— par Janine Bailly —
De Florence Lazar : « Tu crois que la terre est chose morte »
Non, je ne suis pas de ceux qui disent les avantages supposés de cette étrange période de confinement ! Non, je n’ai pas attendu que Monsieur Macron me conseille d’utiliser ce temps mort pour m’adonner à la lecture, et je ne mets pas à profit les heures pour faire tout ce qu’en temps normal j’aurais remis aux calendes grecques. Non, je ne dirai pas, comme ceux-ci qui vont s’épanchant dans les médias, ce que sera « le monde d’après », je ne sais s’il y aura un autre monde ni ce qu’il pourrait bien être, ni si les hommes auront changé ou s’ils retomberont dans leurs ornières coutumières. Je songe seulement à Woody Allen écrivant « Je ne sais pas si Dieu existe, mais s’il existe, j’espère qu’il a une bonne excuse. » Parce que je suis plutôt dans la sidération. Parce que je ressens d’abord le tragique de la situation, et que je sais ceux qui souffrent. Ceux qui meurent.

Depuis le 15 décembre dernier, le spectacle Kanata. Épisode 1 la controverse est joué à la Cartoucherie à Paris. Pour la première fois, Ariane Mnouchkine a laissé les rênes de sa troupe le Théâtre du Soleil à un autre dramaturge : le Québécois Robert Lepage. Cette pièce dont le titre est le nom en langue Wendat du Canada (et non le nom « ancien » comme le présente le dossier de presse) a pour ambition de retracer l’histoire du Canada à travers celle des Premières Nations. Parce qu’il questionne l’appropriation culturelle et la démarche collaborative, et parce qu’il a été maintenu en France après avoir été annulé au Canada, ce spectacle est symptomatique d’un débat brûlant ici aussi : comment et où arrivera-t-on à créer en assumant les dynamiques d’oppressions, pour mieux les abattre ?
Utopie. Le mot a disparu, sinon des dictionnaires, du moins des esprits contemporains, inquiets ou désenchantés. Depuis un demi-siècle et la création du Théâtre du Soleil par Ariane Mnouchkine, c’est bien, pourtant, ce qui résiste dans cette Cartoucherie magique, nichée au milieu du bois de Vincennes : une utopie concrète, durable, flamboyante.