psychanalytique m’a incité à chercher au-delà des apparences, ayant la certitude que des causes inconscientes expliquent en profondeur les blocages d’Haïti.

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