Le chikungunya révèle l’effondrement d’un système à bout de souffle
— Par Jean Samblé —
À La Havane, dans le quartier populaire de Jesús María, les habitants peinent à mesurer l’ampleur de ce qui leur arrive. Depuis son canapé qui lui sert de lit depuis plusieurs jours, Pilar Alcántara, 81 ans, murmure qu’elle « ne peut plus bouger tant la douleur est forte ». L’octogénaire figure parmi les derniers malades d’un pâté de maisons où pratiquement chaque foyer a été touché. Dans cette zone densément peuplée, beaucoup continuent de souffrir longtemps après la fièvre : des douleurs articulaires tenaces, parfois invalidantes, que les médecins associent au chikungunya.
Partout sur l’île, les mêmes scènes se répètent. Ce virus, apparu en juillet dans la province de Matanzas, s’est propagé à une vitesse fulgurante jusqu’à toucher les quinze provinces du pays. Les autorités sanitaires parlent d’une « épidémie complexe » mêlant chikungunya, dengue et oropouche, dont les premiers cas ont été enregistrés au cœur de l’été. Selon le ministère de la Santé, plus de 47 000 infections ont été détectées en une seule semaine, soit deux fois plus que la précédente.

Le premier vaccin contre le chikungunya, autorisé en juillet dernier par l’Union européenne, marque une avancée importante dans la lutte contre cette maladie virale transmise par le moustique. Nommé IXCHIQ, ce vaccin vivant atténué présente une efficacité prometteuse et pourrait compléter les stratégies de prévention déjà existantes, notamment contre cette maladie qui, bien que rare en France, reste préoccupante en raison de ses symptômes invalidants et chroniques.
L’OMS, l’agence de l’ONU pour la santé, et l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) ont travaillé sur une nouvelle technique de stérilisation des moustiques, notamment les moustiques tigres. Des tests à grande échelle vont être lancés dans une vingtaine de pays l’an prochain pour éradiquer la dengue, le zika et le chikungunya.
Au cours de la première semaine de janvier 2015, le nombre de cas évocateurs de Chikungunya vus en consultation par les médecins généralistes s’élevait à 179. Depuis le début de l’épidémie (décembre 2013), on estime donc à 72 606 le nombre de patients vus en consultation de ville par des médecins généralistes pour motif de suspicion de Chikungunya. Compte tenu du nombre de malades n’ayant pas consulté un médecin, on peut raisonnablement estimer, selon l’enquête flash réalisée par l’ARS en juillet dernier, qu’au minimum 140 000 personnes vivant en Martinique ont été touchées par l’épidémie (soit près d’1/4 de la population).
Du
Saletés à la Pointe-Courchet au François
